Stéphane Le Foll : « Le PS veut brader son histoire pour 20 députés »

ENTRETIEN. Le maire du Mans dénonce les discussions entre le PS et LFI : à vouloir sauver quelques députés, les socialistes risquent de perdre leurs valeurs.

Propos recueillis par

Stéphane Le Foll. Le maire PS du Mans souhaite que le Parti socialiste affirme son identité et ses valeurs avant de négocier avec d'autres formations.
Stéphane Le Foll. Le maire PS du Mans souhaite que le Parti socialiste affirme son identité et ses valeurs avant de négocier avec d'autres formations. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Temps de lecture : 8 min

De sa mairie du Mans, Stéphane Le Foll mène la charge contre Olivier Faure, qui fut son adjoint au cabinet de François Hollande à Solférino. L'ex-ministre de l'Agriculture n'a jamais accepté la stratégie du premier secrétaire du PS consistant à se ranger derrière d'autres personnalités au gré des scrutins. Aux élections européennes, Raphaël Glucksmann mena la liste socialiste ; à la présidentielle, Olivier Faure caressa un temps l'idée de ranger le PS derrière un candidat écologiste. Le Foll résume cette stratégie en un mot : l'effacement.

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Le maire du Mans milite au contraire pour une affirmation claire et nette d'un projet socialiste, se plaçant dans les pas de François Mitterrand, Lionel Jospin ou François Hollande. Sous leur férule, le socialisme alors triomphant s'imposait d'abord, négociait ensuite. Comme le dit un de ses mentors, François Hollande, « ce n'est pas les miettes qui font le pain, c'est le pain qui fait les miettes ».

Le Point :Le PS discute avec LFI pour négocier un accord électoral aux législatives, après le résultat calamiteux d'Anne Hidalgo à la présidentielle. Il est donc, d'une certaine façon, soumis aux Insoumis. Est-ce l'aboutissement de ce que vous appelez, depuis plusieurs mois, l'effacement du PS ?

Stéphane Le Foll : Le Parti socialiste est entré dans une logique de soumission. À force de considérer que les autres formations ont raison, les électeurs intègrent cette idée et ne votent plus pour nous. Depuis cinq ans, la critique du quinquennat de François Hollande est devenue le seul élément du discours politique à gauche, en particulier au Parti socialiste. C'est même le préalable imposé par La France insoumise pour entamer les discussions : il faut renier le quinquennat de Hollande. Donc on s'efface, on s'efface, on s'efface !

La dégringolade du PS date pourtant du quinquennat de François Hollande. Olivier Faure a récupéré un parti très abîmé…

Le problème, c'est qu'au lieu d'écrire nous-mêmes une nouvelle page on laisse les autres l'écrire pour nous. Le PS, lui, n'existe plus. Il a commencé à se ranger derrière Raphaël Glucksmann aux élections européennes, et aujourd'hui derrière Jean-Luc Mélenchon. On assiste à l'effacement final. À l'université d'été du PS à Blois, l'été dernier, j'avais été le seul à m'opposer à cette idée. Je voulais un débat, il m'a été refusé. Tout le monde, d'Olivier Faure à Anne Hidalgo, en passant par Carole Delga et Martine Aubry, était d'accord avec cette stratégie d'effacement. Aujourd'hui, on arrive au bout de cette stratégie et c'est tout le socialisme français, toute son histoire, qui s'achève avec ces négociations entamées avec Jean-Luc Mélenchon.

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L'ironie, c'est que le socialisme français est né en réponse à la radicalité incarnée par le communisme, mais il semble se ranger derrière elle en 2022…

Au congrès de Tours de la SFIO, en 1920, une partie de la gauche part avec la section française de l'Internationale communiste, emmenée notamment par Marcel Cachin, l'autre avec Léon Blum, qui, selon son expression, « garde la vieille maison ». Il y a ensuite différents échecs électoraux, dont celui de Gaston Defferre à la présidentielle de 1969, avant que François Mitterrand ne récupère les morceaux éparpillés et n'affirme la position socialiste à Épinay, en 1971. Il crée donc le PS en l'affirmant face au PCF. Or les dirigeants actuels du PS n'ont pas de coffre politique. Ils confondent la stratégie d'union de François Mitterrand, qui était une stratégie d'affirmation, avec la stratégie d'alliance avec Mélenchon, qui est une stratégie d'effacement. Ils pensent que l'union fait la force, mais Mitterrand avait prévenu : l'union est un combat.

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Il y a pourtant toujours eu des alliances au sein de la gauche, malgré les différends. L'exemple le plus emblématique, c'est le programme commun de 1972.

Les alliances électorales ont évolué avec la situation politique, mais un accord n'a jamais voulu dire soumission et disparition. Au début, le PS et le PCF ont instauré le désistement républicain : chacun va au combat législatif de son côté et le candidat arrivé deuxième se retire pour celui arrivé en tête. Cela permettait à la gauche de s'unir face à la droite, et surtout à l'extrême droite. Ensuite, avec la gauche plurielle de Jospin, le PS devient la force autour de laquelle se noue une alliance électorale, avec des unions PS, PC et écologistes dès le premier tour dans certaines circonscriptions. C'est aussi ce qui a prévalu lorsque François Hollande reprend, en 2011, l'accord électoral signé entre le PS et les écologistes. Mélenchon n'est pas du tout dans cette perspective. La France insoumise refuse de jouer collectif et d'agir pour l'union de la gauche. Pour faire battre les candidats de l'extrême droite, ils ne soutiennent jamais les socialistes. Face à cette radicalité, nous ne pouvons pas accepter d'accord. Car l'objectif de Jean-Luc Mélenchon est clair : c'est l'hégémonie et la disparition de toute forme de concurrence politique à gauche.

L’urgence pour Olivier Faure est de se sauver lui-même.

Olivier Faure prétend justement que les accords électoraux avec les partenaires de gauche ont permis des victoires aux élections locales…

C'est la force qui fait l'union, pas l'inverse. En s'affirmant socialistes, de nombreux élus locaux ont regagné leur siège. Aux élections régionales, les cinq régions que le PS a conservées l'ont été par des candidats qui ont affirmé leur identité, avant de mettre en place une stratégie d'alliance. C'est le cas de Carole Delga, en Occitanie, ou de Loïg Chesnais-Girard, en Bretagne. À Montpellier, aux municipales, Michaël Delafosse a fait encore mieux : il n'était pas maire sortant mais a gagné en clamant haut et fort qu'il était socialiste, à rebours de la stratégie d'Olivier Faure.

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Quels sont les points du programme de l'union populaire qui, à vos yeux, sont incompatibles avec la pensée socialiste ?

Jean-Luc Mélenchon est un excellent tribun, il sait mener une campagne et entraîner les autres derrière lui, c'est évident. Mais les propositions radicales qu'il défend ne peuvent pas gouverner. La première divergence avec le PS porte sur la question européenne, constitutive de notre histoire. François Mitterrand a incarné le projet européen ainsi que l'amitié franco-allemande avec Helmut Kohl, quand Mélenchon prône la désobéissance européenne et la prise de distance avec l'Allemagne. La deuxième divergence, c'est son rapport à la République, à la laïcité et, de manière générale, à la démocratie. Je suis pour la démocratie représentative et je suis contre la désobéissance civile voulue par Mélenchon.

Enfin, sur la question de la retraite, Jean-Luc Mélenchon militait pour un âge de départ à 60 ans, mais avec 37,5 annuités. Je note qu'il a évolué sur ce point puisqu'il préconise désormais 40 annuités pour un taux plein. Mais vous savez combien ça coûterait ? 60 milliards d'euros ! Mélenchon dit qu'on peut s'endetter auprès de la BCE, et voilà, le tour est joué ! Si la direction du PS accepte le projet des Insoumis, elle rejettera alors toutes les propositions pondérées des socialistes, qui prenaient en compte la disparité des carrières ou la durée de cotisation des uns et des autres, afin d'être au plus juste. Ce qui se joue est grave. Depuis des décennies, le Parti socialiste a préconisé des solutions réalistes pour le pays ; il est devenu un parti crédible, un parti de gouvernement. Or cette crédibilité est aujourd'hui susceptible d'être remise en cause avec cet accord qui prône des mesures irréalisables. Le Parti socialiste doit rester un parti de gouvernement, tout en étant dans l'opposition d'Emmanuel Macron, notamment sur la réforme des retraites à 65 ans.

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N'assiste-t-on pas à un sauve-qui-peut du PS ? Après tout, l'urgence est de sauver les meubles aux législatives…

La seule question que se pose la direction du PS aujourd'hui est en effet celle-là : combien va-t-il rester de députés socialistes en juin ? L'urgence pour Olivier Faure est de se sauver lui-même. Il est prêt à brader toute l'histoire socialiste pour un accord sur 20 circonscriptions, c'est inacceptable. Nos députés doivent se représenter en faisant valoir leur travail de terrain et leur bilan à l'Assemblée nationale. Dans la Sarthe, nous présentons des candidats socialistes dans toutes les circonscriptions et je soutiens notre députée sortante. Les socialistes doivent représenter à l'Assemblée une opposition responsable, quand La France insoumise est bien souvent dans l'excès et la radicalité.

Que devrait donc faire le PS ? Aller au combat seul ?

Il est évident qu'on aurait dû chercher un accord entre les partenaires historiques, socialistes, communistes et écologistes. Ensuite, il aurait fallu regarder les circonscriptions où les candidats d'extrême droite sont susceptibles de l'emporter pour avoir un front républicain de gauche. Or LFI n'a jamais respecté ce principe républicain.

Dans ce parti, on ne peut plus débattre, on n’en a même plus le droit puisqu’Olivier Faure a demandé à ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui de partir !

Comment allez-vous agir ?

Je propose que tous ceux qui veulent réfléchir à l'avenir du socialisme se retrouvent le 16 juillet, dans la Sarthe. On pourra tout se dire, évoquer le bilan du quinquennat Hollande, la responsabilité de Manuel Valls dans le fossé creusé avec les frondeurs, analyser la défaite, mais surtout penser l'avenir. Chacun est le bienvenu. L'avenir du socialisme s'écrira sur une pensée claire, et avec comme objectif politique la reconquête des classes que j'appelle « insécurisées ».

Pensez-vous, comme Jean-Christophe Cambadélis, que le PS doit s'autodissoudre ?

Je partage en grande partie l'analyse de Jean-Christophe Cambadélis, mais à quoi cela sert-il de convoquer un congrès pour prononcer la dissolution du parti ? Je préfère d'abord organiser une discussion ouverte, comme des états généraux, afin d'imaginer quelque chose de nouveau. Dans ce parti, on ne peut plus débattre, on n'en a même plus le droit puisqu'Olivier Faure a demandé à ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui de partir ! Là encore, c'est contraire à toute l'histoire du Parti socialiste. Autrefois, le PS avait des personnalités avec un poids national, comme Pierre Mauroy, Lionel Jospin, Laurent Fabius ou encore Dominique Strauss-Kahn. Ils s'affrontaient au sein des instances, sans doute. Mais ils portaient une ligne politique commune pour la France, et entendue par les Français.

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Commentaires (66)

  • delneuF05

    JLM racle les tiroirs.

  • mystic

    Il s'agit juste de comprendre que certains veulent, envers et contre toute perte de valeurs, conserver leurs prébendes. C'est triste cette politique là, car LFI et les socialistes sur le fond, n'ont pas gd chose en commun. L'un veut renverser la table et détruire le modèle et l'autre le conserver en distribuant plus d'argent qu'il en existe... Désolant !

  • Daniellouis

    Effectivement, tous ces vieux socialos ne songent qu'à préserver leur place et surtout leurs émoluments de députés ; que voulez-vous, ils ont fait ça toute leur vie et ils ne savent rien faire d'autre.
    Entre homme politique et homme d'Etat, le fossé est un peu trop grand pour eux.
    Que ceux qui se préoccupent d'eux plus que de la France partent en retraite et qu'on les oublie.