Le procès de Laurent Bucyibaruta, ex-préfet de Gikongoro, une région du sud du Rwanda, s’ouvre lundi 9 mai devant la cour d'assises de Paris. À 78 ans, cet ancien fonctionnaire est accusé d’être impliqué dans plusieurs massacres survenus lors du génocide de 1994 et encourt la réclusion à perpétuité. C’est le plus haut responsable jamais jugé en France dans le cadre de cette tragédie.

Un préfet expérimenté

Lors du génocide rwandais, Laurent Bucyibaruta, réfugié en France depuis 1997, était préfet de Gikongoro, une région particulièrement touchée par le déchaînement des violences. Au moins 800 000 personnes ont perdu la vie au Rwanda en cent jours, essentiellement issues de la minorité tutsie, mais aussi des Hutus modérés

→ RÉCIT. Génocide au Rwanda : la longue attente de justice des victimes

Son procès, prévu pour durer dix semaines, s’ouvrira avec l’examen des conclusions de la défense demandant l’annulation des poursuites engagées il y a vingt-deux ans. Si elle ne fait pas droit à cette demande, la cour d'assises pourra commencer à examiner le fond de l’affaire. Une centaine de témoins doivent être auditionnés, venus du Rwanda ou en visioconférence.

L’enquête lie l’ex-préfet à six scènes principales de massacres, qui ont fait des dizaines de milliers de morts. Fonctionnaire depuis près de trente ans au moment des faits, une carrière d’une exceptionnelle longévité, Laurent Bucyibaruta était pour l’accusation « un homme rompu à l’exercice du pouvoir ». Il encourt la réclusion à perpétuité pour « génocide », « complicité de génocide » et « complicité de crimes contre l’humanité ».

La préfecture de Gikongoro

Parmi les faits concernés par l’enquête figure le massacre commis dans l’école technique en construction de Murambi, sur la commune de Nyamagabe, l’un des drames les plus sanglants du génocide. Le site est depuis devenu un mémorial.

Le 21 avril 1994 au matin, des dizaines de milliers de réfugiés tutsis, regroupés sur le site à l’initiative du préfet qui leur assurait « protection », sont encerclés et tués. Une poignée survit, en prenant la fuite ou en se cachant parmi les cadavres. Les tueries se poursuivent dans la journée dans deux paroisses voisines, où des Tutsis avaient espéré gagner un sanctuaire.

Laurent Bucyibaruta est également renvoyé pour sa responsabilité dans le massacre d’environ 90 élèves tutsis à l’école Marie-Merci de Kibeho, le 7 mai 1994, et l’exécution de prisonniers tutsis, dont trois prêtres, à la prison de Gikongoro, des accusations qu’il conteste également.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda avait un temps réclamé Laurent Bucyibaruta, mais il s’était finalement dessaisi au profit des juridictions françaises.

Quatrième procès en France

Ce procès est le quatrième en France pour des crimes liés au génocide rwandais. Trois hommes ont été définitivement condamnés : Pascal Simbikangwa, ex-officier de la garde présidentielle, à vingt-cinq ans de prison en 2014 ; Octavien Ngenzi et Tito Barahira, deux anciens bourgmestres du village de Kabarondo (dans l’est du pays), à perpétuité pour « crime contre l’humanité » et « génocide », deux ans plus tard.

Un quatrième, Claude Muhayimana, ancien chauffeur d’un hôtel franco-rwandais accusé d’avoir transporté des miliciens, a fait appel de sa condamnation, en décembre 2021, à quatorze ans de réclusion.

Par ailleurs, vingt-neuf informations judiciaires et cinq enquêtes préliminaires sont actuellement ouvertes au pôle « crimes contre l’humanité » du tribunal judiciaire de Paris, autorisé à poursuivre des personnes soupçonnées de ces crimes en vertu d’une compétence universelle. Un médecin et un ancien gendarme doivent être jugés l’an prochain.

Autre dossier sensible qui attend son épilogue : l’enquête sur de possibles responsabilités de l’armée française, accusée par des survivants d’avoir abandonné des centaines de Tutsis qui ont été massacrés sur les collines de Bisesero, fin juin 1994. En avril 2021, le parquet de Paris a requis un non-lieu. La décision finale revient désormais aux juges d’instruction.