La SNCF veut voyager léger pour attirer plus de voyageurs
Pour relancer les petites lignes et réduire les coûts d’exploitation, la SNCF et ses partenaires planchent sur trois projets innovants : TLI, Draisy et Flexy.
Des trains légers, moins capacitaires et économiques en exploitation et en maintenance. Les futurs trains de la SNCF doivent répondre à un objectif essentiel : doubler la part modale du ferroviaire avant la fin de la décennie. Pour cela, il faut attirer de nouveaux voyageurs prêts à délaisser la voiture. « Ces dernières années nous sommes passés de l’écologie et l’environnement à l’urgence climatique, rappelait le 7 avril Carole Desnost, directrice technologies, innovations et projets groupe à la SNCF. Le rail représente moins de 1% des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, il faut réduire rapidement les émissions en réalisant un report modal important de l’auto vers le rail. Il nous faudra plus de trains et plus de voyageurs sur le réseau. »
Une révolution engagée avec la priorité des trains du quotidien enclenchée par la loi mobilités (LOM) et la loi sur le ferroviaire. Pourtant, quelques années en arrière, la SNCF et l’Etat se renvoyaient la balle sur les fermetures des gares et la suppression de lignes.
Flexy, la navette rail-route et Draisy, le mini-TER électrique
Outre le développement du futur TGV M, plus capacitaire et plus économe (maintenance, énergie) que les TGV actuels, la décarbonation complète des TER prévue pour 2035 avec la disparition des trains diesel, le développement en cours des trains à batterie ou à hydrogène, le chantier des innovations consiste à développer des trains légers et flexibles. C’est le cas du Flexy, qui pourra rouler sur la route pour aller chercher des voyageurs qui se trouvent loin des gares. Ensuite, il rejoindra une petite ligne très peu fréquentée – parfois un ou deux trains par jour - grâce à un système de double jante ou de roue double fonction. Cette navette rail-route pourra embarquer neuf personnes et utiliser la voie ferrée sans qu’il soit envisagé des investissements importants, hormis des plateformes de transition rail-route. Aux heures de pointe, elle sera conduite par un chauffeur. Aux heures creuses, elle pourra être utilisée en libre-service. Un premier pilote devrait être mis en service en 2024. Flexy est développé par la SNCF avec Milla Group, Michelin et l’Institut de recherche technologique (IRT) Railenium.
Le concept Draisy s’attaque, quant à lui, aux lignes peu fréquentées d’une centaine de kilomètres. Ce train équipé de batteries pourra transporter 80 personnes, dont 30 assises. Il aura une autonomie de 150 kilomètres. Ce projet mené avec Lohr Industries, IBS (Ion Battery Systems), Stations-e et l’IRT Railenium permettra de réduire l’ensemble des coûts de 60% par rapport à un TER classique. Une mise en service est prévue en 2027.
Alstom, CAF, Thales et Wabtec embarqués dans le TLI
Enfin, le train léger innovant (TLI), qui mobilise plusieurs industriels (Thales, Texelis, CAF, Wabtec-Faiveley Transport, Railenium, Ferrocampus, Alstom, Capgemini, Cerema et Ektacom), demandera un peu plus de temps. Sa mise en service devrait intervenir en 2028 ou 2029. Entre le TER classique et le Draisy, il aura une capacité d’une centaine de personnes avec un espace vélo et la possibilité d’embarquer des conteneurs de livraison. Le train proprement dit sera construit autour d’une unique plateforme modulaire, qui pourra être aménagée selon les types de besoins. Il se signale par l’intégration d’une cabine de conduite unique au centre de la rame. Avec une tonne à l’essieu, il est deux fois plus léger qu’un TER actuel et pourra par conséquent rouler sur des lignes secondaires, en usant moins les infrastructures. Il permettra de réduire les coûts (maintenance, exploitation, consommation d’énergie) de 30%.
D’autres innovations sont prévues, comme la numérisation de l’interface du conducteur, qui intégrera des solutions d’aide à la conduite pour l’automatisation. « La modernisation de la signalisation, relayée directement en cabine, s’affranchira d’équipements au sol et la surveillance du train et de ses abords sera réalisée par le train lui-même », indique la SNCF.
Aujourd’hui, la France a un train d’avance. « Sur les trains légers, nous sommes un peu précurseurs, se félicite Carole Desnost. D’autres pays ont un vrai problème avec les petites lignes, comme l’Allemagne et les Etats-Unis. » Il existe donc un potentiel, y compris à l'export, pour ces futurs trains.
« A la SNCF, 95% de l’énergie pour 2022 est déjà achetée »
La guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie qui en découle auront des conséquences limitées pour la SNCF. « Nous sommes le premier consommateur industriel d’énergie électrique en France, rappelait vendredi 8 avril devant la presse Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. Nous représentons 10 % de la consommation industrielle. » La hausse des prix au comptant ne devrait pas trop affecter l’opérateur historique. « Nous anticipons. Plus de 95% de notre énergie pour 2022 est déjà achetée. Cela aura un impact de quelques dizaines de millions d’euros en fin d’année. Mais notre but est de ne pas augmenter les tarifs. Nous serons l’allié du pouvoir d’achat. » Pour réduire sa dépendance au marché, la SNCF poursuit sa politique d’optimisation de la consommation et d’approvisionnement en énergies renouvelables. La part est de 20% du mix énergétique actuellement et elle doit monter à 40, voire 50% en 2026. Quant à la hausse du diesel (13% de l’énergie consommée), elle devrait engendrer une facture augmentée de plusieurs dizaines de millions d’euros cette année. Pas totalement neutre, donc.