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L’extrême-droite en France : une progression constante depuis 1953

Jean-Marie Le Pen, figure incontournable de l'extrême-droite en France.
Jean-Marie Le Pen, figure incontournable de l'extrême-droite en France. © ERIC DESSONS/JDD/SIPA
Edouard Roux

Pierre Poujade, Jean-Louis Tixier-Vignancourt, Jean-Marie Le Pen, puis sa fille Marine, et, enfin, Éric Zemmour, retour sur une idéologie qui n’a cessé de croître en France, des années 1950 à nos jours.

A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France libérée par les Alliés et le général de Gaulle est à la fête. L’épuration sauvage juge les collaborateurs, certains sont fusillés, d’autres emprisonnés et frappés d’indignité nationale, des femmes sont tondues. Mais, en quelques années, le vernis de la victoire craquele sous le poids des souvenirs douloureux, des règlements de compte, du silence.

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1953. Pierre Poujade créé l’UDCA (Union de Défense des Commerçants et Artisans) sur fond de lutte contre le fisc et ses charges trop élevées qui minent les petits commerçants et artisans. Le chef de ce syndicat – qui deviendra ensuite un parti - sillonne la France en voiture, se fait connaître sur et dans les territoires et décide de présenter sa liste aux élections législatives de 1956 avec pour slogan : « Sortez les sortants ! ». Menant une campagne antiparlementariste, antisémite, violente à l’encontre des politiques, parfois physiquement, pro-Algérie française aussi, l’UDCA obtient 11,6% des suffrages et ce sont 41 députés (11 d’entre eux seront invalidés) qui siègent à l’Assemblée Nationale sous la bannière UFF (Union et Fraternité Française). Un certain Jean-Marie Le Pen , vingt-sept ans, fait partie des députés.

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Pas loin dans l’hémicycle, un autre député, quarante-huit ans, se tient prêt : Jean-Louis Tixier-Vignancourt, avocat de Céline, Pétainiste, lauréat de la Francisque, et créateur du Rassemblement National français en 1954, parti d’extrême-droite et qui veut en finir avec la Quatrième République. Elu député en 1956, il siégera chez les non-inscrits bien qu’il fit campagne avec la CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans), parti qui soutien aujourd’hui Éric Zemmour . Tixier-Vignancourt n’est pas reconduit en 1958, et se met à défendre l’Algérie française – tout en votant l’investiture de de Gaulle - mais aussi les actions de l’OAS, son cheval de bataille. En 1964, il créé les « Comités Tixier-Vignancourt » ou « Comités TV », et nomme Jean-Marie Le Pen secrétaire général.

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1965. L’avocat se présente à l’élection présidentielle et arrive quatrième avec 5,20% des voix au premier tour. Il appellera à voter pour François Mitterrand face au général de Gaulle au second tour : pour ses liens avec le président socialiste au passé flou d’une part, et contre la politique algérienne du général ensuite. Jean-Marie Le Pen, son directeur de campagne, déçu et remonté par le score et les dissensions internes, quitte les « Comités TV » en 1966 et fonde le Front National en 1972. Le nouveau parti a du mal à se lancer : 5,2% aux législatives de 1973 pour le fondateur dans la quinzième circo de Paris, 0,75% à la présidentielle de 1974. Deux ans plus tard, un attentat à la bombe manque d’assassiner la famille Le Pen. A la présidentielle de 1981, le Front National ne peut se présenter faute de parrainages, et appelle à voter blanc au second tour.

Le choc du 21 avril 2002

En 1983, les élections municipales marquent la première percée du parti d’extrême-droite. Jean-Marie Le Pen s’allie au RPR et à l’UDF et sa liste obtient 11,3% des suffrages dans le 20ème arrondissement de Paris. Petit à petit, d’autres cadres sont élus dans différentes circonscriptions en fusion avec les deux autres partis de droite. Un an plus tard, le fondateur du FN est élu député européen et siégera jusqu’en 2003. En 1986, il est également élu député.

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Présidentielle de 1988. Jean-Marie Le Pen et son parti, sur une excellente lancée et portée par des résultats satisfaisants - malgré le scandale du « point de détail » au sujet des chambres à gaz un an plus tôt -, obtient 14,4% de votes au premier tour. Ce score, qui a effrayé bon nombre de politiques pose les premières pierres du « vote barrage » contre le FN, qui fera flores dans les décennies à venir.

1995. Jean-Marie Le Pen récolte 15% des suffrages au premier tour et, dans la foulée, son parti remporte aux municipales la même année quelques mairies dans le sud (Toulon, Orange entre autres). Trois ans plus tard, le Front National se scinde en deux sur fond de querelles politiques liées à l’immigration : d’un côté Jean-Marie Le Pen, qui tient sa ligne, de l’autre Bruno Mégret, plus virulent sur l’immigration mais d’accord pour des alliances avec la droite républicaine. Il créé le MNR (Mouvement National Républicain) et fait chuter le Front National lors des européennes de 1999. Mais le travail de longue haleine de Jean-Marie Le Pen se met, tout de même, à payer. De nombreux Français déçus par les partis de gouvernement sont happés par son discours. Et en 2002, le candidat d’extrême-droite se hisse au second tour avec 16,8% des voix, devant Lionel Jospin, 16,18%. Le « rempart républicain » fonctionne pour Jacques Chirac, lequel réalise le meilleur score d'un second tour de l'élection présidentielle de la Ve République face au fondateur du FN : 82,21% des voix.

Lire aussi : Dans les coulisses du 21 avril 2002

Le Pen fera 10,4% en 2007, l’arrivée de Nicolas Sarkozy, libéral mais ferme sur l’immigration, diluant une partie de son électorat. Cinq ans plus tard, c’est au tour de sa fille Marine de se lancer dans la course à la présidentielle. Elue à la tête du parti un an auparavant avec 67,65% des voix, elle met en place une stratégie dite de « dédiabolisation », se montre plus conciliante que son paternel sur certaines questions sociétales (âge du départ de la retraite notamment), et termine troisième à l’élection avec 17,9% des voix. Les législatives, la même année, insufflent un nouvel espoir pour les frontistes, certaines listes franchissant aisément le premier tour avant d’être battues au second tour. Les municipales, deux ans plus tard, voient le parti progresser dans les urnes également. Si le Front National progresse, en interne, de sérieux conflits opposent Jean-Marie Le Pen et sa fille, à tel point qu’il en sera exclu en 2015.

Présidentielle de 2017. Marine Le Pen, comme son père en 2002, se retrouve au second tour avec 21,30% de suffrages. Le nouvel entrant Emmanuel Macron en appelle à nouveau au « rempart républicain » et est élu avec 66,10% des voix. Mais cinq ans de présidence plus tard, dans une France divisée et en colère, un ancien journaliste fait sa mue : Éric Zemmour. Proche de Jean-Marie Le Pen, ennemi de Marine Le Pen – il récupérera des cadres RN -, il crée « Reconquête ! » et se met en travers du désormais Rassemblement National. Les deux candidats d’extrême-droite, que de nombreuses querelles politiques opposent, s’affrontent dimanche 10 avril lors du premier tour de la présidentielle. Le soir, à 20h, les résultats tombent : Marine Le Pen est au second tour avec 23,1% des voix, Éric Zemmour finit quatrième avec un score décevant mais encourageant de 7,07%. Entre tout cela, les deux partis ennemis, antagonistes et qui s’évitent, refusent catégoriquement l’appellation « d’extrême-droite ».

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