Au 6 avril 2022, plus de 80 % de la population française a reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid. Mais ce résultat cache de grandes disparités. Les personnes sans domicile fixe, vivant en centres d’hébergement ou en foyers de travailleurs, sont moins vaccinées que le reste de la population.

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C’est ce que documente l’étude d’Epicentre, une structure spécialisée dans l’épidémiologie et la recherche, menée en partenariat avec Santé publique France et Médecins du monde. Entre novembre et décembre 2021, près de 4 000 personnes en grande précarité, vivant en région parisienne et à Marseille, ont été interrogées. Un choix dicté par la réalité du terrain, puisque « la majorité de la population très précaire se trouve en Île-de-France », justifie Thomas Roederer, responsable de l’étude et épidémiologiste à Epicentre.

Pas une priorité

Cette enquête est inédite en Europe, dans sa méthodologie : « Il existait déjà d’autres études réalisées à partir de bases de données. Notre approche est totalement différente car elle fournit des données en population réelle. Nos équipes sont allées interroger les gens en personne, sur leurs lieux de vie », détaille Thomas Roederer. Et les résultats sont sans appel : fin 2021, 90 % de la population générale a eu accès à une dose de vaccin, contre 74,5 % des personnes vivant en grande précarité. Un chiffre qui chute à 42 % pour les sans-abri et s’écroule à 20 % pour les sans-abri vivant à Marseille. Pourtant, « la vaccination est ouverte à tout le monde, même aux personnes sans papiers, sans argent ou sans sécurité sociale », rappelle le responsable de l’étude.

Ce faible taux de vaccination s’explique d’abord par un manque de sensibilisation autour du vaccin. Alors que les personnes installées en hébergement d’urgence ont pu profiter d’actions de sensibilisation, multipliant « par 3,4 la probabilité d’être vacciné », les personnes non hébergées ont eu très peu d’informations sur le sujet.

Mais des ressorts individuels rentrent aussi en ligne de compte. Le scepticisme vis-à-vis du vaccin d’une part, puisque « 10 % du total des participants » est absolument opposé à la vaccination, « une proportion comparable à celle dans la population générale, estimée à 9 % en décembre », relativise l’enquête. D’autre part, la vaccination n’est pas une priorité pour « les grands exclus de la société. Ils doivent déjà se débrouiller pour manger et dormir, ils ont des questions plus importantes à régler », remarque Thomas Roederer.

Le travail essentiel des associations

Pour atteindre ce public, la mobilisation des associations et des ONG, où prime la méthode de « l’aller-vers », est indispensable. Elles permettent de relayer la stratégie vaccinale nationale auprès des personnes sans abri. L’étude sur la couverture vaccinale des grands précaires illustre ainsi que « fréquenter des lieux de distribution alimentaire, type Restos du cœur, accroît de 13 % les opportunités de se faire vacciner ».

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Un travail de terrain durant lequel les associations « installent des stands de vaccination pour toucher le plus de sans-abri », indique Thomas Roederer. Dans cette course à la vaccination, l’implication d’un tiers de confiance dans le dialogue avec les plus précaires est indispensable. Pour l’épidémiologiste, rien de tel qu’une « personne qu’ils connaissent, bienveillante, et qui les sensibilisent au fonctionnement du vaccin ».