Par SudOuest.fr avec AFP
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Marina Petrella avait commandité le meurtre d’un commissaire de police, ainsi qu’une tentative d’attentat contre un vice-préfet de police, des faits pour lesquels elle a été condamnée à perpétuité en Italie

« Me renvoyer à 70 ans mourir en prison […], ce serait un châtiment propre à l’obscurantisme », a plaidé mercredi Marina Petrella, l’Italienne la plus médiatique parmi les dix militants d’extrême gauche condamnés pour terrorisme lors des années de plomb, dont la justice française examine actuellement les demandes d’extradition.

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Quarante ans après les faits pour lesquels elle a été condamnée à perpétuité en Italie - avoir commandité le meurtre d’un commissaire de police, ainsi qu’une tentative d’attentat contre un vice-préfet de police -, cette femme de 67 ans a réclamé la clémence de la cour d’appel de Paris.

Feuilleton judiciaire

Une extradition pour purger sa peine, « personne ne peut penser que ce soit la réponse à un besoin de justice, que ça apaise, console ou réconforte qui que ce soit », a-t-elle estimé d’une voix tremblante.

Comme nombre d’anciens militants d’extrême gauche réfugiés en France depuis les années 1980 et 1990, elle s’est longtemps sentie protégée par la promesse de l’ancien président François Mitterrand de ne pas extrader les anciens activistes ayant rompu avec leur passé. Mais dans son cas, l’exil s’est transformé en feuilleton judiciaire. En 2008, elle avait fait une grève de la faim pour protester contre son extradition acceptée par la justice française, et le président Nicolas Sarkozy avait fini par bloquer le décret la concernant à cause de son état de santé.

Désormais, l’histoire se répète pour cette sexagénaire aux cheveux blancs : au printemps 2021, Emmanuel Macron a décidé de favoriser la mise à exécution des demandes d’extradition renouvelées par l’Italie pour quatre anciens militants d’extrême gauche et six anciens membres des Brigades rouges condamnés pour des faits de terrorisme.

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Devant les juges, l’ex-brigadiste a insisté sur « le traumatisme » de ces procédures, pour ses deux filles et son petit-fils, après 30 ans de réinsertion en France, où elle s’est reconvertie en assistante sociale.

Son avocate Irène Terrel a fustigé « l’arrogance » et « l’indécence » de cette nouvelle demande d’extradition. Près de quinze après la décision du président Sarkozy, « vous pensez que cette clause humanitaire (invoquée en 2008, ndlr) ne s’applique plus ? », s’est-elle indignée, en estimant également « qu’aucun fait nouveau » ne justifie la procédure.

« Parole d’Etat »

Pour elle, « la parole d’Etat doit être respectée ». L’avocate a aussi attaqué l’inaction de l’Italie, qui n’a pas contesté devant le Conseil d’Etat la décision du gouvernement français de ne pas extrader Marina Petrella, malgré l’avis favorable de la justice. Un manquement qui rend selon elle la procédure actuelle « irrecevable », tout comme celle qui vise son autre cliente, Roberta Cappelli.

Condamnée à perpétuité pour sa responsabilité dans le meurtre d’un policier, d’un commissaire de police et d’un général des carabiniers entre 1979 et 1981, Roberta Cappelli est dans le même cas : la justice française s’était prononcée en faveur de son extradition en 1995, mais le décret n’a jamais été appliqué par Jacques Chirac.

Rome « ne savait pas qu’il pouvait être partie pour attaquer le fait que le décret n’ait pas été exécuté », a plaidé l’avocat de l’Etat italien, William Julié. Lui réclame « une décision qui permette enfin d’obtenir une forme de paix », dans cet épisode douloureux de l’histoire italienne.

Roberta Cappelli n’a pas éludé les violences commises « des deux côtés » lors de sa lutte révolutionnaire des années 70. « Je ne peux qu’assumer mon histoire », a lâché cette femme de 66 ans face aux juges. Après sa condamnation, elle s’est réfugiée en France en 1993. « Je n’ai pas pu me séparer de mon fils, c’est ça qui a guidé mon choix, plus que d’éviter la prison », a-t-elle raconté dans son ensemble noir. En France, elle est devenue éducatrice spécialisée pour « travailler à l’avènement d’un monde meilleur ». « Quarante ans plus tard, peut-on réduire ma vie entière à ce que j’ai fait dans ma jeunesse ? », a-t-elle fait valoir.

Accepter une extradition, « compte tenu de l’âge de ces gens, c’est une peine de mort déguisée », a insisté Me Terrel.

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Une décision sera rendue le 29 juin pour l’ensemble des dix personnes réclamées par l’Italie. La cour doit encore examiner le cas de trois autres ex-militants, Giorgio Pietrostefani, Maurizio Di Marzio et Luigi Bergamin, respectivement le 18 mai, le 25 mai et le 8 juin.