La guerre en Ukraine risque de provoquer une crise alimentaire et énergétique en Afrique

Food and nutrition security

Les responsables de l’ONU ont averti cette semaine que les taux d’intérêt mondiaux risquent d’augmenter étant donné que la guerre affecte l’inflation et l’activité économique. Cela pourrait aggraver la situation de la dette africaine et créer un effet domino de défauts de paiement, en particulier dans les pays dont les remboursements de la dette sont attendus en 2022 et 2023.

Les répercussions de la guerre en Ukraine risquent de plonger les États africains dans une spirale néfaste de surendettement et de pauvreté alimentaire et énergétique, a déclaré un haut responsable de l’ONU à EURACTIV.

« Les perturbations des chaînes d’approvisionnement en Russie et en Ukraine auront fait grimper les prix des aliments importés au-delà de la portée de beaucoup, tandis que le prix exorbitant des engrais limitera l’offre d’aliments cultivés sur place », a déclaré la sous-secrétaire générale des Nations unies, Ahunna Eziakonwa, lors d’un entretien.

Les responsables de l’ONU ont averti cette semaine que les taux d’intérêt mondiaux risquent d’augmenter étant donné que la guerre affecte l’inflation et l’activité économique. Cela pourrait aggraver la situation de la dette africaine et créer un effet domino de défauts de paiement, en particulier dans les pays dont les remboursements de la dette sont attendus en 2022 et 2023.

En 2020, les pays africains ont importé pour 4 milliards de dollars de produits agricoles de Russie, dont 90 % de blé. L’Égypte est le plus grand importateur de blé au monde, avec 80 % de ses importations de blé en provenance de Russie et d’Ukraine.

Le président russe Vladimir Poutine s’est empressé de rendre les sanctions occidentales responsables de la hausse des coûts de l’énergie et de l’interruption de l’approvisionnement en engrais.

« Elles vont exacerber les pénuries alimentaires dans les régions les plus pauvres du monde, susciter de nouvelles vagues de migration et faire grimper encore davantage les prix des denrées alimentaires », a déclaré M. Poutine lors d’une conférence sur l’alimentation organisée à Moscou le 5 avril.

Les approvisionnements et les prix des engrais en provenance de Russie et du Maroc, les principaux exportateurs, sont soumis à une forte pression en raison de l’augmentation de la demande.

Le manque d’engrais, que l’on observe actuellement dans toute l’Afrique occidentale et centrale, réduira la productivité et les rendements et Mme Eziakonwa a averti que « le véritable impact des pénuries d’engrais ne se fera sentir que plus tard dans l’année et l’année prochaine. »

En Afrique du Sud, par exemple, les engrais représentent 35 % du coût des intrants.

« La hausse des prix mondiaux des engrais réduira la productivité agricole, compromettant ainsi la capacité des pays africains à nourrir leurs citoyens », a déclaré Mme Eziakonwa, soulignant que la Russie est une des principales sources des ingrédients utilisés pour produire des engrais et que la guerre en Ukraine a déjà entraîné une hausse de 21 % du prix.

« Le coût des engrais étant appelé à augmenter encore, les pays africains sont dans une situation sans issue », a-t-elle ajouté.

Après avoir défini des plans pour renforcer les liens économiques et politiques avec les États africains lors d’un sommet commun en février, les responsables de l’UE tiennent à s’assurer que l’UE ne perde pas la bataille diplomatique en Afrique.

L’Union africaine a publiquement condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais s’est abstenue de mettre en place son propre régime de sanctions.

La Commission européenne devrait augmenter le montant de son fonds de 225 millions d’euros destiné aux États d’Afrique du Nord touchés par les pénuries de blé et de céréales.

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« La faim et la malnutrition pourraient toucher 38,3 millions de personnes d’ici juin, si des mesures appropriées ne sont pas prises », alerte l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) dans un communiqué.

La responsable de l’ONU a minimisé les perspectives de gains économiques et sociaux majeurs découlant de l’augmentation des exportations de pétrole et de gaz de l’Afrique vers l’Europe, soulignant que l’inflation accrue a eu pour conséquence que la plupart des ménages africains à faible revenu sont désormais en situation de pauvreté énergétique, ou n’ont pas accès à l’électricité.

« L’augmentation de la demande de pétrole représente sans aucun doute une opportunité pour plusieurs pays africains, dont beaucoup possèdent d’importantes réserves de gaz naturel et de gaz naturel liquéfié et pourraient contribuer à pallier le manque, alors que l’Europe cherche à diminuer sa dépendance à l’égard de l’énergie russe », a noté Mme Eziakonwa.

Mais elle a insisté sur le fait qu’ « investir et augmenter la production et l’exportation de pétrole brut en Afrique n’est pas une situation gagnant-gagnant ».

« Cela aura un impact dévastateur sur la capacité de l’Afrique à réaliser ses ambitions en matière de climat et de développement durable, en retardant de plusieurs décennies la transition vers des énergies durables et en augmentant la dépendance à long terme aux sources d’énergie polluantes. »

« Il est inacceptable que 600 millions de personnes en Afrique n’aient pas accès à l’électricité, mais la réponse se trouve dans une transition énergétique équitable, qui permet de réaliser un accès à l’énergie durable pour tous », a-t-elle déclaré à EURACTIV.

La demande soudaine de l’UE en pétrole et en gaz africains a suscité un changement d’approche. Avant la crise ukrainienne, la Commission européenne avait encouragé les États africains à s’éloigner des combustibles fossiles pour ne plus investir que dans les énergies renouvelables et vertes.

« En fin de compte, l’augmentation de la production d’énergie non-renouvelable accélérera la crise climatique, et ce seront les plus pauvres et les plus vulnérables, dont beaucoup vivent en Afrique, qui seront le plus durement touchés », a averti Mme Eziakonwa.

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