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Thérèse rêvant, Le vagin de la reine... Cinq œuvres d'art qui ont fait scandale pour cause de sexisme

Le Bar aux Folies Bergères d'Édouard Manet, 1881-1882.
Le Bar aux Folies Bergères d'Édouard Manet, 1881-1882. Abaca

Depuis l'ère MeToo, nombreuses sont les toiles, sculptures et autres représentations artistiques à être passées, des années après leur création, sur le gril du tribunal public.

«Cette galerie présente le corps des femmes, soit en tant que "forme passive décorative" soit en tant que "femme fatale". Remettons en cause ce fantasme victorien!», pouvait-on lire en janvier 2018 à l'entrée de la Manchester Art Gallery de Londres. Cette inscription remplaçait le tableau Hylas et les nymphes, œuvre préraphaélite du peintre britannique John William Waterhouse. Tantôt critiquée, tantôt saluée, cette initiative entendait questionner les visiteurs sur leur vision de la représentation des femmes dans l'art.

De fait, dans une société traversée par les questions de genre, de classe et de sexualité, par le mouvement #Metoo et par la culture woke, le musée tentait ainsi de s'inscrire au cœur d'un phénomène de taille : celui de la relecture de nos chefs-d'œuvre à l'heure contemporaine et à l'aune de nos idéologies. Ceci, à l'image du podcast et compte Instagram féministe Vénus s'épilait-elle la chatte, lancée par une ancienne historienne de l'art, remettant en cause le regard des artistes masculins sur les femmes. Pour parler du mouvement préraphaélite, elle expliquait notamment sous l'une de ses publications, s'appuyant sur l'œuvre Lamia du même John William Waterhouse ceci : «Ils s'inspirent majoritairement de sujets antiques et médiévaux [...] avec pour point commun une bonne dose de misogynie.»

Le Bar aux Folies Bergères d'Edouard Manet

Le Bar aux Folies Bergères d'Édouard Manet, 1881-1882. Getty Images

Ainsi, après de nombreuses controverses, la Manchester Art Gallery ne fut pas la seule à se prémunir d'éventuelles attaques sur ses acquisitions, en s'emparant elle-même du débat - au risque de provoquer une polémique en sens inverse. Le 13 avril dernier, la Courtauld Gallery de Londres revoyait l'étiquetage d'un tableau du peintre impressionniste français d'Édouard Manet, Le Bar aux folies Bergères. Réalisé en 1882, ce portrait jugé sexiste par l'institution, représente une serveuse, harassée dans un café-concert parisien, fixant à la fois le spectateur et un homme, dont le reflet se projette dans un grand miroir derrière elle.

Sur le nouvel écriteau du tableau est précisé que «l'expression énigmatique de cette femme est troublante, d'autant plus qu'elle semble dialoguer avec un client masculin». Et d'ajouter qu'elle n'est, en vérité, «qu'un élément parmi l'assortiment alléchant proposé au premier plan : vin, champagne, liqueur de menthe poivrée et bière British Bass». Une description entendant avertir les visiteurs du «male gaze» de l'œuvre, concept féministe apparu pour dénoncer le regard masculin faisant des femmes un objet de désir, quitte à en abuser.

Thérèse rêvant de Balthus

Thérèse rêvant de Balthus au Musée Ludwig, Allemagne. Getty Images

Si Édouard Manet a son lot de controverses, le peintre Balthus peut, lui aussi, se targuer d'avoir provoqué l'ire de nombreux mouvements féministes. Pire, l'artiste a été accusé de voyeurisme et de perversion, et même de pensées pédophiles. Des accusations au regard de ses œuvres, plaçant l'œil du visiteur sous les jupes de très jeunes filles.

C'est le cas de son célèbre tableau Thérèse rêvant, peint en 1938. Celui-ci montre une enfant en jupon rouge, prenant un bain de soleil dans une posture lascive. En novembre 2017, une pétition faisait le tour du monde pour retirer l'œuvre du Metropolitan Museum of Art (MET) : «Je demande simplement au MET d'être plus vigilant concernant les toiles qu'il accroche à ses murs et de comprendre ce que ces tableaux insinuent», expliquait ainsi Mia Merrill, à l'initiative de ce soulèvement. Portée durant l'affaire Harvey Weinstein, le producteur américain condamné pour viol sur des actrices, la militante aura reçu près de 9.000 signatures, sans toutefois parvenir à faire retirer la toile.

De plus en plus laides de Song Ta

C'est une œuvre qui a scandalisé l'opinion publique plusieurs années après sa création. Réalisée en 2012, Uglier and Uglier (De plus en plus laides en anglais) du chinois Song Ta, est une vidéo de près de sept heures, faisant défiler près de 5.000 images d'étudiantes capturées à leur insu sur un campus universitaire. Ces dernières y sont classées et numérotées en fonction de leur physique. Projetée une première fois en 2013 sans grandes réactions, elle fut mise à disposition des visiteurs en juin 2021 à l'OCT Contemporary Art Terminal (OCAT) de Shanghai, provoquant, cette fois, un vent d'indignation. Dans une interview pour Vice en 2013, l'artiste déclarait à propos de cette œuvre : «À la fin, c'était effrayant… C'était des personnes normales, il ne leur manquait pas de bras, d'oreille ou d'œil, mais elles étaient tellement moches que ça mettait les gens mal à l'aise.»

De nombreux visiteurs, choqués, ont dénoncé le caractère sexiste, voire insultant de ce projet, demandant son retrait immédiat de l'établissement. «Après avoir reçu des critiques, nous avons réévalué le contenu de cette œuvre ainsi que l'explication de l'artiste. Nous avons trouvé qu'elle était irrespectueuse envers les femmes, et que la façon dont elle avait été tournée présentait des problèmes de violation du droit à l'image», avait expliqué l'OCAT.

Le vagin de la reine d'Anish Kapoor

L'artiste indien Anish Kapoor est, lui aussi, un habitué des scandales. En 2015, il créait la surprise avec son œuvre Dirty Corner, aussi surnommé Le vagin de la reine, installée dans les jardins du château de Versailles. Mais celle que l'on retient pour son caractère particulièrement dérangeant se tient à une série de peintures présentées en juin 2019 à la Lisson Gallery de Londres. Le peintre et plasticien s'était attelé à représenter le cycle menstruel des femmes, de manière plutôt évocatrice... voire répugnante. Des toiles peinturlurées de traînées de sang, des murs jonchés d'éclaboussures, des orifices dégoulinants... En légende de sa série, une question était posée : un homme est-il légitime à peindre des problèmes ayant trait aux femmes, à la douleur, à la violence et à l'impureté ?

Palm Springs Art Museum, Marylin Monroe

La statue de Marilyn Monroe. Abaca

Éternel objet de désir, Marilyn Monroe eu aussi droit à une statue à son effigie. Pour lui rendre hommage, une sculpture de près de huit mètres de haut, inspirée d'une scène culte du film Sept ans de réflexion, fut installée en juin dernier à proximité du Palm Springs Art Museum, aux États-Unis. Sans grande surprise, l'actrice y est projetée en femme fatale : pose langoureuse, talons hauts et robe blanche légère s'envolant, laissant apparaître sa culotte. Jugée sexiste et sexualisante pour l'actrice et pour les femmes, l'œuvre fut soumise à la colère des associations locales, qui réclamèrent son retrait. Après de nombreuses manifestations à l'été 2021, autant de pétitions et même une plainte contre le comté de Riverside aux États-Unis, aucune association féministe n'a réussi à faire retirer la statue de l'actrice, au grand dam du directeur de Palm Springs Art Museum, qui a, tous les matins, une pleine vue sur son fessier.

Thérèse rêvant, Le vagin de la reine... Cinq œuvres d'art qui ont fait scandale pour cause de sexisme

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26 commentaires
  • le

    Et le tableau l'origine du Monde ? Très Banc dent.

  • Emmanuel bcvert

    le

    Toute l’imposture : la nullité contemporaine au même niveau que Manet.

  • Paul Emiste

    le

    Toute la duplicité de l'art contemporain est là : revendiquer la nullité, l'insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu'on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu'on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels. Or la nullité est une qualité secrète qui ne saurait être revendiquée par n'importe qui. Or la majeure partie de l'art contemporain s'emploie exactement à cela: à s'approprier la banalité, le déchet, la médiocrité comme valeur et comme idéologie. Dans ces innombrables installations, performances, il n'y a qu'un jeu de compromis avec l'état des choses, en même temps qu'avec toutes les formes passées de l'histoire de l'art. Un aveu d'inoriginalité, de banalité et de nullités, érigées en valeur, voire en jouissance esthétique perverse. L'autre versant de cette duplicité, c'est, par le bluff à la nullité, de forcer les gens, a contrario, à donner de l'importance et du crédit à tout cela, sous le prétexte qu'il n'est pas possible que ce soit aussi nul, et que ça doit cacher quelque chose. L'art contemporain joue de cette incertitude, de l'impossibilité d'un jugement de valeur esthétique fondé, et spécule sur la culpabilité de ceux qui n'y comprennent rien, ceux qui n'ont pas compris qu'il n'avait rien à comprendre.

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