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Cas rarissime : un espion russe arrêté en flagrant délit en France
Sur la base de ce flagrant délit indiscutable et de l’enquête de la DGSI établissant que cet agent travaillait sous couverture diplomatique, l’ambassadeur de Russie à Paris est aussitôt convoqué au Quai d’Orsay. L’enquête française a aussi permis de démasquer cinq autres agents russes.
IP3 PRESS/MAXPPP

Cas rarissime : un espion russe arrêté en flagrant délit en France

Bureau des légendes

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Ce 10 avril, au terme d’une opération menée depuis plusieurs mois, le contre-espionnage a arrêté en flagrant délit un espion russe sous couverture. Avec cinq autres agents de Moscou opérant clandestinement en France, il a été prié de quitter le territoire dans les trois jours. Énorme camouflet pour Poutine : depuis début mars, 44 faux diplomates russes ont été expulsés.

Dimanche 10 avril au matin dans un petit village de province. Dans les maisons de ce bourg, autour de son église et de sa mairie, personne ne se doute qu’une magistrale opération de contre-espionnage est en route. Comme dans les films… Caméras discrètes, enregistrements sonores, « dispositifs sophistiqués » : le village est sous très, très haute surveillance. Ce qui se trame implique plusieurs dizaines d’agents du contre-espionnage français lancés dans une affaire de compromission de la défense nationale. Ces limiers de la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure] traquent tout simplement un espion russe, qu’ils s’apprêtent à capturer en flagrant délit. Un scénario extrêmement rare dans l’histoire du contre-espionnage. Cela fait environ dix-huit mois que les Français de la DGSI ont mis en œuvre cette opération, qui selon nos informations, n’a rien à voir ni avec la guerre en Ukraine, ni avec la campagne présidentielle.

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À l’époque, en 2020, les enquêteurs de la DGSI se rendent compte qu’un Français est « tamponné » par un diplomate russe de l’ambassade. Le Russe est en réalité un « officier traitant » d’un service de renseignement de Moscou. L’agent secret, qui opère sous couverture, tente de recruter « cette source » française dont il espère documents et informations. Jusque-là, une situation vieille comme l’espionnage et le contre-espionnage. Sauf qu’au lieu de casser d’entrée le travail de l’agent russe, les Français décident de le placer sous surveillance. Pendant des mois, ils laissent se nouer une relation entre les deux hommes. Là encore, du classique dans l’univers des espions et des chasseurs d’espions, où il peut même s’agir d’intoxiquer par des faux renseignements le service étranger. Mais ce qui n’est pas classique, c’est de tenter un flagrant délit. Autrement dit de piéger en direct un agent étranger sous couverture.

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« Déjà, prendre en filature un officier traitant, c’est difficile, le type peut mettre 5 heures, en changeant plusieurs fois de moyens de transport, pour rejoindre un point d’arrivée à cent mètres de son point de départ… À tout moment, il peut s’échapper, et il est ensuite difficile d’établir en direct un échange compromettant », confie un ancien espion français. Le piège de dimanche dernier a été préparé pendant plusieurs semaines, notamment pour attirer l’agent russe dans ce village de province, sans qu’il ne se doute de rien. Son arrestation va s'avérer un sans-faute côté DGSI. Selon nos informations, l’agent russe est interpellé alors qu’il vient de recevoir des documents de sa « taupe » française, et qu’il vient de lui remettre plusieurs dizaines de milliers d’euros. Échec et mat…

Coup dur pour Poutine

Le Russe présente aussitôt aux officiers de police judiciaire français une carte de diplomate qui le place hors de portée des poursuites pénales. Il est laissé libre, ce qui est la règle du jeu dans le monde de l'espionnage… Mais sur la base de ce flagrant délit indiscutable et de l’enquête de la DGSI établissant que cet agent travaillait sous couverture diplomatique, l’ambassadeur de Russie à Paris est aussitôt convoqué au Quai d’Orsay. L’enquête française a aussi permis de démasquer cinq autres agents russes. À ces six espions « clandestins », le ministre des Affaires étrangères n’a laissé que trois jours pour quitter le territoire. La semaine dernière, trois autres diplomates russes en poste à Strasbourg ont été jugés indésirables. Et en début de mois, 35 autres diplomates moscovites en poste à Paris ont été déclarés « PNG », persona non grata en France, et priés de quitter l’Hexagone dans un délai de quinze jours. Un coup dur pour les espions de Poutine en France.

« Remarquable opération de contre-espionnage, a réagi sur Twitter Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Bravo aux agents de la DGSI qui ont entravé un réseau d'agents clandestins russes qui œuvraient contre nos intérêts. Les agents impliqués devront quitter le territoire national. Dans l'ombre, la DGSI veille sur nos intérêts fondamentaux. » Au sein des services français, personne ne sait désormais quelle sera la réaction de Vladimir Poutine en retour et si des diplomates français seront expulsés de Russie en représailles. Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreux autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Slovénie, l'Autriche, la Pologne, la Grèce ou la Croatie ont massivement expulsé des diplomates russes. Mais pas toujours pour des soupçons d’espionnage… Et jamais suite à un flagrant délit.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne