L'Union européenne fait le ménage dans les produits toxiques. La Commission vient de publier sa feuille de route des substances qui pourraient être interdites car trop nocives pour la santé et la planète. Une liste noire qui donne des sueurs froides aux industriels. Ces derniers estiment que 12 000 substances pourraient être ciblées, faisant perdre un quart de son chiffre d'affaires au secteur. 

C’est une petite révolution fustigée par de nombreux industriels. L’Union européenne pourrait bientôt interdire des milliers de produits chimiques potentiellement toxiques. Composés perfluorés dans les cartons de pizza, PVC dans les chaussures… la Commission européenne a publié le 25 avril sa feuille de route visant à interdire les substances toxiques chimiques "les plus nocives pour la santé humaine et l’environnement". Six familles de substances examinées par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont été ciblées.
On y trouve le groupe des PVC, polychlorures de vinyle, plastiques très peu recyclables utilisés dans une vaste gamme de produits comme les jouets, emballages alimentaires, textiles, chaussures, meubles, etc., ainsi que leurs additifs (phtalates, PFAS, métaux lourds, etc.), accusés d’être liés à des cancers ou à l’obésité. Beaucoup, comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), présents dans les emballages de nourriture (boîtes à pizzas…), peintures, vernis ou enduits, s’accumulent dans l’organisme.
Autres groupes visés : tous les retardateurs de flamme (agents ignifuges dans les matelas, vêtements, sièges de voiture, etc.) et toutes les substances classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) dans les articles pour enfants, notamment les couches. Sont également concernés tous les bisphénols, utilisés dans la fabrication de plastiques et contenants alimentaires, et considérés comme perturbateurs endocriniens.

Un lobbying intense


"Si elle est mise en œuvre, l’action sera la plus grande suppression réglementaire jamais réalisée de produits chimiques autorisés", a réagi le Bureau européen de l’environnement (EEB). Et de fait, selon le Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic), qui réunit les plus grands noms du secteur, jusqu’à 12 000 substances pourraient être concernées par la liste noire de la Commission européenne. Pire pour les industriels, 28 % de leur chiffre d’affaires pourrait être impacté. Une situation qui explique le lobbying intense qu’a exercé le secteur et le retard pris par Bruxelles. "Il existe une grande incertitude quant à la manière dont les entreprises de la chaîne de valeur pourraient parvenir à ces objectifs. L’industrie a besoin d’un cadre de croissance prévisible pour les investissements économiques au cours des deux prochaines décennies", a souligné le président du Cefic, Martin Burdermueller.
Si la pilule a dû mal à passer, c’est que la Commission cible désormais des familles entières de composants et non plus des substances au cas par cas. Un processus très long et surtout peu adapté au développement industriel puisque selon l’EEB, un nouveau produit chimique est créé toutes les 1,4 secondes. "La feuille de route renforcera une approche de groupe pour réglementer les produits chimiques, où le membre le plus nocif d’une famille chimique définit les restrictions légales pour toute la famille. Cela devrait mettre fin à une pratique industrielle consistant à modifier légèrement les formulations chimiques pour échapper aux interdictions", insiste le Bureau européen de l’environnement.

La pollution chimique a franchi une cinquième limite planétaire


La Commission s’attaque ici à un enjeu majeur. Alors que la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950, une étude publiée début janvier par 14 scientifiques de renom révélait que l’humanité venait de franchir une cinquième limite planétaire, celle des polluants environnementaux dont le plastique. Le concept de limite planétaire, créé en 2009, définit neuf variables qui régulent la stabilité de la planète et qu’il ne faut surtout pas dépasser pour un développement "sûr et juste" de l’humanité.
Au total, les chercheurs estiment que plus de 350 000 types différents de produits chimiques manufacturés étaient présents sur le marché mondial, prenant en compte les plastiques, les pesticides, les produits chimiques industriels, les antibiotiques, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques présents dans les produits de consommation. Face à l’urgence, ils appelaient à une "action urgente" parmi laquelle une meilleure gestion des produits chimiques.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina 

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