Amérique centrale

Au Nicaragua, des cours de natation pour migrants voulant franchir le Rio Grande

Hassivett Rivera nage pendant que ses compagnons simulent une vague lors d'une séance d'entraînement dans une piscine à Esteli, au Nicaragua, le 1er avril 2022.

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Par RTBF INFO avec AFP

Deux rangées d'apprentis nageurs brassent vigoureusement l'eau de la piscine pour créer un courant que doit franchir Darling, une Nicaraguayenne qui s'entraîne pour traverser à la nage le Rio Grande, prendre pied sur la rive nord et entrer illégalement aux Etats-Unis.

"Nous allons bientôt partir, ma fille et moi. C'est pour cela que nous avons décidé d'apprendre un peu" à nager, sinon "tu te retrouves dans l'eau et tu es en danger car tu ne sais pas comment t'en sortir", explique Darling Molina, 38 ans.

De nombreux migrants illégaux ont péri en tentant de traverser le Rio Grande, un fleuve appelé aussi Rio Bravo en Amérique latine, qui sert de frontière entre le Mexique et les Etats-Unis sur plus de 2000 kilomètres.

Fuir la crise politique, sociale et économique

Depuis la répression sanglante en 2018 des manifestations contre le gouvernement du président Daniel Ortega, ils sont des dizaines de milliers de Nicaraguayens à vouloir émigrer aux Etats-Unis plutôt qu'au Costa Rica voisin, jusqu'ici destination traditionnelle des exilés du pays d'Amérique centrale.

Fuyant la crise politique, sociale et économique, 111.872 d'entre eux ont été interceptés à la frontière américaine entre janvier 2020 et février 2022, selon le Bureau des douanes et de la protection des frontières des Etats-Unis.

Pour le seul mois de février 2022, 13.295 migrants nicaraguayens ont été arrêtés, contre seulement 706 il y a un an.

Les techniques de survie

Le cours de natation est organisé dans la ville d'Esteli, à 150 km au nord de Managua.

Fort de trente ans d'expérience, le maître-nageur Mario Venerio donne gratuitement des cours à ceux qui veulent émigrer vers le nord. Il enseigne surtout des techniques de survie et les gestes de premier secours.

Séance d'entraînement dans une piscine à Esteli, au Nicaragua, le 1er avril 2022.
Séance d'entraînement dans une piscine à Esteli, au Nicaragua, le 1er avril 2022. © Belgaimage

Ses cours ont été annoncés à la radio et sur les réseaux sociaux après qu'au moins quatre femmes sont mortes noyées en mars en tentant de franchir le Rio Grande.

Avec ce cours, si un tragique accident arrive vous pourrez survivre

"Avec ce cours, si un tragique accident arrive vous pourrez survivre" et aider les autres, explique le maître-nageur au petit groupe, composé en majorité de femmes célibataires, sans emploi ou dont le travail fournit à peine de quoi nourrir leurs enfants.

"Les cours de natation m'ont aidé à ne pas avoir peur", reconnaît Martha Martinez, 42 ans qui veut "tenter sa chance aux Etats-Unis". Le "coyote" (passeur) lui demande 5000 dollars, mais certains paient jusqu'à 14.000 dollars pour pouvoir traverser la frontière en avion, explique-t-elle.

Les migrants nicaraguayens sortent du pays discrètement en bus par le Guatemala, où ils rencontrent les "coyotes" contactés auparavant par téléphone ou sur les réseaux sociaux.

Là, ils sont cachés dans des véhicules, destination le Mexique puis la frontière avec les Etats-Unis. Sur le trajet, ils risquent accidents, agressions et enlèvements par des bandes criminelles.

Le Rio Grande et ses noyades

Au bout du chemin, "nous devons affronter un grand obstacle, le Rio Grande. Beaucoup s'y sont noyés (...) ça me fait peur", avoue Wilmer Sanchez, 36 ans, qui dit ne pas s'en sortir dans son pays.

Bertha Calderon, une ingénieure de 32 ans et mère d'un enfant, sait que "beaucoup de personnes ont vécu des tragédies" sur la route, mais elle veut tout de même émigrer, car au Nicaragua "tout est cher et les emplois précaires".

Tandis que le groupe s'entraîne, ailleurs dans la ville, la famille Rizo se lamente devant le corps de Neyli, une jeune femme qui s'est noyée le 5 mars en tentant de traverser le Rio Grande. "On a eu du mal à faire revenir le corps", raconte Yoconda Rizo, une tante de la victime.

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