Slow Tech : pourquoi il est urgent de ralentir

Souvent perçu comme positif car créateur d’emplois et de croissance, le numérique est responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone de la  France (source : ADEME) ©Getty - Jihyun Park / EyeEm
Souvent perçu comme positif car créateur d’emplois et de croissance, le numérique est responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone de la France (source : ADEME) ©Getty - Jihyun Park / EyeEm
Souvent perçu comme positif car créateur d’emplois et de croissance, le numérique est responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone de la France (source : ADEME) ©Getty - Jihyun Park / EyeEm
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Si le numérique permet d'économiser certaines matières premières, il est aussi, et de plus en plus, source de pollution. Comment mesurer son impact écologique ? En pleine course à l'innovation, comment ralentir pour préserver l'environnement ?

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Le Meilleur des mondes tente de ralentir pour s’inscrire à l’antithèse de la pensée qui nourrit bien souvent le secteur des hautes technologies. À savoir, aller toujours plus loin, toujours plus vite. Le dernier Smartphone, la 5G, la vidéo 4K et le streaming sans saccade à 300 km dans un TGV…

De toute évidence cette marche ou fuite en avant de la performance n’est pas soutenable à moyen ou long terme pour préserver notre planète. Comment penser nos usages autrement ? Comment développer la Slow Tech ou des Low Techs ? Qu’est-ce que la sobriété numérique ? Comment peut-elle être une philosophie viable et désirable pour les nouvelles générations ancrées dans nos sociétés connectées ? 

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Pour en débattre, François Saltiel reçoit l’ingénieur Philippe Bihouix, l’expert en numérique responsable Frédéric Bordage et la cofondatrice de Telecoop, Marion Graeffly.

L'impact environnemental du numérique et la démarche slow tech

Alors que les rapports du GIEC se succèdent pour rappeler l'urgence à agir pour limiter le réchauffement climatique, l'impact environnemental du numérique est rarement mentionné dans le débat public. Pourtant, les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique ne font que croître depuis des années, passant de 2,1 % en 2010 à 4,2 % en 2018, soit presque le double depuis une décennie selon une étude coordonnée par Green IT.fr. Face à cette réalité, l'ingénieur Philippe Bihouix a théorisé une notion, la Low Tech dans un ouvrage de référence paru en 2014, une démarche qui vise avant tout à repenser notre recours systématique aux technologies. "Ces High Tech portent en elles un poids environnemental très dur à réduire. La Low Tech consiste à penser qu'on pourrait avoir un usage beaucoup plus subtil des technologies, avoir ce qu'on appelle du "techno-discernement" : mettre les technologies au bon endroit, plutôt dans le hôpitaux que dans les distributeurs de croquettes pour chats connectés par exemple." 

Pour Frédéric Bordage, consultant et fondateur de l'organisation Green IT.fr spécialisée dans la sobriété numérique, il est aujourd'hui urgent de repenser nos usages au risque d'assister à une forme d'effondrement de nos systèmes d'ici quelques décennies : "Compte tenu de la dépendance aux quarante métaux que l'on va retrouver dans un smartphone, s'il y a un de ces métaux que l'on ne peut plus extraire un jour, il y a un moment où le numérique va disparaître. Et même si l'on peut toujours extraire tous ces métaux, à quel coût écologique, à quel coût économique ? Cela deviendra tellement indécent qu'on ne pourra plus." 

Des initiatives de sobriété numérique 

Face à cette perspective, certaines organisations ont décidé de proposer des outils aux citoyens pour adopter une démarche de sobriété numérique. C'est le cas de la coopérative Telecoop, co-fondée par Marion Graeffly, premier opérateur mobile écologique et solidaire : "Le message de la coopérative, c'est qu'il faut re-matérialiser ce qu'est le numérique pour pouvoir se réapproprier notre usage du numérique.". L'opérateur propose ainsi des forfaits indexés à la consommation de données des utilisateur, et livre à ses clients des conseils pour réduire leur consommation et faire durer leurs appareils numériques. Une entreprise néerlandaise, Fairphone, propose elle des smartphones conçus pour pouvoir être réparés par les consommateurs, en opposition à l'obsolescence qui frappe encore une majorité de produits proposés sur le marché. 

A rebours des promesses technophiles du métavers et de la 5G, les partisans de la slow tech appellent ainsi à activer différents leviers pour réduire l'impact environnemental de nos usages numériques : faire durer les équipements, optimiser les data centers pour les rendre moins énergivores, rendre les sites internet moins consommateurs grâce à l'eco design. Pour l'ingénieur Phillipe Bihouix, tout n'est qu'une question de prise de conscience des citoyens : "En fait on pourrait réduire par un facteur 100 voire plus, l'impact environnemental global du numérique."

Les invité(e)s 

Philippe Bihouix, ingénieur centralien et auteur de L'Âge des low tech : Vers une civilisation techniquement soutenable (Ed. Seuil, 2014)  

Frédéric Bordage, expert indépendant en numérique responsable, fondateur du collectif GreenIT.fr et auteur de Tendre vers la sobriété numérique, Je passe à l'acte (Ed. Actes Sud, 2021)  

Marion Graeffly, co-fondatrice de Telecoop, premier opérateur coopératif à vocation écologique et solidaire  

Une émission en partenariat avec Numerama. Retrouvez chaque semaine les chroniques de Marie Turcan et Marcus Dupont-Besnard.

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