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Cerveau et psy

PREMIERE. Des chercheurs ont établi une courbe de croissance du cerveau, du fœtus au centenaire

De même que la croissance ou le poids, le volume cérébral a maintenant sa propre courbe, à un niveau encore expérimental. Ces travaux révèlent notamment que la matière grise (neurones) arrive à son pic à 6 ans, contre 29 ans pour la matière blanche (connexions).

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PREMIERE. Des chercheurs ont établi une courbe de croissance du cerveau, du fœtus au centenaire

Le volume du cerveau humain varie tout au long de notre vie : il augmente dès le stade foetal, puis diminue en fin de vie.

KTSDESIGN / SCIENCE PHOTO LIBRARY / KTS / Science Photo Library via AFP
PREMIERE. Des chercheurs ont établi une courbe de croissance du cerveau, du fœtus au centenaire
PREMIERE. Des chercheurs ont établi une courbe de croissance du cerveau, du fœtus au centenaire
Camille Gaubert
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Des chercheurs ont créé la toute première courbe de croissance du cerveau humain au cours de la vie à partir des données d’imagerie de plus de 100 études à travers le monde ! A l’image des courbes de taille ou de poids utilisées pour le suivi médical des enfants, cette courbe a l’ambition de servir de référence dans le développement cérébral à tout âge de la vie, et notamment de permettre de détecter les anomalies éventuelles. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature

Plus de 120.000 images de cerveau, du fœtus au centenaire 

"Il n'existe pas de courbes de croissance normalisées pour le développement du cerveau, comme c'est le cas pour d'autres paramètres de croissance tels que la taille et le poids, alors que nous savons que le cerveau subit de nombreux changements au cours de la vie humaine", remarque Aaron Alexander-Bloch, coauteur de l’étude et spécialiste du développement cérébral de l’enfant aux Etats-Unis. “Ce projet a commencé comme une initiative de base de notre part lors d'une conférence il y a 6 ans”, raconte le co-premier auteur Richard Bethlehem, de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni). Depuis lors, ses collaborateurs et lui ont rassemblé les données de 123.984 examens IRM du cerveau de 101.457 individus, provenant de plus de 100 études dans le monde. Mieux, ces examens d’imagerie couvraient tous les âges de la vie, même fœtale, puisque les patients étaient âgés de 115 jours après la conception (environ trois mois et demi de grossesse) à 100 ans. Un travail titanesque qui a nécessité environ 2 millions d'heures de calcul par des algorithmes, analysant près d'un pétaoctet de données (soit un million de milliards d'octets). Outre le casse-tête administratif du traitement de telles données, sensibles puisque médicales, le principal défi fut technique, rapporte Richard Bethlehem. “Il s'agissait d'adapter la modélisation appropriée pour traiter des données très complexes et variables, et d'un point de vue pratique, de traiter des quantités très importantes de données.” 

Matière grise et matière noire n’atteignent pas leur volume maximal en même temps 

Plusieurs données leur sautent aux yeux. “Il était étonnant de voir comment les différentes parties du cerveau évoluaient à des rythmes si différents”, remarque Richard Bethlehem. Ainsi, le volume de matière grise (les neurones) augmente très rapidement vers le milieu de la grossesse, jusqu’à atteindre un quasi plateau à la naissance, qui atteint son point le plus haut à l’âge de six ans. “Ce pic a été observé deux à trois ans plus tard que dans les rapports précédents reposant sur des échantillons plus petits et plus restreints en termes d'âge”, pointent les auteurs dans l’étude. Le volume de matière grise diminue ensuite lentement jusqu’à perdre environ 20% de sa valeur en fin de vie. Le volume de matière blanche (les connexions entre les neurones), lui, suit un tout autre parcours, puisqu’il augmente de façon à peu près constante – moyennant une légère accélération entre un et six ans - entre la conception et l’âge de 29 ans. Il décline alors, avec une accélération après 50 ans. Entre les deux courbes, apparait celle du volume de matière grise dans les structures sous-corticales ou subcortex. Cette zone, située eu coeur du cerveau, comprend notamment l'amygdale (impliqué dans les émotions), les ganglions basaux (qui permettent l'apprentissage de mouvements automatiques comme marcher) ou le système limbique (émotions et motivation). D'après l’étude, le volume de matière grise sous corticale atteint son maximum à l'adolescence, à 14 ans et demi. Cette disparité dans la maturation du cerveau “signifie qu'à mesure que l'organe entier mûrit, les compartiments cérébraux sous-jacents contribuent différemment à cette croissance. (…) Mais nous ne faisons qu'effleurer la surface avec ce type de résultats”, commente Richard Bethlehem. 

Alzheimer, schizophrénie... Etudier les développements cérébraux atypiques 

La norme étant établie, les scientifiques cartographient également les développements cérébraux atypiques. “Nous avons utilisé des cartes cérébrales pour cartographier l'atypicité dans de multiples troubles liés à la santé du cerveau, de l'autisme à la schizophrénie en passant par la maladie d'Alzheimer”, précise Richard Bethlehem. 165 pathologies sont d’ores et déjà plus ou moins fortement représentées dans les données de l’étude. D’après les calculs des chercheurs, les trois anomalies générant le plus grand écart avec la courbe normale d’évolution du cerveau étaient la maladie d’Alzheimer, les troubles cognitifs légers (stade intermédiaire de la démence) et la schizophrénie. Ces résultats sont cependant encore préliminaires, et attendent d’être confirmés lorsque les données seront enrichies d’autres contributions. Concernant Alzheimer, "nous avons principalement validé une découverte antérieure, à savoir que la dégénérescence de la matière grise se produit plus rapidement chez ces patients", explique Richard Bethlehem.

Vers la pratique clinique 

C’est pour faciliter cette collaboration et faire grandir leur outil que les chercheurs ont créé un site dédié, nommé BrainChart. “À ce stade, la recherche est très fondamentale et nous aide à comprendre comment le cerveau change au cours du développement et du vieillissement”, explique Richard Bethlehem. Le chercheur espère notamment augmenter la pertinence de cette cartographie cérébrale dans le temps avec l’ajout de données moins centrées sur les populations occidentales (Europe et Amérique du Nord), jusque-là principaux contributeurs. "En outre, il est probable que les personnes participant aux études représentées proviennent principalement des grandes villes (car celles-ci disposent du type d'installations permettant de réaliser des scanners) et ont tendance à appartenir aux classes moyennes et supérieures", déplore-t-il. “La prochaine étape est évidemment de travailler à des applications cliniques immédiates”, même si "nous n'en sommes pas encore là”, conclut le chercheur.  

"De la même manière qu'il existe encore des réserves importantes quant à l'interprétation diagnostique de la position d'un enfant sur un graphique de taille, de poids et d'IMC (indice de masse corporelle, ndlr), nous nous attendons à ce qu'il y ait des nuances quant à l'utilisation de BrainChart dans un contexte clinique", tempère cependant dans un communiqué le co-auteur Jakob Seidlitz, membre de l’équipe d’Aaron Alexander-Bloch aux Etats-Unis. Il estime que ces travaux ont cependant construit un “langage commun en termes d’images cérébrales”, un “pont nécessaire” entre les imageries cérébrales et les applications cliniques dans les cas de développement atypiques du cerveau. 

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