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Caricatures du prophète Mahomet : l’écartement de l’enseignant de Molenbeek était illégal selon le Conseil d’Etat

L’enseignant écarté de cette école communale est réhabilité par le Conseil d’Etat.

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Par Karim Fadoul

Le Conseil d'Etat réhabilite un enseignant d'une école primaire numéro 11 de Molenbeek et annule sa sanction. La commune et son pouvoir organisateur l'avaient écarté fin 2020 pour avoir montré à ses élèves des caricatures du prophète musulman Mahomet, les mêmes qui avaient conduit à l'assassinat de Samuel Paty. Le 16 octobre, ce professeur d'histoire et de géographie avait été assassiné lors d'une attaque islamiste radicale à Conflans-Sainte-Honorine en France après avoir montré à sa classe des dessins publiés dans la revue Charlie Hebdo.

Plaintes de parents?

Ce drame avait fait la une de l'actualité. Chez nous, dans la commune de Molenbeek-Saint-Jean, un enseignant de philosophie et citoyenneté décide de donner un cours sur la liberté d'expression et les événements survenus en France. Il ne compte pas montrer à ses élèves de cinquième primaire les caricatures du prophète Mahomet, jugées obscènes et peu appropriées à l'âge des enfants. Mais sur les bancs, des voix, pas toutes, insistent: l'enseignant accepte. Certains face à lui se cachent les yeux.

Selon la commune, des parents vont alors se plaindre auprès de la direction. L'enseignant est écarté. L'écartement est confirmé par le collège des bourgmestre et échevins.

L'affaire fuite dans la presse. L'enseignant introduit un recours au Conseil d'Etat contre sa sanction au moment où la commune envisage même d'engager une procédure disciplinaire contre lui.

France : le point sur l'enquête sur de l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty

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Finalement, en décembre, c'est le revirement. La commune décide de ne plus infliger de sanction à l'enseignant (alors en maladie) et de solliciter l’intervention des équipes mobiles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Objectif: désamorcer la situation. La commune soutient toutefois que l'enseignant a commis une "erreur pédagogique" dans la préparation de son cours, "lacunaire et inadaptée à un public de primaire". Quant à l'écartement, il visait finalement, selon le collège des bourgmestre et échevins à protéger l'enseignant et qu'il en allait de sa sécurité.

Motifs de sécurité

"Il nous a paru important que les motifs de sécurité ne soient pas mis en avant parce que cela était de nature à accroître l'anxiété de l'intéressé et de l'école et de donner raison aux personnes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de" l'enseignant, justifie la commune.

Si ce dernier a pu réintégrer son école, son honneur a malgré été bafoué, estime-t-il. Le Conseil d'Etat, saisi, le réhabilite dans un arrêt rendu le mois dernier. Selon la juridiction, l'enseignant n'avait commis aucune faute grave justifiant un écartement sur le champ, comme le prévoit le décret de l'enseignement officiel (article 60, paragraphe 4, aliné 1er). La sanction était donc illégale.

"Même si la partie adverse a finalement estimé que le requérant ne devait faire l’objet ni d’une mesure de suspension préventive, ni d’aucune procédure disciplinaire, ni même d’aucune mesure d’ordre dans l’intérêt du service", poursuit le Conseil d'Etat, "un enseignant qui, comme le requérant, a fait l’objet d’une telle mesure qui n’a pas été retirée par la partie adverse conserve un intérêt moral légitime, même minime, à ce que celle-ci disparaisse de l’ordonnancement juridique si elle a été adoptée irrégulièrement."

Satisfaction sur le plan moral

Maître Jean Bourtembourg, l'avocat du requérant parle de victoire. "Cette décision est importante", réagit-il auprès de la RTBF. "Sur le plan moral, pour mon client, c'était essentiel, de voir effacer par le Conseil d'Etat ce qu'il avait subi. Mais je le rappelle: cet enseignant n'a jamais eu le moindre problème ni avec ses collègues, ni avec ses directions, ni avec ses enfants, ni avec les parents... Cet arrêt lui donne entièrement satisfaction. C'est désormais comme s'il n'avait jamais été suspendu, ni sanctionné."

Nous avons contacté Catherine Moureaux, la bourgmestre PS de Molenbeek qui ne fera pas de commentaire à ce stade.

France : les hommages à Samuel Paty

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