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Santé

Syndrome de Cloves : premier traitement pour cette maladie génétique

Feu vert américain pour la mise sur le marché du premier traitement d’une maladie longtemps restée orpheline, le syndrome de Cloves, proche de la pathologie rendue célèbre par le film "Elephant man". Une étape qui n’aurait toutefois pas été possible sans les efforts et les travaux pionniers d’une équipe française, menée par le Pr Guillaume Canaud.

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Guillaume Canaud en 2018.

Le professeur Guillaume Canaud en 2018 à l'Hôpital Necker-Enfants malades.

ALAIN JOCARD / AFP
Guillaume Canaud en 2018.
Syndrome de Cloves : premier traitement pour cette maladie génétique
Sylvie Riou-Milliot
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C’est une affection bien étrange, dite syndrome de Cloves (voir encadré). Longtemps restée orpheline, c’est-à-dire sans traitement, elle est très proche du syndrome de Protée dont souffrait Joseph Merrick, ce Britannique (1862-1890) présenté comme phénomène de foire, plus connu comme le personnage principal du film de David Lynch "Elephant Man" (1980). Désormais, d'autres patients à travers le monde (la prévalence est estimée à moins d'un cas sur un million, une personne sur 70.000 selon le laboratoire qui commercialise la molécule) pourront donc bénéficier de ce traitement, la prise orale d’un simple comprimé. Tout aux moins ceux vivant Outre-Atlantique. Car pour l'instant, seule l’agence sanitaire américaine (FDA) a donné son feu vert à la commercialisation de la molécule, le Vijoice (alpesilib, laboratoires Novartis).

La ténacité de l'équipe du Pr Guillaume Canaud

Initialement utilisée dans le cancer du sein, cette molécule a en fait la particularité d'inhiber spécifiquement le gène responsable de la maladie, PIK3CA, d'où son utilisation dans cette affection. Une véritable avancée que l'on doit à une équipe française, puisque auparavant, aucun traitement curatif n’était disponible, les seules options thérapeutiques consistant, dans les cas les plus graves, en des chirurgies mutilantes. Mais cette commercialisation n’aurait jamais été rendue possible sans justement la ténacité et les travaux menés dans l’Hexagone par l'équipe du Pr Guillaume Canaud (hôpital Necker – Enfants malades AP-HP/INEM – Centre de Médecine Moléculaire – Inserm / Institut Imagine / Université Paris Cité).


Les enfants atteints du syndrome de CLOVES, au jour "zéro" du traitement, et 180 jours après. © Dr Canaud, AP-HP

Cette maladie a été écrite pour la première fois en 2006 

La détermination de ce médecin chercheur a en effet permis en quelques années à l’alpelisib de se positionner comme le premier et unique traitement pour les malades de 2 ans et plus atteints par cette affection. Son équipe vient d'ailleurs d'être félicitée par l’Inserm dans un récent communiquéDécrite pour la première fois en 2006 par un pédiatre de Boston, la maladie a ensuite été étudiée par différentes équipes, avant que ne soit identifiée en 2012 son association avec un gène fréquemment muté dans un certain nombre de cancers du sein et du côlon, PIK3CA.

Fin 2015, confronté à un patient de 29 ans très évolué dont le pronostic était engagé et pour lequel plus aucun traitement ne pouvait être proposé, le Dr Guillaume Canaud a directement contacté le laboratoire Novartis pour tenter à titre exceptionnel un traitement avec cet inhibiteur du gène. Ce patient "numéro 1" dont l’état s’était spectaculairement amélioré a par la suite fait l’objet d’une publication dans la revue Nature en 2018. D’autres patients ont depuis été traités avec succès à travers le monde et très rapidement, tous ont présenté une amélioration notable de leur état général et une réduction rapide de la taille des différentes tumeurs vasculaires présentes. Par ailleurs, tous ont connu une amélioration de leur scoliose et ont pu selon les cas reprendre une activité physique, arrêter les traitements à base de morphine, retourner à l’école, …

Une étude récente a même été menée chez des bébés âgés de 9 mois. Aujourd’hui en France, l’accès à la molécule se fait uniquement dans le cadre d’une autorisation exceptionnelle délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ( ANSM) mais l’autorisation de mise sur le marché européen reste en attente, suspendue aux résultats d’une étude clinique randomisée en cours.

Qu'est-ce que le syndrome de Cloves ?

L’acronyme anglo-saxon CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular Malformation, Epidermal Nævi) est celui d’une maladie génétique entraînant des déformations accélérées des organes et des membres, des tuméfactions vasculaires, des excroissances de tissu graisseux, parfois associées à une scoliose plus ou moins sévère. Autant de signes liés à des mutations d’un gène appelé PIK3CA qui peuvent apparaître selon chaque patient à des temps différents au cours de la vie embryonnaire. Si la mutation apparaît tôt, les manifestations cliniques seront très sévères et à l'inverse seront moins marquées si elles surviennent tardivement. Au total, il en résulte souvent une longue errance thérapeutique, la maladie n’étant pas toujours facile à diagnostiquer dans ses formes mineures. D'ailleurs, le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) proposé aux professionnels concernés par la prise en charge de ces patients a été élaboré par les Centres de référence et de compétence de ces affections mais n'a pas été validé par la Haute Autorité de Santé (HAS).

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