Quand les jeux vidéo se mettent au service de l’élection présidentielle (ou des candidats)

Depuis quelques années, les stratégies politiques numériques n’hésitent plus à mettre en scène leurs leaders en héros de jeux vidéo. La campagne présidentielle de 2022 n’y échappe pas et a vu s’étoffer l’offre des productions vidéoludiques. Une petite partie ?

« Run Le Programme », un jeu vidéo gratuit sur navigateur qui permet de plonger astucieusement dans les propositions des douze candidats en lice pour l’élection présidentielle de 2022.

« Run Le Programme », un jeu vidéo gratuit sur navigateur qui permet de plonger astucieusement dans les propositions des douze candidats en lice pour l’élection présidentielle de 2022. Bright Studio

Par Julien Foussereau

Publié le 06 avril 2022 à 17h35

En 2017, lors de la précédente élection présidentielle, des sympathisants de La France insoumise (LFI) avaient créé Fiscal Kombat, une parodie de Mortal Kombat mettant en scène leur champion Jean-Luc Mélenchon. Le but ? Secouer les adversaires du candidat (Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Christine Lagarde…) afin que ceux-ci « rendent l’argent » au Trésor public. Cinq ans plus tard, les geeks du groupe Discord Insoumis se sont à nouveau mobilisés pour proposer LAECestTOI (acronyme de « L’Avenir en commun est toi »), qui s’inspire cette fois du jeu vidéo de puzzle finlandais Baba Is You, lui-même basé sur le principe de Sokoban, un vieux titre japonais consistant à pousser des caisses dans un labyrinthe sans se retrouver coincé.

Le but est donc de déplacer des mots disséminés dans un labyrinthe pour former des phrases qui chamboulent alors les règles régissant l’environnement, à la manière de la pensée latérale. Le procédé est malin, sans didactisme excessif, afin d’inciter les joueurs à penser autrement les problèmes de société – la réforme des institutions ou l’urgence climatique.

Mais les militants de LFI ne sont pas les seuls à avoir investi le terrain des jeux vidéo lors de cette campagne. Ceux d’Éric Zemmour ont mis en ligne Le Z, pastiche nauséabond d’un Street of Rage dans lequel on doit éliminer gauchistes, antifas et islamistes pour gagner le terrain des idées. LREM, de son côté, a préféré retenir les leçons de la présidentielle américaine, et consulter Caitlin Mitchell, l’ex-conseillère en stratégie numérique de la campagne victorieuse de Joe Biden. Plutôt que de créer des jeux à la portée politique explicite, consigne avait été donnée d’exploiter au maximum les outils de création et de construction présents dans les jeux vidéo les plus populaires, comme Animal Crossing : New Horizons. Mais Nintendo, l’éditeur de celui-ci, a depuis interdit la diffusion de contenus politiques. LREM a donc jeté son dévolu sur Minecraft, toujours très prisé des jeunes, et y a installé QG de campagne et bureau de vote virtuels, mais aussi un avatar de Nemo, le chien élyséen. Le but officiel est de lutter contre l’abstention… dans un environnement saturé de slogans pro-Macron.

Le jeu Run le programme cherche également à combattre l’abstentionnisme, mais lui a été développé par le studio français Bright en toute indépendance vis-à-vis des partis politiques. Bright avait déjà fait parler de lui avec Unpresidential !, une parodie de Street Fighter dans laquelle Donald Trump et Joe Biden en venaient aux mains devant la Maison-Blanche. Run le programme reprend plutôt les codes du « runner », un sous-genre du jeu de plateforme dans lequel le joueur doit faire avancer son personnage – ici, les douze prétendants à la fonction suprême que l’on contrôle tour à tour – en ligne droite sur une piste.

Dans « Run le programme », le joueur est régulièrement interrogé sur le contenu des programmes des candidats.

Dans « Run le programme », le joueur est régulièrement interrogé sur le contenu des programmes des candidats. Bright Studio

Entre collecte des votes et esquive des bad buzz, infections au Covid ou autres scandales, le joueur est régulièrement interrogé sur la présence ou l’absence d’une promesse électorale dans le programme du candidat-coureur. Pas très beau et handicapé par une musique en mode disque rayé, Run le programme peine à se mesurer d’un point de vue pédagogique à un outil aussi affûté que le comparateur de programmes du Monde. Il a néanmoins le mérite de transmettre en quelques parties une vision globale des enjeux de cette présidentielle, mais également de mettre en perspective le chiffrage des propositions des candidats. Surtout, il se révèle être un commentaire finalement assez pertinent sur notre mode de scrutin à deux tours dans notre pays peu enclin au bipartisme : une course de fond sur terrain miné plutôt qu’une empoignade.

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