dimanche 28 avril 2024

Margny-lès-Compiègne. «A bout à cause du ramadan» il frappe son épouse en présence de sa fille

Un œil au beurre noir, la victime implore à la barre le tribunal de se montrer clément avec son mari.

Par La Rédaction
L’enfant, témoin des violences, en «rigolait» selon sa mère, la victime qui refuse son statut – Photo d’illustration par Annie Spratt on Unsplash

«Aujourd’hui, c’est à lui que je pense, car c’est à cause de moi s’il est incarcéré. Je n’ai pas peur de mon mari et je veux qu’il rentre. Y avait pas lieu que la police vienne et je me sens coupable.» Ce mardi 19 avril, la scène relèverait presque du carnaval antique — cette fête au cours laquelle, durant quelques jours, les rôles des uns et des autres étaient inversés, les esclaves prenant la place des maîtres, et réciproquement. L’un de ses deux yeux pochés, c’est la victime qui aujourd’hui se sentira «coupable» — quand, de son côté, Abdelilah Azahriou, 31 ans, jeune homme à l’allure massive, passera une partie de l’audience à sangloter devant ses juges.

«C’est moi la victime et c’est ma salope de femme qui devrait être à ma place.»

Le vendredi 15 avril dernier, en fin d’après-midi, des voisins du couple appellent la police. À leur arrivée au domicile de la famille Azahriou, la victime — l’une de ses pommettes rougie, et une plaie saignante à la main — leur indique qu’elle vient de se disputer avec son mari, que celui-ci l’avait giflée, puis «balayée» avant de lui donner plusieurs coups de poing. Les policiers peuvent par ailleurs constater la présence d’un enfant, la fille du couple, âgée de 2 ans, qui aurait assisté à cette scène de violence. Elle est en pleurs lorsque son père est interpellé. «C’est moi la victime et c’est ma salope de femme qui devrait être à ma place.» Ne supportant pas de se voir placé en garde à vue — addict au cannabis, actuellement au chômage et se sentant par ailleurs «à bout à cause du ramadan» —, Abdelilah Azahriou explose. Puis, croyant reconnaître l’un des fonctionnaires qu’il croise entre les murs du commissariat, il lui lance : «Toi, le trou du cul, t’es pas encore à la retraite ? T’as baisé mon frère, mais toi tu me baiseras pas !»

«Pour moi, c’était une dispute, comme souvent»

En état de récidive concernant les violences sur conjoint, Azahriou — déjà incarcéré pour un délit de fuite et des violences aggravées datant de 2018 — est ensuite placé en détention. Comparaissant sous escorte ce mardi 19 avril, le prévenu nie les outrages et minimise les violences. «En fait, c’est elle qui m’a cherché, c’est elle qui m’a provoqué, elle m’a mis des gifles et des patates, moi j’étais dans la retenue. Pour moi, c’était une dispute, comme souvent.» Puis, pris de convulsion et se courbant à demi, le gaillard s’effondre en larmes : «Jamais j’ai levé la main sur elle, je suis pas comme ça monsieur le juge. Je l’ai maîtrisée, je l’ai retenue, je l’ai jamais frappée. Mon geste, c’était pas volontaire. Mon but c’était pas de lui faire du mal.» Se portant partie civile — mais ne demandant aucun dommage et intérêt et «aucune protection particulière pour elle et pour sa fille» —, l’épouse d’Azahriou reconnaît des «disputes quotidiennes depuis leur mariage», et revient aujourd’hui sur la plupart de ses déclarations. «C’était un seul coup de poing, pas plusieurs. Mais ce n’était pas vraiment un coup de poing, mais plus une claque.» Concernant la dispute, elle déclare : «C’était une bagarre à deux, y a eu de la violence des deux côtés. Des disputes, ça arrive dans tous les couples.» Et d’affirmer, contre l’évidence-même : «Mon mari a jamais été violent avec moi.»

«Quand on se dispute, ma fille en rigole et on rigole avec»

«Selon vous, quel est l’effet pour une enfant de voir ses parents se disputer ?» l’interroge alors, inquiète, Ilona Leroy, l’une des deux assesseurs. «Quand on se dispute, ma fille en rigole et on rigole avec», lui répond la mère de famille. «Des enfants qui rigolent quand leurs parents se disputent, et j’en vois beaucoup, ça n’existe pas», la reprend le président Xavier Lacasa, consterné par ces déclarations, précisant à la victime qu’il était lui-même juge pour enfants. Mais l’épouse d’Azahriou n’en démord pas : «J’ai une fille qui a besoin de son père.»

«Je partage les inquiétudes du tribunal sur ce qui se passe dans ce foyer», avance dans ses réquisitions la procureure Manon Noël. «Un enfant qui est témoin de violences conjugales entre ses deux parents, c’est un enfant qui est traumatisé et qui ne va pas grandir comme les autres enfants.» Elle poursuit : «Le positionnement de monsieur Azahriou m’inquiète. Qu’est-ce qui vous laisse penser aujourd’hui que ça ne va pas se reproduire dans une semaine ?» Et de trancher : «Laisser monsieur Azahriou rentrer à la maison ce soir n’est pas une solution.» Elle requiert à son encontre 12 mois de prison, dont 6 avec sursis probatoire renforcé — et demande par ailleurs son maintien en détention. «On ne peut pas condamner un prévenu sur les seuls éléments apportés par la victime», plaide Me Teddy Orlandi, du barreau de Paris, l’avocat d’Azahriou. Faisant valoir au tribunal «qu’un seul coup de poing ne peut donner une simple rougeur», il affirme que son client «n’avait fait, ce jour-là, que repousser son épouse.» Et de conclure : «Pour ce geste regrettable et inconsidéré, je vous demande la relaxe.»

Mais le tribunal reconnait Abdelilah Azahriou coupable des faits qui lui étaient reprochés. Il est condamné à 11 mois de prison — intégralement assortis d’un sursis probatoire renforcé. Il aura notamment l’obligation d’avoir un travail, de suivre des soins psychologiques et en addictologie, ainsi que l’interdiction de paraître au domicile de la victime. Il est ressorti libre du tribunal.

A. B.

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