VIDEO. Angoulême : le policier municipal pris en flagrant délit de doigt d’honneur

VIDEO. Angoulême : le policier municipal pris en flagrant délit de doigt d’honneur
Une image de la courte vidéo prise par un jeune de Ma Campagne : le doigt d’honneur est manifeste.
Repro CL
Par Stéphane URBAJTEL - s.urbajtel@charentelibre.fr, publié le , modifié .
Un policier municipal d’Angoulême a adressé des doigts d’honneur à un jeune de Ma Campagne. Ce dernier a capté le geste insultant en vidéo. Il réfute la moindre provocation. Une procédure disciplinaire est ouverte contre le fonctionnaire.

Sur la vidéo de quatre secondes, le geste est furtif mais le message sans équivoque. Au volant de sa voiture de service, le policier municipal d’Angoulême s’avance sur la chaussée, à proximité du gymnase du collège Pierre-Bodet, il passe devant un groupe de jeunes de Ma Campagne sans se rendre compte que l’un d’eux a branché son téléphone portable sur la fonction caméra. Et adresse à ce dernier un magistral doigt d’honneur. Au dernier moment, le fonctionnaire semble se rendre compte qu’il est filmé : il ouvre sa main et se cache le visage. Trop tard, il a été pris en flagrant délit.

« Il a fait ça sans raison, sans la moindre provocation de ma part ou de celle de mes copains...

« Il a fait ça sans raison, sans la moindre provocation de ma part ou de celle de mes copains, affirme Yassine Benhamoud, 20 ans, l’auteur de la vidéo et donc celui à qui était adressé ce majeur tendu. Ce jour-là, c’est le deuxième tour de la présidentielle. Il est 17h10, le jeune angoumoisin, étudiant à La Rochelle, vient d’accomplir son devoir électoral dans l’un des quatre bureaux de vote du quartier (tous réunis dans le gymnase situé à côté du collège, boulevard Jean-Moulin).

Avant de partir, il choisit de rester quelques instants dans le secteur avec ses potes. « On était là, sans rien faire de spécial. On était juste ensemble. » Au loin, il voit arriver une première fois la voiture du policier municipal. Qui lui adresse un premier doigt d’honneur. « Je suis resté bouche bée. C’était incompréhensible et totalement injustifié », assure Yassine Benhamoud tandis qu’un de ses copains veut bien admettre « un regard peut-être un peu appuyé » en direction du fonctionnaire.

Ouverture d’une procédure disciplinaire

Quelques minutes plus tard, le groupe de jeunes aperçoit une nouvelle fois la voiture de police à l’horizon. Yassine Benhamoud décide de brancher sa caméra « au cas où ». C’est là qu’il capte le second geste. Une preuve irréfutable. L’argument éculé qu’il aurait pu entendre - « c’est parole contre parole »- est battu en brèche. Le doigt et le visage du policier sont dans la boîte.

La fonction de l’auteur du geste, policier municipal, constitue une circonstance aggravante.

Yassine Benhamoud ne veut pas en rester là. « Je veux que ça se sache », appuie le jeune homme. Il contacte Charente Libre et la mairie d’Angoulême. Prêt à transmettre la vidéo. La semaine dernière, il est reçu par Marcel Dommartin, conseiller municipal en charge de la police municipale. « Je lui ai montré les images. Il a reconnu qu’il n’y avait aucun doute sur la nature du geste et m’a dit que ce n’était pas acceptable. »

Contacté par CL, Jean-Philippe Pousset, adjoint au maire en charge de la sécurité, est sur la même ligne. « Le comportement de ce policier municipal a été totalement inapproprié, non respectueux, pas conforme à ses missions. Il a commis une faute”, appuie l’élu qui se dit « désolé de cet incident regrettable. » La fonction de son auteur, policier municipal, constitue poursuit-il, une « circonstance aggravante. Celui à qui a été adressé le geste s’est senti offensé. C’est effectivement une offense, je la reconnais comme telle. Sa demande a d’ailleurs été prise très au sérieux, il était utile de le recevoir, de se poser avec lui. »

Et maintenant ? L’adjoint à la sécurité annonce qu’une « procédure disciplinaire » est ouverte à l’encontre du fonctionnaire. « Ce geste sera sanctionné par une commission, à la hauteur de ce qu’il doit être. » On comprend que le policier n’est pas relevé de ses fonctions dans l’attente de la décision. Il poursuit sa mission.

Une fois le mea culpa effectué, Jean-Philippe Pousset temporise en refusant d’accabler l’agent : « Ce qu’il a fait est malheureux mais exceptionnel. C’est une exception dans sa carrière. Son dossier disciplinaire est vide, il a toujours été très bien noté. » L’auteur du doigt d’honneur, ajoute l’adjoint, « n’a pas contesté son comportement et c’est tout à son honneur ». Il aurait eu du mal à nier, confronté aux images. L’élu veut dire aussi que face à cette situation « la police municipale d’Angoulême fait bloc. Je lui réitère ma confiance. Elle fait un travail difficile et exigeant. »

« Un climat électrique » selon la mairie

Sans excuser le geste, Jean-Philippe Pousset veut expliquer ce qu’il connaît de la situation qui a pu amener le policier à agir de la sorte : « Ce jour-là, on m’a contacté pour me signaler un climat particulièrement électrique autour des bureaux de vote de Ma Campagne. J’ai demandé alors aux policiers de permanence de se rendre sur place. » L’adjoint en charge de la sécurité ne souhaite pas en dire davantage. Mais selon nos informations, des habitants qui sont allés voter auraient décrit un sentiment d’insécurité voire quelques pressions aux abords des bureaux de vote. Sur le mode « ne vous trompez pas en glissant votre bulletin dans l’urne ».

« Un climat électrique sur place, c’est absolument faux, soutient Yassine Benhamoud. C’est une technique de défense utilisée par la police aujourd’hui mais ça ne tient pas. Personne ne peut dire ça. » L’argument étonne aussi Gilles Guinot, président par intérim de la MJC Louis-Aragon. « Je n’ai eu absolument aucun retour des équipes, des animateurs ou des habitants sur d’éventuels problèmes ou des tensions aux abords des bureaux de vote du quartier pour le deuxième tour de l’élection. »

« Cette histoire n’ira pas très loin »

Sans la vidéo et le témoignage de Yassine Benhamoud, l’histoire du majeur tendu n’aurait peut-être jamais été ébruitée. Car les syndicats de la mairie d’Angoulême (CL a réussi à contacter les représentants de trois organisations sur cinq) n’ont pas été saisis de l’affaire. « Vous nous l’apprenez », disent tour à tour les délégués CFDT Didier Brugière, CGT Stéphane Moulai et le représentant SAFPT Raphaël Laire. Le puissant syndicat national de défense des policiers municipaux (SDPM, premier syndicat national de la police municipale, 70 délégations, 300 sections locales) n’a pas davantage été saisi.
Jean-François Duhamel, le secrétaire général adjoint n’a pas de trace de ce dossier. « Peut-être que le policier municipal d’Angoulême, conscient qu’il ne faut pas faire ce qu’il a fait, n’a pas jugé utile de nous saisir. » D’après son expérience, le policier charentais ne devrait pas être trop durement sanctionné. « À mon avis, ça n’ira pas très loin. Qui plus est si le policier municipal reconnaît les faits. Il risque une sanction de premier degré, c’est-à-dire de l’ordre d’une mise à pied ou d’un simple avertissement. »
Jean-François Duhamel considère que l’argument selon lequel le policier en est peut-être arrivé là parce qu’il subissait trop de pressions de la part de jeunes de quartiers ne tient pas. « Moi aussi je travaille dans des quartiers difficiles. Et je ne fais pas des doigts d’honneur aux gens, même quand je suis sous pression. La meilleure des solutions reste le dialogue. »

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