INTERVIEWLe port du burkini « devrait être vu comme un progrès social » selon Piolle

Burkini dans les piscines municipales : « Un non sujet qui devrait être vu comme un progrès social », dit Eric Piolle, le maire de Grenoble

INTERVIEWEric Piolle, le maire EELV de Grenoble a confirmé à « 20 Minutes » sa volonté de changer le règlement des piscines municipales, ce qui permettrait de lever tous les interdits en vigueur et d’autoriser notamment le port du burkini
 Eric Piolle, le maire de Grenoble confirme vouloir changer le règlement des piscines municipales le 1er juin, ce qui autoriserait le port du burkini. 
Lucas BARIOULET / AFP
Eric Piolle, le maire de Grenoble confirme vouloir changer le règlement des piscines municipales le 1er juin, ce qui autoriserait le port du burkini. Lucas BARIOULET / AFP - AFP / Pixpalace
Caroline Girardon

Propos recueillis par Caroline Girardon

L'essentiel

  • Le maire de Grenoble, Eric Piolle s’est confié à 20 Minutes ce mardi, confirmant qu’il allait soumettre un nouveau règlement des piscines lors du conseil municipal du 16 mai.
  • Le texte vise à lever tous les interdits en vigueur depuis 2012, y compris le port du burkini dans les bassins.
  • Accusé de favoriser l’islamisme radical, l’écologiste répond qu’il s’agit d’égalité d’accès au service public.

Le port du burkini dans les piscines municipales ? Un « non sujet », répond Eric Piolle. Le maire EELV de Grenoble s’est confié à 20 Minutes ce mardi, confirmant qu’il souhaitait modifier le règlement intérieur des piscines grenobloises afin de lever les interdits en vigueur. Alors que Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, menace de supprimer toute subvention si la mesure est appliquée, l’élu écologiste estime agir pour favoriser l’égalité d’accès au service public.

Allez-vous soumettre, lors du conseil municipal du 16 mai, une délibération concernant l’autorisation de porter le burkini dans les piscines municipales de Grenoble ?

Oui, effectivement. Au prochain conseil municipal, on proposera un nouveau règlement des piscines qui enlève les interdits étranges ayant été posés il y a une dizaine d’années. Donc, vous pourrez venir baigner dans les piscines de Grenoble seins nus. Vous pourrez venir avec un maillot couvrant pour se protéger du soleil. Vous pourrez venir avec un maillot couvrant pour d’autres raisons. C’est l’égalité d’accès au service public. Ce nouveau règlement entrera en vigueur le 1er juin, c’est-à-dire juste avant l’ouverture des piscines d’été.

L’été dernier, vous avez pourtant déploré les opérations burkini menées par l’Alliance citoyenne. Pourquoi ce changement ?

Elles avaient enfreint le règlement donc on a verbalisé. J’ai été réactif là-dessus. Mais en 2018, nous avions déjà eu une première discussion sur le sujet [règlement des piscines], notamment en raison de la canicule et des maillots couvrants qui étaient interdits à la piscine. Nous avions également fait un travail autour de l’égalité femmes hommes, autour du fait qu’il n’y avait pas de raison pour que la poitrine des femmes ait un autre statut que la poitrine des hommes dans les piscines grenobloises. Donc voilà. Le temps a passé, il y a eu le Covid, mais on a repris le dossier et on le passe avant l’ouverture des piscines d’été.

L’opposition et des élus de gauche ont fait savoir qu’ils étaient contre cette décision. Certains vous accusent de favoriser l’islamisme radical, qu’est-ce que vous leur répondez ?

Je leur retourne la question : qu’est-ce qui fait que la « lepénisation » et la « zemmourisation » des esprits sont tels qu’on regarde la façon de se vêtir, de se dévêtir, des femmes comme un sujet identitaire ? Ce n’est pas un sujet identitaire, c’est un sujet d’accès au service public. Ce règlement des piscines devrait être un non sujet. Il y a une dizaine d’années, on a mis des interdits, peut-être pour des raisons fallacieuses, qui n’avaient pas lieu d’être du point de vue de la loi, puisque dans les piscines, la seule chose qui vaut, c’est l’hygiène et la sécurité. Maintenant, on enlève ces interdits et on revient à la situation antérieure. Encore une fois, cela devrait être un non sujet et passer comme une lettre à la poste.

Quand vous dites « lever les interdits », cela concerne également les shorts de plage qui ne sont pas autorisés dans les piscines municipales ?

Les shorts larges sont interdits pour des raisons d’hygiène, cela va perdurer.

Vous prenez cette décision pour des questions de laïcité ?

Non, ce n’est pas une question de laïcité. Dans les piscines, comme dans la rue, il n’y a pas question de laïcité. On a le même statut légal et juridique. Les restrictions liées à la laïcité se tiennent dans l’école pour les élèves, pour les enseignants et pour les agents du service public. Elles se tiennent pour les fonctionnaires et ceux qui exercent une mission de service public. C’est tout. Pour le reste, vous pouvez vous habiller dans la rue comme vous le souhaitez. Là, vous pourrez venir vous baigner dans les piscines de Grenoble comme vous le souhaitez.

Est-ce que vous ne craignez pas que cette décision crée des remous dans l’opinion publique et parmi les habitants de Grenoble ?

Non, il n’y aura pas de souci. Tout le monde pourra se côtoyer. Il en est de même quand vous vous trouvez à côté d’une personne, vous ne vous demandez pas quelle est son orientation sexuelle. Ou lorsque vous marchez dans la rue, vous ne regardez pas si untel ou une telle porte un pantalon ou une robe.

Cette décision pourrait entrer en vigueur le 1er juin, soit onze jours avant les élections législatives ? Est-ce qu’il s’agit pour vous de marquer le coup politiquement ?

Non, le calendrier est celui de l’ouverture des piscines. La « lepenisation des esprits » est évidemment dramatique et le gouvernement a joué avec ça. M. Darmanin a pointé le fait qu’il était choqué par les rayons hallal ou casher dans les supermarchés. M. Blanquer a également joué avec les interdits vestimentaires en disant que les « crop top » ne devaient pas être portés à l’école. Sur les « crop top », comme sur les seins nus, on ferait mieux d’éduquer le regard des garçons plutôt que d’imposer des restrictions aux femmes. Pour le reste, c’est juste une question d’égalité d’accès au service public. Vraiment, ce changement de règlement des piscines devrait plutôt être vu comme un progrès social.

Emmanuel Macron a-t-il répondu au courrier que vous lui avez adressé vendredi ?

Non, on n’a pas eu de réponse. De même, nous n’avions pas eu de réponse lorsque l’on avait demandé au gouvernement de réaliser une étude sur le règlement dans les piscines. Il serait préférable que le sujet soit abordé au niveau national plutôt que chaque piscine municipale le fasse de son côté. Il n’a pas souhaité le faire pour des raisons qui lui appartiennent, mais on voit bien qu’il y a un flou et une confusion sur les fondements de la République, sur la loi de 1905, sur la loi 1901.

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