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Animaux

Serpents, tortues, iguanes… 21 % des espèces de reptiles pourraient disparaître

Parmi les reptiles menacés, l'iguane marin, une espèce unique des îles Galápagos.

Une nouvelle étude internationale évalue pour la première fois les dangers qui pèsent sur des milliers de reptiles. Bilan : 21 % des espèces sont menacées d’extinction, en particulier à cause de la destruction des forêts.

Les états des lieux de la biodiversité mondiale se suivent et se ressemblent dramatiquement. 41 % des espèces d’amphibiens, 26 % des espèces de mammifères et 13 % de celles d’oiseaux sont aujourd’hui menacées d’extinction. Pour la première fois, une étude internationale vient ajouter à cette liste funeste la situation des reptiles. La publication dans Nature, le 27 avril, d’une évaluation globale des dangers qui pèsent sur les 10 196 espèces de reptiles montre que 1 829 d’entre elles, soit 21 %, sont menacées de disparition. Pour ce classement, les cinquante-deux auteurs reprennent les catégories de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en étudiant ensemble les espèces en danger, en danger critique et celles vulnérables.

Contrairement à leurs attentes, expliquent les auteurs de cette étude, ce sont dans les zones forestières, et non dans les déserts, que les reptiles sont les plus menacés. Jusque-là, les scientifiques suspectaient les zones arides d’abriter la plus grande biodiversité reptilienne. Or ce large recensement montre que plus de la moitié des espèces de reptiles se trouvent en zones forestières, sachant que les lézards et les serpents représentent à eux seuls 96 % de la diversité des espèces de reptiles. Ainsi, les zones forestières tropicales, en particulier en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Ouest, concentrent le plus d’espèces menacées.

« Nous ne nous attendions pas au chevauchement aussi important entre la distribution des reptiles menacés et celle des oiseaux, des mammifères et des amphibiens — en particulier dans les régions forestières tropicales, précise à Reporterre Neil Cox, premier coauteur de l’étude et directeur de l’unité d’évaluation de la biodiversité de l’UICN. C’est une bonne nouvelle, cela signifie que de nombreux reptiles bénéficient déjà de mesures de protection pour d’autres espèces. »

La moitié des tortues et des crocodiles en péril

Cette étude confirme ainsi que la destruction des forêts tropicales est une des principales causes de la perte de biodiversité. Les reptiles font face aux mêmes risques que les autres animaux sauvages : la destruction de leurs habitats par l’agriculture, l’exploitation forestière et le développement urbain. Les chercheurs montrent également leur vulnérabilité dans les milieux insulaires, à cause de la présence d’espèces invasives. En effet, de nombreuses espèces endémiques de lézards sur les îles du Pacifique ou des Caraïbes sont menacées par des mammifères exotiques.

« Les chats et les rats sont des problèmes importants pour les reptiles sur de nombreuses îles, comme c’est le cas pour l’iguane marin, une espèce unique des îles Galápagos, détaille Neil Cox. Autre prédateur redoutable, la mangouste, qui a été historiquement introduite dans les îles des Caraïbes pour contrôler les dommages causés par les rats aux cultures telles que la canne à sucre. »

La situation est aussi alarmante pour les tortues et les crocodiles, dont plus de la moitié des espèces sont en péril. Pour celles-ci, le danger vient principalement des captures pour le commerce international ou pour une consommation locale. Un tiers des 351 espèces de tortues risquent de disparaître à cause des seules captures.

Une situation qui pousse les auteurs de l’étude à réclamer des mesures contre leur commerce. Autre mesure de protection souhaitée, l’éradication des mammifères introduits dans les régions insulaires ; ils mettraient à eux seuls en danger 257 espèces de reptiles. Pour une majorité d’entre elles, pointent cependant les experts, les mesures de protection sont connues : la protection des habitats forestiers.

Détermination sexuelle liée à la température

Concernant les conséquences du changement climatique, les chercheurs restent prudents, faute de données. Ils listent néanmoins certains effets identifiés, communs à de nombreuses espèces, comme la réduction des habitats en raison de la transformation du climat et des milieux qui l’accompagne. Mais aussi d’autres plus spécifiques, comme le changement de la proportion de mâles et de femelles pour les espèces dont la détermination sexuelle est liée à la température.

« De nombreuses espèces de reptiles dans les zones arides sont sensibles à une modification même limitée de l’habitat. Le changement climatique en cours aura des conséquences sur bon nombre de ces espèces, en modifiant la fenêtre thermique dans laquelle de nombreux reptiles peuvent persister, complète Neil Cox. Notre étude s’est limitée aux impacts directs actuels du changement climatique, mais nous prévoyons fortement que de nombreux autres reptiles des régions arides seront menacés. »

Comme toujours, ces grandes estimations doivent composer avec de nombreuses données manquantes, ce qui donne une fourchette d’incertitudes sur la proportion d’espèces menacées : entre 18 % (si toutes les données manquantes concernent des espèces non menacées) et 33 % (si toutes les données manquantes concernent des espèces menacées).

Les auteurs rappellent aussi que depuis la clôture de leurs travaux, 1 145 espèces de lézards ont été découvertes. Cette richesse s’explique notamment par le micro-endémisme : certaines espèces sont identifiées seulement sur quelques îlots d’un archipel. Une biodiversité qui laisse penser que de nombreuses espèces seront probablement éteintes avant d’avoir été découvertes.

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