GUERRE EN UKRAINE - Un nom synonyme de carnage. La Russie a ouvert mardi 19 avril une “nouvelle phase” de la guerre qu’elle a déclenchée en février en Ukraine, concentrée contre l’est de l’Ukraine. Après avoir échoué à prendre Kiev et sa région, Moscou a décidé de se focaliser sur le Donbass dont une partie est aux mains des séparatistes prorusses et où les combats meurtriers se sont intensifiés.
La stratégie initiale de Moscou “a été un désastre”, analyse pour le JDD le lieutenant-colonel dans l’US Air Force, Tyson Wetzel, chercheur associé au think tank américain Atlantic Council. “Elle reposait sur l’hypothèse fausse que la résistance ukrainienne s’effondrerait rapidement et que la capitale, sinon tout le pays, tomberait en trois à cinq jours”. Au lieu de cela, la résistance ukrainienne a fait barrage, empêchant l’envahisseur de progresser plus à l’Ouest, humiliant au passage le Kremlin en coulant son vaisseau amiral le Moskva.
Pour mettre toutes les chances de son côté dans le Donbass et éviter un nouveau revers, Vladimir Poutine a, le 10 avril, placé à la tête des troupes russes le général Alexander Dvornikov, dit le “Boucher de Syrie”. Et sa présence n’augure rien de bon pour l’armée ukrainienne et les civils toujours sur place.
La naissance du “Boucher”
Le nom d’Alexander Dvornikov est tristement célèbre depuis ses missions en Syrie, en Tchétchénie et désormais dans l’Est de l’Ukraine.
Âgé de 60 ans, Alexander Dvornikov a commencé à bâtir sa réputation sanglante dès 1997 lorsqu’il prend le commandement d’une division de fusiliers motorisés qui, en 1999, martyrise la capitale tchétchène Grozny. Il aurait utilisé des bombes à sous-munitions ainsi que des missiles de croisière pour raser la ville. Il acquiert alors une réputation de “boucher” qu’il consolidera partout ailleurs, note l’Obs.
Partout, et surtout en Syrie où, à partir de septembre 2015, Vladimir Poutine lui confie le commandement de l’intervention russe. Il s’acharnera alors pendant des semaines sur la ville d’Alep, qu’il rasera à coups de bombes à sous-munitions et des armes thermobariques. En tandem avec les troupes de Bachar al-Assad, il a mené des bombardements généralisés de quartiers, d’hôpitaux syriens et de civils. 50.000 de ces derniers y ont péri. Le général a d’ailleurs été honoré en tant que “héros de la Fédération de Russie” en 2016 pour son travail là-bas, note le Washington Post.
Le général russe a également travaillé avec le redouté et controversé groupe Wagner actif en Syrie depuis 2015 et qui opère également en Ukraine. En 2016, il devient le commandement du district sud de l’armée russe – l’un des plus importants du pays, en charge notamment de la Crimée, de l’Ukraine et de la Tchétchénie.
Dvornikov, “le pire du pire”
L’ex-patron des forces américaines en Europe, l’amiral Stavridis cité par l’Obs, décrit Alexander Dvornikov comme “le pire du pire”, notamment parce que dans ses postes précédents, il n’a pas hésité à utiliser des armes chimiques.
“Il a un mépris total pour ce qui est d’éviter de nuire aux civils, ainsi que pour les règles de la guerre”, a déclaré pour sa part le porte-parole du Pentagone, John Kirby.
“Dans la bataille pour reprendre la ville syrienne de Palmyre, Dvornikov a démontré sa croyance en ‘la primauté de la mission’, et si vous avez besoin d’y aller fort pour accomplir la mission, il le fera”, analyse pour le Washington Post Mark Galeotti, professeur honoraire à l’University College London qui étudie les forces armées russes.
Les tactiques de Dvornikov déjà mises à l’œuvre en Ukraine
Même s’il est difficile pour l’heure de déterminer quel rôle précis il y a joué dans certaines exactions, ses méthodes sanglantes ont pu être observées en Ukraine depuis le 24 février, à Marioupol par exemple. Comme l’utilisation de bombes à fragmentation, les bombardements incessants de zones civiles et le ciblage d’hôpitaux.
Aussi, en tant que commandement du district sud, c’est à lui que l’on doit le bombardement de la gare de Kramatorsk. Le 8 avril, dans cette ville du Donbass encore sous contrôle ukrainien, un missile a frappé des civils qui tentaient de fuir l’avancée des forces russes. Selon le bilan officiel, la frappe a fait 52 morts et 102 blessés.
D’après un haut responsable du ministère américain de la Défense, “les Russes ont eu plus de succès dans le sud que dans le nord” depuis le début de l’invasion. Or c’est dans le sud qu’opère Alexander Dvornikov.
Des jours très sombres en perspectives dans le Donbass
Pour prendre Marioupol, mais aussi les zones entourant Louhansk et Donetsk, sous contrôle des séparatistes prorusses, “le général devra s’appuyer sur une armée sans doute déjà usée, qui ferait appel à ses réservistes de moins de 60 ans, des volontaires syriens et des miliciens de Wagner pour boucher les trous”, analyse Sud Ouest.
“La campagne du Donbass sera brutale, sanglante et aveugle”, avertit le lieutenant-colonel Tyson Wetzel. “Dvornikov est un chef de combat expérimenté”, “il utilisera probablement les mêmes tactiques brutales qu’il a employées [en Syrie], mais aussi à Marioupol. Son surnom de ‘boucher de Syrie’ n’est pas usurpé’”.
″Ce général particulier a un curriculum vitae qui inclut la brutalité contre des civils. Et nous pouvons nous attendre à plus ou moins la même chose dans ce théâtre”, a déclaré dimanche 17 avril le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan.
Il note toutefois “qu’aucune nomination d’un général ne peut effacer le fait que la Russie a déjà fait face à un échec stratégique en Ukraine”.
Et justement, l’appel de Vladimir Poutine à Alexander Dvornikov a pour but de faire oublier au plus vite cette déconfiture en jouant sur les symboles. Selon des analystes, le président russe veut obtenir une victoire dans le Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
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