“Je suis une jeune femme célibataire, j’ai découvert en août dernier l’épuisement de mon stock d’ovocytes et mon médecin m’a dit qu’il me restait très peu d’ovules… Il est apparu, après les tests médicaux, que ma fertilité était semblable à celle d’une femme de 48 ans. Je me suis retrouvée dans une situation difficile et devant une barrière légale.”

Le témoignage de Yasmine (nom d’emprunt), une jeune femme de 33 ans, est rapporté par Al-Qatiba.

Comme l’explique ce site d’enquête, la congélation des ovocytes n’est pas coûteuse en Tunisie, son prix se situerait entre 250 et 2 000 dinars (entre 75 et 620 euros environ). Cependant, la loi interdit le recours à cette opération – qui permet d’allonger la période biologique pendant laquelle une grossesse est possible – aux femmes célibataires. Votée en 2001, cette loi accorde ce droit de manière exceptionnelle à la femme célibataire qui “suit un traitement ou se prépare à subir un acte médical qui pourrait avoir un impact sur sa capacité de reproduction”.

S’il est possible de procéder à l’opération à l’étranger, notamment en Espagne, la grande majorité des Tunisiennes ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour envisager cette option.

“Pourquoi suis-je obligée de voyager à l’étranger, où les coûts de congélation des ovocytes sont si élevés, alors que la technique existe en Tunisie, notamment à l’hôpital public Aziza Othmana ?” s’interroge Yasmine, qui estime être victime d’une injustice.

Un cadre légal restrictif

Pour Mohamed Khrouf, gynécologue obstétricien spécialiste de l’infertilité, les professionnels comme les femmes tunisiennes se heurtent à une loi déconnectée de la réalité de la société et du développement de la médecine. “Cette loi ne tient pas compte des femmes qui n’ont pas encore trouvé le bon partenaire, ou tout simplement qui veulent se concentrer sur leur carrière”, regrette-t-il, tout en rappelant que plus une femme est âgée, plus la congélation des ovocytes est compliquée.

Mais derrière la législation anachronique se cache un tabou de société, celui de la virginité de la femme avant le mariage. Le gynécologue interrogé par Al-Qatiba explique que certaines femmes craignent que la ponction d’ovocytes n’endommage leur hymen, synonyme dans les sociétés conservatrices de perte de la virginité. À ce sujet, il précise : “Nous avons trouvé une technique qui permet d’extraire les ovocytes à travers la vessie.”

Pour Al-Qatiba, de nombreuses jeunes Tunisiennes célibataires souffrent en silence dans une société conservatrice concernant les questions de libertés individuelles et les revendications féministes.