Géoglyphes, sacrifices, sexualité… 5 choses à connaître avant d'aller voir l'exposition sur le Machu Picchu

Publicité

Géoglyphes, sacrifices, sexualité… 5 choses à connaître avant d'aller voir l'exposition sur le Machu Picchu

Le Machu Picchu au dessus des nuages
Le Machu Picchu au dessus des nuages
© Getty - Sergio Amiti

De quoi Le Machu Picchu est-il le nom ? Combien de temps ont rayonné les célèbres Incas ? Pourquoi tant de dessins d'animaux dans les montagnes péruviennes ? Des spécialistes des Incas et des cultures précolombiennes vous éclairent pour mieux apprécier l'exposition à venir.

À une semaine de son ouverture, Daniel Fievet a visité l'exposition Machu Picchu et les trésors du Pérou à la Cité de l'Architecture et du patrimoine. Accompagné de la commissaire Carole Fraresso, et des archéologues Aïcha Bachir Bacha et Nicolas Goepfert, il a déambulé au milieu de magnifiques objets souvent en métal précieux, tout en revenant sur quelques points surprenants de la culture des Incas, et de leurs prédécesseurs.

1- Le Machu Picchu : un exemple d'appropriation symbolique de l'espace

Carole Fraresso présente ce lieu incroyable. "L'implantation de cette cité est spectaculaire. Cette montagne, entourée d'autres montagnes, offre un incroyable panorama. La citadelle était dressée au-dessus des nuages pour être au plus proche des différentes divinités tutélaires."

Publicité

Carole Fraresso revient sur les conditions de la découverte de ce centre historique : "L'empire inca a connu son apogée peu de temps avant l'arrivée des Espagnols (1532). Il a ensuite été oublié pendant près de 500 ans. Le site était connu des populations locales, mais pas des occidentaux.  Le Machu Picchu a été découvert en 1911 par Hiram Bingham. Il est alors recouvert de végétation. "

Elle explique :

Ces montagnes desquelles émergent des édifices sont fascinantes.

À première vue, les bâtiments n'ont pas l'air terminés. Mais c'était la manière des Incas de s'approprier un territoire, et de construire sur des lieux sacrés qu'on appelle des wakas (lieux sacrés) ou des hapus (lieux de naissance des ancêtres fondateurs). Le Machu Picchu est un exemple parlant de l'appropriation d'un territoire. Il montre la capacité des Incas à capter le naturel dans l'artificiel, c'est-à-dire dans le temps, et dans le construit."

2 - Les Incas, l'arbre qui cache la forêt de la richesse culturelle historique péruvienne

Carole Fraresso rappelle que "L'empire inca s'est développé, et a grandi de manière fulgurante, mais assez brève. il dure moins d'un siècle sur une histoire de plus de 5 000 ans ! Avant son apogée au XVe siècle, différents groupes ethniques se développent dans le bassin du lac Titicaca. Sur les hauts plateaux andins, dans des zones assez rudes, ils ont développé l'agriculture. Sous le règne du huitième empereur inca Viracocha, des guerres de conquête sur les autres ethnies débutent. Et c'est surtout avec le fils de l'empereur, Pachacutec (celui qui fait construire le Machu Picchu) que l'Empire s'étend."

Les Incas disposaient d'excellentes capacités militaires. Et grâce à leurs conquêtes, ils vont diffuser leur "art", leur vaisselle, leurs symboles religieux, mais aussi politiques, et asseoir leur hégémonie. Ce n'était pas leur seul atout. Ils ont construit un réseau routier très efficace.

"À leur arrivée, les Espagnols se retrouvent confrontés à un empire inca de 950 000 kilomètres carrés ! Pour pouvoir gérer ce vaste territoire, les Incas avaient développé un réseau routier extrêmement efficace à partir des chemins développés par la culture huari.

Grace à ces systèmes, ils pouvaient mobiliser des armées, transporter la nourriture et des messages. Ils avaient d'ailleurs un système très organisé de messagers qui se passaient le relais".

Malgré cela, à l'arrivée des Espagnols, "des conflits internes éclatent, et la variole apportée d'Europe va décimer des populations entières et provoquer la chute de l'Empire", explique la commissaire de l'exposition à la Cité de l'Architecture.

3 - Les sacrifices humains ont bien existé

Aïcha Bachir Bacha s'est trouvée lors de fouilles nez à nez avec les restes d'un guerrier sacrifié. Elle raconte avoir été impressionnée : "Ce crâne avait une blessure sur le front qui avait guéri. Le guerrier avait survécu et l'os s'était régénéré. Il avait le visage recouvert par deux couches d'argile. Et entre ces deux couches se trouvait un textile. Il avait les lèvres fermées avec deux épines. J'ai eu l'impression de converser avec un homme d'il y a plus de 2000 ans."
Dans l'exposition, se trouve une salle du sacrifice mochica. À partir d'une céramique on nous explique comment se déroulaient ce sacrifice depuis la capture des prisonniers jusqu'à l'offrande de la coupe contenant le sang sacré des guerriers.

3 min

L'archéologue Nicolas Goepfert donne les raisons de telles pratiques : "Ces sacrifices étaient l'une des activités rituelles très importantes. Elles se déroulaient lors d'événements climatiques importants de type El Niño, qui provoquaient de fortes pluies dans un milieu aride et désertique.

Cette oscillation australe des courants océaniques provoquait un bouleversement de l'ordre établi qu'il fallait essayer de rétablir. Pour cela, les élites procédaient à des sacrifices.

Qui était sacrifié ? Pour Nicolas Goepfert, cela dépend des cultures. "Chez les Mochica, on sacrifiait des jeunes adultes guerriers. Chez les Chimus, on a sacrifié des enfants. Chez les Incas, avec le rite de la capacucha, les jeunes étaient emmenés endormis à haute altitude. Et sacrifiés dans leur sommeil, tandis que chez les Chimus, les pratiques étaient plus cruelles.

Pour les familles, offrir son enfant, devait procurer une immense douleur et c'était probablement également un honneur d'être sacrifié pour les élites de ces populations."

4 - Les animaux immenses représentés sur des montagnes : des publicités

Pour les populations andines, le monde était constitué de trois niveaux :

  • Le monde supérieur des dieux célestes, symbolisé par l'oiseau, cet animal qui peut accéder jusqu'au soleil.
  • Le monde intérieur, sombre, humide, où se faufile le serpent. C'est le lieu habité par les morts et les ancêtres.
  • Et au milieu de ces deux plans, sur le plan terrestre, le monde d'ici et maintenant, où les êtres vivants, les hommes, les femmes ont leurs activités quotidiennes.

La culture nazca issue de la côte Sud du Pérou, a connu son apogée entre les années 100 avant J-C et 600 après J.C. Ces grands bâtisseurs, sont à l'origine des fameux géoglyphes, ces très spectaculaires dessins de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres qui ont donné lieu à de multiples interprétations.

Carole Fraresso : "Les Naczas écartaient la première couche de la pampa, un peu grise, rougeâtre, pour laisser apparaître une couche plus proche du jaune et clair. Ils jouaient de ce contraste pour faire apparaître des traits. Ils se servaient de piquets et des cordes pour agrandir des dessins. Les Nazcas étaient capables de mobiliser un nombre important de personnes pour justement construire ces géoglyphes."

Certains, s'adressaient aux divinités. D'autres de tailles plus réduites, étaient comme des panneaux publicitaires qu'on regardait et qu'on voyait quand on se promenait dans les pampas."

5 – Les activités sexuelles, comme rituels de fertilité des sociétés précolombiennes

Daniel Fievet explique qu'il y a des objets représentants des actes sexuels présentés dans les vitrines. Pour Carole Fraresso, ces représentations fréquentes racontent que "le sexe et les activités sexuelles étaient considérées par les sociétés de l'ancien Pérou comme des activités rituelles. Dans les motifs des objets, on peut voir un homme et une femme en train de s'accoupler. Ils symbolisent la rencontre de forces opposées. Celles de l'homme et de la femme qui génèrent quelque chose de nouveau : un enfant.

Des scènes un peu plus osées, très explicites avec des scènes de fellation, de masturbation, ou d'attouchements sont aussi dessinées. L'objectif, ici, n'est pas la naissance d'un enfant, mais plutôt la récupération du fluide sacré symbolique, le sperme." La commissaire poursuit : "Il existe des bols en céramique qui servaient à recueillir des liquides symboliques, vitaux et aussi réels : de l'eau, de la chicha (bière de maïs fermenté), mais aussi des fluides, des liquides symboliques comme le sperme.". Quid des personnages un peu cadavériques, avec un sexe disproportionné ? "Ils font référence à l'ancêtre, aux habitants du monde d'en bas qui vont fertiliser le monde humide, intérieur de la terre-mère d'où vont pousser les plantes" explique Carole Fraresso.

ECOUTER | Le Temps d'un bivouac Du Machu Picchu aux trésors de l'ancien Pérou

Plus d'informations sur l'exposition

pixel