Maison d'Izieu, une histoire au-delà de la rafle

Portrait au fusain de deux des 44 enfants déportés et un des dessins exposés à Izieu. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
Portrait au fusain de deux des 44 enfants déportés et un des dessins exposés à Izieu. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
Portrait au fusain de deux des 44 enfants déportés et un des dessins exposés à Izieu. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
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Le 6 avril 1944, à la maison d'Izieu, 44 enfants juifs âgés de 4 à 17 ans étaient raflés puis déportés et assassinés par les nazis. La directrice de la colonie a pu récupérer leurs lettres, petits mots et dessins, exposés pour la toute première fois. De quoi mettre l'Histoire à hauteur d'enfant.

22 dessins, lettres et petits mots originaux produits par les 44 enfants juifs raflés et déportés à Auschwitz Birkenau le 6 avril 1944 sont exposés pour la première fois au mémorial de la Maison d'Izieu, dans l'Ain, là où ils ont été créés pendant la Seconde Guerre mondiale. Vous avez jusqu'au 6 juillet prochain pour voir ces pièces originales et très fragiles restées dans les cartons pendant 77 ans. Elles disent l'imaginaire, les préoccupations et surtout la joie de ces enfants juifs réfugiés dans une colonie de mars 1943 jusqu'à la rafle le 6 avril 1944. Et elles retourneront ensuite dans la réserve de la Bibliothèque nationale de France avec laquelle l'exposition a été organisée.

Aquarelles de Max Teitelbaum, 12 ans, déporté et assassiné à Auschwitz.
Aquarelles de Max Teitelbaum, 12 ans, déporté et assassiné à Auschwitz.
© Radio France - Cécile de Kervasdoué

Exposer aussi une page de vie

Pendant des décennies, l'histoire a retenu la fin tragique et atroce de ces enfants. Mais un trio d'historiens propose aujourd'hui de raconter l'aventure humaine incroyable de cette maison où 105 enfants ont été recueillis, 60 ont été sauvés. Car la Maison d'Izieu est à la fois l'histoire d'un sauvetage et d'une tragédie.

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Peintre avant et après la guerre, puis infirmière et assistante sociale durant le conflit puis l'occupation, Sabine Zlatin, juive polonaise, naturalisée française avait organisé le sauvetage des enfants juifs des camps de Gurs et de Rivesaltes dans le sud de la France. Convaincant les mamans arrêtées de lui confier leurs enfants avant d'être déportées, elle avait mis en place avec l'aide l'OSE, de l'évêché de Belley et surtout du sous-préfet Pierre Marcel Wiltzer, une colonie pour sauver les enfants juifs. La Maison d'Izieu étant à l'époque en zone d'occupation italienne, elle représentait un véritable refuge pour les juifs, pourchassés par les nazis.

La salle de classe à la Maison des enfants d'Izieu et portrait de Sabine Zlatin.
La salle de classe à la Maison des enfants d'Izieu et portrait de Sabine Zlatin.
© Radio France - Cécile de Kervasdoué

Dessiner : une forme de bonheur avant la tragédie

Sabine Zlatin avait obtenu pour ces enfants une institutrice afin que leur vie, déjà très traumatisante (la plupart avaient survécu aux conditions inhumaines des camps du sud de la France ou à la rafle de leurs parents), soit la plus "normale" possible. La colonie d'Izieu est donc très vite devenue un refuge pour ces enfants avec de grands moments de jeux, de baignades, de rire, d'amitié et de solidarité et de très nombreux dessins dont il reste une quarantaine d'originaux. Une forme de bonheur pour ces enfants, avant la tragédie.

Ces archives qui témoignent d'une parenthèse heureuse pour ces enfants souvent orphelins, tous traumatisés par la guerre et l'exil apporte une nouvelle touche lumineuse à l'historiographie des enfants dans la guerre. D'où le titre de l'exposition "Couleurs de l'insouciance". Un titre auquel tenait beaucoup l'historienne Stéphanie Boissard, co commissaire de cet événement :

"Résumer les enfants au fait qu'ils ont été raflés, je trouve cela presque même cruel."

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Bien sûr que la rafle est l'atroce suprême. Mais la gravité de la rafle n'est pas moindre du fait que ces enfants aient pu être heureux à Izieu. Tout était fait pour que cela le soit. Leurs propres parents, tant qu'ils sont avec eux, je ne doute pas un instant qu'ils faisaient tout pour que leurs enfants se sentent au mieux. C'est ce que font tous les parents en situation grave, où il y a du danger. Ensuite, la colonie les accueille pour les protéger, leur redonner un cadre de vie pour des enfants, qui n'est pas l'internement.

Un dessin d'indiens qui retrouve son lieu de naissance pour cette exposition.
Un dessin d'indiens qui retrouve son lieu de naissance pour cette exposition.
© Radio France - Cécile de Kervasdoué

Le 6 avril 1944, sur ordre de Klaus Barbie, des camions allemands arrivent de Lyon et raflent les 44 enfants présents et 7 de leurs éducateurs, tous juifs. Ils seront acheminés vers Drancy puis par convoi vers le camp de concentration d'Auschwitz Birkenau, où tous les enfants seront immédiatement assassinés.

Contrairement à son mari Miron, Sabine Zlatin n'était pas présente lors de la rafle mais trois semaines après, elle y retourne malgré les risques encourus pour récupérer tous les documents possibles : photographies, petits mots, dessins et lettres d'enfants. Par ce geste, elle entame l'oeuvre de la mémoire d'Izieu.

Les lanternes magiques des enfants, pièce majeure de la collection sauvegardée par la BNF.
Les lanternes magiques des enfants, pièce majeure de la collection sauvegardée par la BNF.
© Radio France - Cécile de Kervadoué

22 lettres et dessins originaux produits par ces enfants. Une exposition intitulée "Couleurs de l'insouciance. Paroles et images des enfants de la Maison d'Izieu, dans les collections de la Bnf" pour remettre l'histoire à hauteur d'enfant.

Sur les docks
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La plaque d'hommage aux enfants d'Izieu et lettre à sa mère de Jacques Ben Guigui, 12 ans, déporté.
La plaque d'hommage aux enfants d'Izieu et lettre à sa mère de Jacques Ben Guigui, 12 ans, déporté.
© Radio France - Cécile de Kervasdoué

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