Le poing levé, le chef de l’Etat serbe sortant, Aleksandar Vucic, a revendiqué, dimanche 3 avril, une victoire écrasante à la présidentielle. « Il n’y a eu du suspense à aucun moment », a-t-il lancé dans son discours de victoire, en se félicitant d’avoir remporté un second mandat de cinq ans dès le premier tour, avec 60 % des voix environ.
« Je suis heureux qu’un grand nombre de gens aient voté et démontré la nature démocratique de la société serbe », a poursuivi celui qui fut successivement premier ministre adjoint et premier ministre avant d’accéder à la présidence.
Les électeurs étaient appelés à désigner leur chef de l’Etat, leurs 250 députés, ainsi que plusieurs conseils municipaux, dont celui de Belgrade, la capitale.
Aleksandar Vucic, 52 ans, a déclaré que son Parti progressiste serbe (SNS, centre droit) avait remporté près de 44 % des voix aux législatives. « Nous sommes sur le point de former un gouvernement à nous seuls, mais avec le Parti de la minorité hongroise, nous avons plus que suffisamment de voix pour former une majorité », a-t-il ajouté.
La domination de la coalition au pouvoir devrait cependant être moins hégémonique que dans le Parlement sortant. Les résultats officiels ne devraient pas être publiés avant lundi soir.
« Paix. Stabilité. Vucic »
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, à la fin de février, a changé le cours de la campagne, qui aurait dû se concentrer sur l’environnement, la corruption et les droits dans ce pays des Balkans de 7 millions d’habitants, candidat à une adhésion à l’Union européenne.
Mais Aleksandar Vucic, habitué à jouer des influences rivales de l’Est et l’Ouest, s’est emparé de la guerre à son avantage. Dans un pays subissant comme ailleurs la pandémie de Covid-19, il s’est présenté comme le seul capable de barrer le navire par temps d’orage. Il a fait campagne sous le slogan « Paix. Stabilité. Vucic ».
« L’influence de la crise ukrainienne sur les élections a été énorme », a reconnu le président. « La Serbie a penché dramatiquement vers la droite », avec l’entrée au Parlement de petits partis nationalistes prorusses, a-t-il relevé.
Le gouvernement a manœuvré avec précaution pour gérer la crise en Ukraine, en condamnant officiellement la Russie aux Nations unies et en s’abstenant de toute sanction contre Moscou, alors que de nombreux Serbes soutiennent la guerre du Kremlin. Certains partis d’opposition partagent ces vues prorusses. Les autres n’osaient pas se prononcer, de peur de déplaire aux électeurs favorables à Moscou.
Des organosations non gouvernementales ont fait état d’incidents et de violences durant le scrutin, tandis que des opposants dénonçaient des tentatives d’intimidation des électeurs par le SNS dans les bureaux de vote. Pavle Grbovic, leader d’un parti d’opposition de centre gauche, a affirmé avoir été attaqué par des militants du SNS en tentant de filmer des fraudes à Belgrade. Aleksandar Vucic a démenti toute irrégularité.
Des Serbes du Kosovo, l’ancienne province méridionale jamais reconnue par Belgrade, sont montés à bord de 40 autocars pour participer aux élections en Serbie voisine, Pristina ayant refusé d’organiser les opérations électorales sur son sol.
Percée de l’opposition
Il y a seulement quelques mois, l’opposition semblait avoir réussi une percée dans le pays. En janvier, Aleksandar Vucic a annulé un projet controversé de mine de lithium, qui avait mobilisé des dizaines de milliers de manifestants, un revirement rarement vu durant sa décennie aux commandes.
L’opposition a assuré avoir réussi une percée aux municipales de Belgrade, sans que des résultats officiels soient disponibles. « Nous avons allumé la lumière, a réagi le principal rival d’Aleksandar Vucic, le général à la retraite Zdravko Ponos. C’est pour cela que tant de gens sont allés voter, ils n’ont pas eu peur. Nous n’allons pas gâcher cela. »
Aleksandar Vucic partait au scrutin armé d’avantages. Durant son long règne, il a resserré son emprise sur tous les niveaux du pouvoir, y compris un contrôle de facto des institutions et de la quasi-totalité des médias. Il bénéficie d’une vaste base électorale, constituée de fonctionnaires et de leurs proches, selon les analystes. Dans les mois précédant la campagne, le président a également distribué des aides financières, faisant dire à ses critiques qu’il cherchait à « acheter » des voix.
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