ENTRETIEN. Élections législatives : "L’accord à gauche n’est qu’un marché de dupes", affirme l'écologiste José Bové

  • L'ancien député européen, José Bové se dresse contre l'union des forces de gauche.
    L'ancien député européen, José Bové se dresse contre l'union des forces de gauche. AFP
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Propos recueillis par Nicolas Moscovici

l'essentiel Héraut de l’écologie politique, José Bové s’élève fermement contre l’accord signé entre la France insoumise, les Verts et le PS. Dans le sillage de Carole Delga en Occitanie, l’ancien candidat à la présidentielle de 2007 appelle à la « résistance ».

Vous avez co-signé une tribune dans laquelle vous dénoncez avec vigueur l’accord passé entre la France insoumise et les écologistes en vue des législatives. Quels sont vos griefs ?

Jean-Paul Besset, Dany Cohn-Bendit, moi-même et d’autres, nous avons créé Europe Ecologie en 2009 pour les élections européennes. Nous portions alors deux principes qui étaient liés : la construction européenne et la lutte contre le dérèglement climatique. Notre idée, qui n’a pas changé, était de considérer que les Etats seuls ne peuvent pas régler seuls les enjeux d’écologie. Sur ces questions, mais aussi au niveau économique et social, les actions qui doivent être enclenchées ne peuvent être prises qu’à l’échelle européenne. Or, en signant cet accord avec La France insoumise, la direction d’EELV a trahi ce projet européen que nous avions placé au centre de notre action. Elle s’est faite endormir et même duper par le discours de La France Insoumise.

Vous rejetez donc l’idée de « désobéissance aux traités » pourtant validée par Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV…

Absolument. Derrière ce concept se cachent tout simplement l’anti-européanisme et même le nationalisme de Jean-Luc Mélenchon.

Le nationalisme, carrément ?

Oui, le terme n’est pas toujours une notion péjorative en soi. C’est un classement. Pour Jean-Luc Mélenchon, l’Etat-nation, que je distingue de la République, est le cœur de l’Histoire. Il s’est toujours revendiqué du jacobinisme, d’un Etat centralisateur. Pour notre part, nous nous sommes toujours battus pour une Europe fédérale, pour une Europe qui se renforce. Comment nous donner tort avec la guerre en Ukraine qui se déroule sous nos yeux ? De son côté, La France insoumise propose la sortie de l’Otan et, finalement, le projet de se recroqueviller sur l’Etat-nation.

Justement, dans votre tribune, vous soulevez, à propos du conflit ukrainien, les « ambiguïtés démocratiques » de Jean-Luc Mélenchon. Que voulez-vous dire ?

Derrière les discours, parfois grandiloquents, regardons les faits : sur le plan diplomatique, Jean-Luc Mélenchon soutient des pays, notamment en Amérique du Sud, qui sont loin d’être des démocraties. Sur la crise en Ukraine, il défend une ligne de « non aligné » qui, en fait, ne constitue qu’un anti-américanisme primaire. Finalement, il rejoint la logique du Kremlin qui, pour lui, n’a pas bougé depuis la révolution bolchevique de 1917 !

Revenons en France et à l’accord trouvé à gauche. Ne crée-t-il pas les conditions d’une victoire d’un bloc « rouge, rose et vert » aux législatives du mois prochain ?

Je ne le pense pas. La seule façon de faire de la politique, c’est de parvenir à des compromis, pas de pousser à la confrontation bloc contre bloc. Soyons clairs : aucun compromis n’a été trouvé sur le fond entre La France insoumise d’un côté et le PS et les Verts de l’autre. Ils se sont juste partagés des circonscriptions avec, d’ailleurs, des calculs bizarroïdes qui ne tiennent pas compte de la réalité des territoires. Je le répète, cet accord n’est qu’un marché de dupes, du tripatouillage : les Verts et les socialistes se sont vendus pour un plat de lentilles dans cette affaire. Nous, nous pensons au contraire que toute la gauche n’a pas à être caporalisée par un tribun jacobin.

Comment, dès lors, vous organiser sortir de ce que vous qualifiez « d’impasse » ?

D’abord, il est important de faire connaître notre désaccord avec ce qu’il se passe actuellement. En Occitanie, c’est cette dynamique qui a été lancée par Carole Delga, avec, derrière elle, des candidats socialistes mais aussi écologistes qui ont des convictions et qui ont toute légitimité à maintenir leur candidature pour ces élections législatives. Il s’agit d’un acte de résistance à un discours dominant et lénifiant qui écrase tout en ce moment et qui, en réalité, cache un projet politique néfaste.

Jean-Luc Mélenchon a qualifié les candidats tentés par la dissidence de « serviteurs du macronisme ». Que répondez-vous ?

Si on commence à jeter des anathèmes… Je pensais qu’il n’y avait pas d’ennemis à gauche, on va bien voir si c’est vrai ou pas.

Et pour la suite ? Carole Delga a annoncé dans nos colonnes vouloir créer « un mouvement d’union de la gauche républicaine ». Vous la soutenez dans cette démarche ?

Nous verrons bien, il est encore trop tôt pour l’envisager. Mais si une dynamique parvient à se mettre en route dans quelques mois, je la soutiendrai totalement.

Quelle attitude les écologistes doivent-ils adopter vis-à-vis d’Emmanuel Macron ? Yannick Jadot s’est dit prêt à le soutenir s’il « décide enfin d’agir pour le climat ». Et vous ?

Au Parlement européen, Yannick Jadot et d’autres, nous n’avons pas été tendres avec Emmanuel Macron. À juste titre. Maintenant, si des actions sont menées pour aboutir à des transformations majeures, nous n’allons pas nous opposer seulement parce que c’est Emmanuel Macron qui les propose. Ce serait idiot. Il n’y a que les imbéciles qui agissent comme ça.

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