« Sagrada Familia. Le défi de Gaudí », le documentaire d’Arte en avant-première

Elle vient d’être coiffée d’une monumentale étoile de verre, 139 ans après la pose de sa première pierre. La Sagrada Familia est une légende attirant chaque année 5 millions de visiteurs, à la fois curiosité et monument, basilique expiatoire et rêve de pierre. À l’heure où le musée d’Orsay consacre une grande rétrospective à Gaudí, ce documentaire s’intéresse plus particulièrement au grand œuvre de l’architecte, édifice hors-norme et titanesque qui résume à lui seul son esprit visionnaire. Demeurée inachevée, la Sagrada Familia représente depuis le décès de l’artiste en 1926 un défi, tant technique qu’artistique, pour des générations d’architectes qui tentent encore d’en saisir la forme complexe comme les principes architecturaux novateurs. Peu de documents ayant survécu à l’artiste, la basilique reste une énigme.

Au fil d’une rigoureuse (et spectaculaire) enquête d’1h30, ce film plonge dans les archives, part à la rencontre d’architectes et d’historiens mais remonte aussi aux sources d’une esthétique unique. Patchwork d’inspirations diverses puisées dans les livres ou dans les paysages catalans, le style de Gaudí se décrypte petit à petit. Rien n’apparaît gratuit ! De sa quête de vérité (comme lorsqu’il fait reproduire le pied à six orteils d’un de ses modèles) à sa logique accumulatrice, évolutive, grouillante.

Le défi évoqué dans le titre est triple. C’est à la fois celui auquel s’est confronté toute sa vie l’architecte, celui de l’achèvement de sa basilique ces 150 dernières années, mais aussi celui du réalisateur Marc Jampolsky : pénétrer dans l’esprit du catalan grâce aux technologies modernes. À l’image de l’atelier de l’artiste, précieux laboratoire incendié avec tout son contenu (maquettes, dessins, sculptures…) durant la guerre civile, en 1936, ici ressuscité mur par mur, objet par objet, par la société Aristeas. Cette restitution 3D a ainsi permis de tourner des scènes de fiction avec comédiens sur un plateau virtuel. En clair, le décor, projeté sur écran numérique de LED – et non plus sur fond vert – s’adapte en temps réel aux angles de la caméra pour un rendu parfaitement fluide et réaliste. Une première pour un documentaire !

À cette prouesse s’ajoutent les vues somptueuses des différentes réalisations de Gaudí aux quatre coins de la Catalogne, de la Casa Vicens au Parc Güell. Au moyen de drones, la Sagrada Familia est quant à elle filmée sous toutes les coutures, au dessus de ses tours, sous ses voûtes hyperboloïdes et ses arcs caténaires, au milieu de ses colonnes hélicoïdales et au plus près de son décor luxuriant. Les images à la géométrie rigoureuse impressionnent, se font parfois même hypnotiques. De quoi largement réhabiliter ce « mauvais goût suprêmement créateur » célébré par Dalí.