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Australie : Facebook accusé d’avoir délibérément bloqué des pages gouvernementales pour empêcher le vote d’une loi

En 2021, le réseau social a bloqué en Australie certaines pages d’information sur le Covid-19 ou les catastrophes naturelles. Censée être « involontaire », la manœuvre visait en réalité à peser sur l’élaboration d’une loi à laquelle Facebook était défavorable, selon le « Wall Street Journal ».

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Publié le 06 mai 2022 à 13h44, modifié le 06 mai 2022 à 13h53

Temps de Lecture 3 min.

En 2021, en pleine pandémie, Facebook a intentionnellement bloqué certaines pages du gouvernement, d’hôpitaux et de services d’urgence australiens afin de peser sur une loi qui s’apprêtait à être votée par Canberra, selon les informations publiées jeudi 5 mai par le Wall Street Journal.

En février de cette année-là, le gouvernement australien cherche à imposer aux géants du numérique la rémunération des contenus journalistiques apparaissant sur leurs pages. Google cède mais Facebook – aujourd’hui rebaptisé Meta – se braque une semaine avant le vote de la loi, restreignant en réponse l’accès aux articles et vidéos de nombreux journaux australiens et internationaux. Au passage, le réseau social bloque également les pages d’organismes gouvernementaux informant sur l’épidémie du Covid-19 et plusieurs pages d’information sur les catastrophes naturelles, et ce quelques jours avant le début de la campagne nationale de vaccination et en pleine saison des incendies et inondations.

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Ces blocages, qualifiés à l’époque d’« involontaires » par Facebook, étaient en réalité délibérés, si l’on en croit les observations de plusieurs lanceurs d’alerte révélées par le Wall Street Journal. Selon leurs témoignages et des documents internes à l’entreprise, qui ont été transmis au département de la justice des Etats-Unis ainsi qu’à la Commission australienne de la concurrence et de la consommation, ces dépublications résultaient d’une stratégie pensée et sciemment mise en œuvre par la plate-forme.

Les documents fournis par les lanceurs d’alerte montrent que plusieurs employés de Facebook ont tenté de faire remonter le problème

Tout en affichant sa volonté de bloquer exclusivement des organes de presse, Facebook aurait ainsi employé un algorithme de tri dont l’entreprise savait pertinemment qu’il toucherait beaucoup d’autres publications. Les documents fournis par les lanceurs d’alerte montrent que plusieurs employés de Facebook ont tenté de faire remonter le problème et d’offrir des solutions, mais l’équipe en charge des dépublications leur aurait répondu de façon minimaliste ou dans des délais trop longs.

A la suite de ces remontées internes, Facebook n’a pas arrêté sa campagne de dépublications : au contraire, ces dernières ont rapidement été généralisées à tous les utilisateurs australiens de la plate-forme, alors que seulement 50 % d’entre eux y étaient confrontés aux premières heures. Un signe d’empressement inhabituel, selon le Wall Street Journal, qui souligne que l’entreprise est habituellement beaucoup plus lente et prudente lorsqu’elle déploie de nouvelles fonctionnalités. « Il était clair que nous n’étions pas en train de nous conformer à la loi mais que nous étions en train de frapper des institutions publiques et des services d’urgence », a témoigné une membre de l’équipe chargée des suppressions.

Les responsables de Facebook au courant

Selon le quotidien américain, l’objectif était bien d’exercer une pression maximale sur le Parlement australien avant le vote de la loi exigeant une rémunération pour les articles de presse sur les plates-formes numériques.

Cinq jours après les premières dépublications, la loi passait au vote, comme prévu, mais son texte était amendé d’une façon favorable à Facebook, conformément aux changements négociés la veille entre le réseau social et le gouvernement. Si la version initiale du texte avait été entérinée, l’entreprise aurait été contrainte d’entrer en négociation avec l’ensemble des éditeurs, sous la supervision de l’Etat. Or ces amendements lui ont permis de composer au cas par cas avec les médias de son choix : depuis lors, Facebook a négocié treize accords de rémunération avec des éditeurs de presse, selon un porte-parole de l’entreprise cité par le Wall Street Journal.

Immédiatement après la conclusion de son accord avec le gouvernement australien, Facebook a débloqué l’accès aux pages gouvernementales, selon des documents internes à l’entreprise. Un changement qui n’aurait demandé qu’une petite modification de trois lignes de code informatique, d’après le Wall Street Journal. Signe supplémentaire d’une stratégie délibérée : dans les minutes suivant le vote du Parlement, la directrice des partenariats de Facebook, Campbell Brown, envoyait un e-mail aux équipes de Facebook vantant leur succès : « Nous sommes parvenus exactement à l’endroit que nous souhaitions. » Le directeur général de l’entreprise, Mark Zuckerberg, ainsi que sa numéro deux, Sheryl Sandberg, se sont également félicités par écrit de l’opération, Mme Sandberg saluant la « précision d’exécution » de cette stratégie.

En réponse à l’enquête du journal américain, un porte-parole de Facebook nie les accusations portées à l’encontre de l’entreprise. « Ces documents montrent clairement que nous avions l’intention d’exempter les pages gouvernementales de restrictions afin de minimiser l’impact de cette législation nocive et malavisée. (…) Nous n’avons pu y parvenir en raison d’une erreur technique, nous nous en sommes excusés, et nous avons travaillé pour résoudre ce problème. Toute allégation contraire serait catégoriquement et clairement fausse. »

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