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Kiril Martynov (Novaïa Gazeta) : «En Russie, la profession de journaliste est interdite»

En Russie, les nouvelles lois liberticides ont eu raison de la plupart des médias indépendants, dont le plus mythique : "Novaïa Gazeta". Kiril Martynov, son directeur adjoint, a franchi la frontière pour reprendre le combat.
En Russie, les nouvelles lois liberticides ont eu raison de la plupart des médias indépendants, dont le plus mythique : "Novaïa Gazeta". Kiril Martynov, son directeur adjoint, a franchi la frontière pour reprendre le combat. © Baptiste Giroudon
Interview Caroline Fontaine , Mis à jour le

Opposé à l’invasion de l’Ukraine, Kiril Martynov, directeur adjoint de « Novaïa Gazeta » s’est réfugié à Riga, en Lettonie. C’est ce pays que Martynov - accompagné d’autres membres de l’équipe - a choisi pour installer le siège de son nouveau journal « Novaïa Gazeta Europe », sans rapport avec celui de Moscou. Paris Match a rencontré ces champions du journalisme d’investigation. Un reportage à retrouver dans notre dernier numéro, en vente en kiosque.

Paris Match. Quelles sont les difficultés pour informer aujourd’hui en Russie ?
Kiril Martynov. La profession de journaliste y est interdite. Si vous faites autre chose que de la propagande d’État, vous pouvez être poursuivi comme un criminel et votre média court le risque d’être fermé par l’agence de censure russe. Les autorités ont de nombreux outils pour nous détruire et ils l’ont déjà fait. Aujourd’hui, on ne peut faire ce métier que depuis l’étranger, ou sous couverture, sous pseudo, et à travers les réseaux sociaux - Youtube et Telegram ne sont pas encore fermés en Russie. Mais, déjà avant la guerre, c’était très dur de travailler. Les autorités ont créé de très nombreuses lois, notamment celle instaurant le statut « d’agent de l’étranger », inventé juste pour interdire tout journalisme indépendant et toute opposition.

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Avez-vous été menacé ? 
Officiellement, l’agence de censure a donné deux avertissements à Novaïa Gazeta en deux jours. En recevoir un second signifie que le journal peut perdre sa licence pour publier en Russie. La raison invoquée pour ces deux avertissements était bidon. Je pense qu’ils étaient destinés à nous menacer : si vous n’arrêtez pas maintenant, on n’en utilisera pas d’autres, on vous poursuivra en justice. Quelques jours plus tard, Dmitri Muratov, le directeur du journal a été attaqué dans un train. Si un prix Nobel peut être attaqué, cela signifie qu’aucun journaliste ne peut aujourd’hui se sentir en sécurité. Personnellement j’ai reçu beaucoup de menaces sur les réseaux sociaux, comme probablement la plupart des journalistes indépendants en Russie. On essaye de ne pas les prendre trop au sérieux.

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Lire aussi : Tirs en Moldavie, attaque informatique... le point sur la guerre en Ukraine

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Deux à trois dizaines de millions de Russes comprennent que ce qu’on écrit est vrai

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Comment les informations que vous produisez sont-elles reçues par les Russes ?
Deux à trois dizaines de millions de Russes comprennent que ce qu’on écrit est vrai et ils savent ce qui se passe en Ukraine. C’est une grande minorité. Or, si vous vous regardez ce qui se passe vraiment, si vous comprenez que la Russie a envahi l’Ukraine et commis des crimes de guerre, alors il faut se demander quel pays nous sommes, qui est Poutine, pourquoi on a fait ça ? Est-ce que l’on peut toujours être des gens bien après ? Beaucoup ne veulent pas y réfléchir. Ils préfèrent croire en cette fable qu’on leur raconte : il était une fois l’Union soviétique qui a battu les nazis, tous nos ennemis sont des nazis et les Russes seront toujours du bon côté. Une grande majorité des Russes sont dépolitisés. Mais les autorités ont créé beaucoup de haine à l’intérieur de la société russe. Il y a une permission officielle pour haïr. Dans chaque famille, dans chaque bureau, dans chaque groupe d’amis, désormais on se déteste à cause de Poutine. On est, je le crois, au bord d’une guerre civile.

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