Le dialogue entre flore intestinale et cerveau pourrait expliquer certaines maladies comme l'obésité

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Le dialogue entre flore intestinale et cerveau pourrait expliquer certaines maladies comme l'obésité

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Une modélisation d'intestin, dans une exposition sur le microbiote à la Cité des Sciences
Une modélisation d'intestin, dans une exposition sur le microbiote à la Cité des Sciences
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Des scientifiques français ont découvert dans le cerveau de rongeurs des éléments du microbiote intestinal. Comment sont-ils arrivés là et quel rôle jouent-ils ? En particulier sur la régulation de l'appétit ? La réponse permet d'espérer une meilleure prise en charge de l'obésité.

Le microbiote intestinal, composé de milliards de bactéries est indispensable à notre bonne santé. Il agit au niveau digestif mais aussi au niveau métabolique, immunitaire et neurologique. Au fil des études, le cerveau apparaît non plus comme un organe à part mais en communication avec tous les autres organes de notre organisme. "Cela fait quelques années déjà qu'on se rend compte qu'en neurosciences, les réponses ne se situent plus seulement dans la boîte crânienne" précise d'emblée Pierre-Marie Lledo, chercheur CNRS et responsable de l'unité Perception et mémoire à l'Institut Pasteur. Celui qui avait déjà mis en évidence le lien entre stress chronique, déséquilibre du microbiote et dépression s'est intéressé ensuite aux maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn, dont on sait qu'elles sont associées à des troubles de l'humeur. "Chez l'humain, la mutation du récepteur Nod2 est connue pour être un facteur de susceptibilité pour ces maladies inflammatoires chroniques précise" Pierre-Marie Lledo. "Il est bien connu pour être exprimé par le système immunitaire afin de permettre à l'organisme de réagir à l'envahisseur, l'intrus, la bactérie". Or, avec son équipe, il a découvert qu'il était également exprimé dans le cerveau.

De l'intestin au cerveau, les bactéries voyagent

Disséminé dans plusieurs zones, Nod2 a été repéré dans l'hypothalamus des rongeurs étudiés, une région  qui contrôle des fonctions essentielles comme la faim, la température, le stress, les interactions sociales....

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Pourquoi des fragments de bactéries montent-ils au cerveau?

Qu'est ce qui justifie sa présence, quelles informations échange t-il avec le cerveau ? C'est la question que se sont posée ces chercheurs de l'INSERM, du CNRS et de l'Institut Pasteur. Pour le savoir, des souris génétiquement modifiées dépourvues du Nod2 ont été élevées en laboratoire pendant plus d'un an. Si les mâles n'ont montré aucune particularité dans leur développement, les femelles, au delà de 6 mois, se sont mises à grossir anormalement. Il s'avère que l'expression du récepteur dans les neurones de l'hypothalamus influe la satiété. Ainsi quand on mange, on ingère des bactéries qui prolifèrent dans l'intestin avant de migrer vers le cerveau (du moins les muropeptides) où elles inhibent les neurones de la satiété quand elles interagissent avec le récepteur Nod2.  Au final, un peu comme si on avait un court-circuit, les neurones cessent d'envoyer le signal  'j'ai trop mangé, je suis rassasié" résume Pierre-Marie Lledo.

Le processus de satiété empéché

Le microbiote communique donc directement avec le cerveau, lui permettant de contrôler la prise alimentaire. Les troubles tels la boulimie, les maladies comme l'obésité ou le diabète pourraient-elles être appréhendées différemment à l'aune de cette découverte ? Assurément estime le chercheur. "C'est là où on se rend compte que l'expression du libre arbitre -ai-je assez mangé, vais-je reprendre du fromage- ne dépend pas tant de notre décision  mais plutôt de ces fragments de bactéries  qui arrivent à atteindre notre cerveau et viennent inhiber le centre de l'appétit que l'on trouve dans l'hypothalamus. Ils agissent comme une anesthésie locale sur le phénomène de satiété".

Dans la suite de l'enquête, Pierre-Marie Lledo et ses collègues vont analyser des cerveaux de personnes décédées afin de voir si l'expression du récepteur varie d'un individu à l'autre. Il se peut aussi que l'on découvre que le microbiote envoie les mauvais signaux à cause d'une alimentation déséquilibrée, trop peu riche en fibres ou trop sucrée par exemple. Peut-être aussi que la prise d'antibiotiques perturbe la flore intestinale au point de contrarier le bon fonctionnement de l'hypothalamus. Autant de pistes qui restent à explorer.

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