Mort de Miguel Angel Estrella, pianiste argentin torturé sous le régime militaire en Uruguay

Crédit: Ministerio de Cultura de la Nación

Le pianiste engagé et ancien diplomate argentin Miguel Angel Estrella, torturé sous le régime militaire uruguayen entre 1977 et 1980, est décédé en France à l’âge de 81 ans dans la nuit de mercredi à jeudi, a annoncé la délégation argentine à l’Unesco dont il était ambassadeur de bonne volonté.

Pour Nadia Boulanger, Miguel Angel Estrella était un « musicien né et d’abord un poète »

Né le 4 juillet 1940 à Tucuman (nord de l’Argentine), d’un père poète, fils de paysans libanais émigrés en Bolivie et d’une mère institutrice argentine d’ascendance amérindienne métissée, Miguel Angel Estrella se découvre une passion pour le piano à 12 ans et intègre à 18 ans le Conservatoire à Buenos Aires. Boursier, il séjourne à Londres et Paris. Pour Nadia Boulanger, qui l’a eu comme élève, Estrella était un « musicien né » à la « puissance contenue » et « aussi et d’abord un poète ».

A lire aussi

 

Réfugié en Uruguay après avoir fui la dictature argentine au pouvoir depuis 1976, Miguel Angel Estrella n’a pas été épargné par le pouvoir autoritaire uruguayen qui l’a torturé et détenu pendant plus de deux ans, le soupçonnant d’activités subversives. « Ils se concentraient surtout sur mes mains (…), feignant notamment de vouloir m’amputer », racontera le pianiste argentin, libéré sous la pression internationale en février 1980.

Miguel Angel Estrella dirigeait la Maison de l’Argentine à la Cité universitaire de Paris

Accueilli à Paris, où il obtient le statut de réfugié en 1981, Miguel Angel Estrella travaille pour redevenir le virtuose qu’il était. L’artiste créé l’ONG Musique Espérance pour ouvrir des ateliers musicaux dans les bidonvilles et les prisons. Il joue aussi dans des écoles, des usines, des maisons de retraite. Son répertoire éclectique lui faisait mêler Jean-Philippe Rameau, Olivier Messiaen et le folklore latino-américain. Atahualpa Yupanqui et Astor Piazzola côtoyaient Bach et Beethoven dans un même concert. En 2000, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) lui décerne la médaille Nansen pour avoir fait « avancer la cause des réfugiés ». Après avoir été ambassadeur de l’Argentine auprès de l’Unesco, Miguel Angel Estrella, naturalisé Français en 1985,  avait pris la tête de la Maison Argentine à la Cité universitaire de Paris.

Philippe Gault (avec AFP)

 

Retrouvez l’actualité du Classique