Covid : médecins, infirmiers, sages-femmes.... ces soignants toujours à l'arrêt faute d'être vaccinés

  • Annie Labadie, 60 ans, médecin généraliste à Bédarieux, est suspendue depuis le 15 octobre.
    Annie Labadie, 60 ans, médecin généraliste à Bédarieux, est suspendue depuis le 15 octobre. Midi Libre - MICHAEL ESDOURRUBAILH
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En France, 15 000 soignants étaient suspendus mi-septembre, à l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale. Leur nombre aurait rapidement été ramené à quelques milliers, sans chiffre officiel des autorités de santé. En Occitanie, l'ARS fait aujourd'hui état de 22 médecins interdits d'exercer, sur un total de 11 750 médecins libéraux, précise l'agence régionale de santé. C'est aussi le cas pour 269 professionnels de santé libéraux, dit l'ARS. Annie Labadie, médecin généraliste à Bédarieux (Hérault) soutenue par un collectif de patients, fait partie de ces professionnels contraints de suspendre leur activité. Ailleurs, en Occitanie, d'autres soignants à l'arrêt témoignent. 

"J'allais déménager, c'est Gilou qui m'a rattrapée" : ce mardi 10 mai, Annie Labadie, 60 ans, médecin généraliste à Bédarieux, sort d'une rencontre avec le député LREM Philippe Huppé, un nouveau rendez-vous est programmé le 12 mai avec un autre candidat aux législatives. "Gilou", c'est Gilles Chauveau, membre d'un collectif qui ne se résout pas à laisser partir son médecin généraliste, arrivée dans la commune en 1995, poussée vers la sortie faute de s'être fait vacciner. "Le 15 octobre à minuit, comme Cendrillon, je n'avais plus de carrosse", sourit tristement Annie Labadie, qui avait obtenu un mois de répit sur l'obligation vaccinale des soignants, le 15 septembre dernier, grâce à une infection au Covid.

Elle était dans l'expectative jusqu'au courrier de l'assurance maladie, daté du 7 avril dernier, qui lui demande de "détruire l'ensemble des documents" comportant son numéro d'assurance maladie, et de retirer sa plaque professionnelle. Abasourdie et sans perspective d'avenir, elle l'a remplacée par une mini-fresque où s'inscrit une citation de Paolo Coelho : "Quand on ne peut revenir en arrière, on doit se préoccuper de la meilleure façon d'aller de l'avant".

Comme elle, et quelles que soient les raisons de leur choix, quelques centaines de soignants, le chiffre est incertain, sont dans l'expectative, laissant un poste vacant dans l'établissement qui les emploie, ou une patientèle en souffrance. Et plus encore, dans les déserts médicaux. 

Une citation de Paolo Coelho à la place de la plaque professsionnelle d'Annie Labadie.
Une citation de Paolo Coelho à la place de la plaque professsionnelle d'Annie Labadie.
 

À Fondamente, en Aveyron, Renate Fonteneau-Schutz n'a pas attendu que l'interdiction d'exercer tombe avec une obligation vaccinale à laquelle elle n'a pas voulu se soumettre. Le 15 septembre, ce médecin a fait état de sa "cessation d'activité militante". Depuis, la commune cherche désespérément un médecin : "On va à Rodez, à Saint-Affrique... aucun médecin ne veut nous prendre dans sa patientèle".

Dans l'arrière-pays d Occitanie-est, un infirmier non vacciné qui requiert l'anonymat raconte sa nouvelle vie de "paria", "les enjoliveurs volés et le rétro pété", son petit boulot à 400 € par mois, sans parler de "tout ce qui a éclaté autour" "Il y a neuf mois, j'étais en blouse blanche et je gagnais 4 500 € par mois. Je ne comprends pas", explique le trentenaire qui a engagé une action en justice qui "n'aboutit pas", et il n'a "plus les moyens de payer les frais".

"C'est inhumain, ce qu'ils nous ont fait"

Une soignante de l'hôpital de Perpignan, elle aussi privée de salaire, défendue par l'avocate Me Serfati, crie sa colère et son désespoir au téléphone : "C'est inhumain ce qu'ils nous ont fait. Ils se sont assis sur nos droits fondamentaux. On a perdu notre identité professionnelle, on est traité comme des criminels. On est tous plus ou moins suivi par des psychiatres..."

Elle "reste dans le combat", avec l'espoir de retrouver son poste : "Je me suis battue pour rentrer à l'hôpital, je vais me battre pour garder mon travail. Mais il va falloir que je trouve un salaire dans les semaines qui viennent. Tous les matins, quand je me réveille, je me dis que ce n'est pas vrai"

"J'ai licencié ma secrétaire, ma femme de ménage, mais je continue à payer l'Urssaf, mon loyer, le téléphone, l'électricité, le logiciel professionnel... je garde l'intention de revenir, mais s'il n'y a pas d'issue, il faudra dire stop", conclut Annie Labadie, non vaccinée "en mon âme et conscience", qui "tient le coup financièrement grâce à l'argent que j'avais mis de côté pour un projet de construction d'un cabinet médical". Initialement "assez confiante", "je pensais mettre mon activité entre parenthèses et revenir le plus vite possible", elle avait laissé à ses patients de quoi voir venir, avec "des prescriptions pour six mois".

Et après ? Aujourd'hui, elle ne sait plus, et eux non plus. "On ne peut pas garder les patients éternellement. Tout ce temps qui passe reste une épreuve. En même temps, si cette médecine-là émerge, je n'ai plus ma place". Annie Labadie sonde son comité de soutien : "Moi, je n'y crois pas trop, au changement de stratégie du gouvernement. Tu y crois, toi, Gilou ?"

 

"Pour nous, ce n'est pas une histoire de vaccin"

"On a commencé par la lettre A, puis B... 200 courriers sont partis aux sénateurs et députés. On a arrêté quand on a vu qu'on avait très peu de retours" : Antoinette Mach fait partie du collectif de soutien à Annie Labadie, fort d'une centaine de patients qui soutiennent "un médecin de famille qui ne compte pas son temps". Mobilisés par Gilles Chauveau, ils ont écrit une "lettre ouverte aux personnes politiques de tous bords confondus" pour défendre le choix de leur médecin et demander qu'on la laisse travailler. Beaucoup d'entre eux sont vaccinés. "Pour nous, ce n'est pas une histoire de vaccin. Egoïstement, on veut retrouver notre médecin. Elle me suit depuis 26 ans, elle a vu grandir mes enfants...", insiste Gilles Chauveau.

"On n'est pas là pour revendiquer quoi que ce soit. Ce serait vraiment perdre une perle rare", renchérit Antoinette Mach, qui s'inquiète pour la prise en charge de sa maman de 85 ans, sur un territoire où les médecins sont rares. A Bédarieux, il y avait sept médecins en 1995, lorsqu'Annie Labdie s'est installée. Elle suivait quelque 1500 patients. Sans elle, ils sont aujourd'hui trois.

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