Zimbabwe: “Les Européens sont les bienvenus s’ils veulent s’engager contre les islamistes”

Zimbabwe: “Les Européens sont les bienvenus s’ils veulent s’engager contre les islamistes”

Hubert Leclercq, envoyé spécial à Harare

Le pouvoir du Zanu-PF rassuré par le résultat des législatives partielles.

Ça se bouscule en ce début de semaine devant les portes du palais présidentiel zimbabwéen. Sous la grisaille et un fin crachin presque belge, les délégations sont nombreuses et jouent des coudes. Diplomates, hommes d’affaires, ils sont nombreux à solliciter un rendez-vous avec le président Emmerson Mnangagwa. À 79 ans, au sortir d’une élection législative partielle qui s’annonçait incertaine, le “crocodile” – c’est son surnom – trône plus que jamais au centre du jeu politique. Son parti, le Zanu-PF que beaucoup annonçaient à bout de souffle, est parvenu à grappiller deux sièges à l’opposition sur un total de 28 strapontins remis en jeu au niveau national. “On en visait trois, mais on est satisfait avec ce résultat à un peu plus d’un an de la présidentielle. C’est une bonne répétition”, explique un communicateur de la présidence.

Zimbabwe : Un scrutin partiel pacifique en attendant la présidentielle de 2023

Avec ce scrutin, nous avons pu démontrer que malgré la crise économique, malgré les sanctions internationales qui nous frappent toujours, nous pouvions organiser de vraies élections qui, si elles ne sont peut-être pas absolument parfaites – nous avons eu un mort lors d’un meeting – ont pu être monitorées par des observateurs venus notamment du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de Suède ou des Pays-Bas. Tous ont pu constater le bon déroulement des opérations”, enchaîne Fortune Chasi, avocat et député de la majorité qui, dans son énumération, pointe du doigt les pays qui sont les plus critiques à l’égard du régime de Harare, comme la Suède et les Pays-Bas, qui refusent jusqu’ici la levée des sanctions européennes.

Un second mandat

C’est un résultat très encourageant dans la perspective des élections générales de l’été prochain”, explique calmement le président Mnangagwa, pas peu satisfait de ce passage par les urnes qui le conforte dans sa position de leader d’un parti qui désignera son candidat à la présidentielle dans les prochaines semaines. “La Constitution zimbabwéenne autorise deux mandats ; j’arrive à la fin de mon premier ; j’espère donc que mon parti me désignera pour être candidat l’été prochain. Je suis confiant.”

Le président ne cache pas les difficultés qui attendent son pays dans un climat international instable. “L’envolée du prix des carburants a évidemment des répercussions sur notre économie. Ce constat est le même pour tous les pays qui importent du pétrole. Par contre, on peut être soulagé des bons résultats qui découlent de nos réformes agricoles. Jusqu’à il y a peu, notre production céréalière ne nous permettait que de couvrir deux mois de notre consommation. Aujourd’hui, avec la redistribution des terres, un gros travail sur l’irrigation, nos importations ont drastiquement diminué. Nous ne devons plus importer que pour un mois sur l’année et nous visons l’autosuffisance l’année prochaine. Avec la crise en Ukraine et en Russie, cette avancée aura un impact énorme sur notre économie.”

Menace terroriste

Si le choc économique de cette guerre en Ukraine peut être atténué par ces réformes, une autre menace plane au-dessus de la frontière entre le Zimbabwe et le Mozambique dont le nord du pays est ravagé par un conflit avec des mouvements islamistes. Le président répète sa détermination à jouer un rôle dans ce conflit pour “endiguer à la source le péril islamiste. Nous ne pouvons pas attendre qu’ils arrivent chez nous”, explique-t-il, insistant sur les difficultés à jouer ce rôle de tampon tant que son pays sera sous sanctions internationales. “Nous ne pouvons rien acheter comme arme, nous sommes donc incapables de jouer le rôle que nous devrions jouer. Nous connaissons le Mozambique, nous y avons un passé qui nous permet de dire que nous pouvons aider ce pays et donc l’Afrique australe, voire tout le continent, à se débarrasser de ces islamistesBien sûr, les Européens sont les bienvenus s’ils veulent s’engager contre ces islamistes”, ajoute-t-il, un rien provocateur.

“Les fondamentalistes veulent installer un califat en Afrique australe”

Oppah Muchinguri, la ministre de la Défense du Zimbabwe, rencontrée quelques heures plus tôt, insistait sur le même écueil. “Nous avons formé un bataillon mozambicain qui combat aujourd’hui les islamistes sur le terrain, mais nous ne pouvons pas faire plus. Ces sanctions nous affaiblissent, nous mettent en danger et peuvent faciliter la tâche des terroristes. Si nous n’avons pas de mouvements islamistes chez nous, nous devons nous montrer attentifs. Ces deux dernières années, nous sommes passés de 46 mosquées à 400 sur notre territoire, surtout dans l’Est, près de la frontière avec le Mozambique. Notre Constitution garantit les libertés religieuses, c’est très bien et nous devons éviter les amalgames. Mais cette progression de l’islam dans des endroits reculés doit nous interroger”, conclut la ministre qui insiste sur le fait que “tant que c’est possible, les réponses doivent être plus sociales que militaires”.

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