LGBT en Corse : "Soit ils se cachent, soit ils se cassent"

Sylvie Fondacci, militante LGBT, a quitté sa Corse natale il y a 40 ans ©Radio France - HM
Sylvie Fondacci, militante LGBT, a quitté sa Corse natale il y a 40 ans ©Radio France - HM
Sylvie Fondacci, militante LGBT, a quitté sa Corse natale il y a 40 ans ©Radio France - HM
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Ce mardi est la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. En France, le combat reste d’actualité notamment en Corse où les langues se délient dans la communauté LGBTQI+ pour dénoncer un tabou persistant sur l'île.

Il est le seul à avoir accepté de témoigner. Sans doute parce que dans quelques jours Nicolas sera loin de la Corse et du village où il a grandi, près d’Ajaccio. Ce professeur de langues s’apprête à s’installer sur le continent, en France ou dans un autre pays. Ici, impossible d’aimer au grand jour quand on est gay, il en est persuadé. La discrétion, cet homme de 33 ans, en a fait une règle de vie, un réflexe de survie presque. Seuls ses amis les plus proches et sa famille sont au courant de son orientation sexuelle. Dans le passé, il en a parlé à d’autres mais les réactions n’ont pas toujours été bienveillantes. "Déjà, ce sont des gens qui arrêtent de vous parler, puis qui le racontent à d’autres. Et puis après vous entendez un ‘sale pédé’ ou ‘tapette’. Ça s’est toujours arrêté à la remarque mais sur le coup ça fait très mal". Tenir la main de son compagnon dans la rue ? " Jamais, non. Même aller au restaurant pour la Saint-Valentin… non, jamais, ça ne me viendrait même pas à l’esprit".

Partir c’est le choix qu’a fait aussi Sylvie Fondacci. C’était il y a 40 ans. "Ma vie amoureuse je l’ai commencée à 25 ans", nous raconte cette militante LGBT installée désormais à Paris. C’est en rejoignant le continent, Nice d’abord puis la capitale, pour ses études, que la jeune femme vit pleinement son homosexualité. Mais quand elle revient pendant les vacances pour voir la famille, accompagnée de sa petite amie de l’époque, celle-ci devient "une simple amie". Finalement, c’est l’un de ses oncles qui va la "outer" dans tout le village.

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Il a employé le terme ‘honte de la famille’. C’était d’une violence inouïe"

Aujourd’hui, à 60 ans, Sylvie Fondacci est persuadée que les choses n’ont pas évolué sur l’île pour les LGBT : "Soit ils se cachent, soit ils se cassent". L’homophobie il y en en Corse, comme ailleurs, dit-elle, "mais quand on vit dans un environnement très fermé, notamment en raison de l’insularité et peut-être aussi des traditions, c’est plus difficile de se libérer, d’être soi-même". L’invisibilité des LGBTQI sur l’île n’aide pas. "Il n’y a pas un seul bar gay en Corse, il n’y a pas de marche des fiertés, pas de centre d’informations pour les jeunes" déplore-t-elle.

Pourtant ces dernières années, quelques associations de défense des droits des personnes LGBT ont vu le jour sur l’île, notamment l’ARCU, dont Sylvie fait partie. Mais comme elle, la plupart des militants et membres sont installés sur le continent.

Actions de prévention

Côté politique, la collectivité de Corse, dirigée par les nationalistes, a multiplié ces dernières années les actions de prévention contre les discriminations notamment en milieu scolaire et auprès des clubs sportifs. "La lutte contre l’homophobie en fait partie", assure Lauda Guidicelli, la conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports et de l’égalité hommes-femmes à l’Assemblée de Corse. "Je ne suis pas sûre qu’on soit plus malheureux homosexuel en Corse qu’ailleurs" affirme l’élue.

Lauda Guidicelli, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports et de l’égalité hommes-femmes à l’Assemblée de Corse.
Lauda Guidicelli, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports et de l’égalité hommes-femmes à l’Assemblée de Corse.
© Radio France - HM

Le changement arrivera peut-être pour de bon avec cette jeune génération corse qui veut faire bouger les choses. Devant l’un des plus grands lycées de Bastia, on croise Elisabeth, 18 ans, qui vient de se mettre en couple avec une autre fille, "donc je suis bi on va dire", dit-elle en souriant. "De toute façon, j’ai rien à cacher". Mattéa, l’une de ses amies la soutient :" Je la vois, elle est heureuse c’est le plus important". Nicolas, 17 ans, va dans le même sens : "Moi demain, si j’ai mon fils qui est homosexuel, il n’y a aucune honte". Le jeune élève en terminale reconnaît que la situation progresse très lentement mais elle progresse et c’est l’essentiel. "Moi j’y crois, c’est avec le temps que ça va changer, vous allez peut-être dire que j’abuse mais peut-être que d’ici 5 ou 10 ans, ça pourrait aller du bon côté".

Mattéa, Elisabeth, Abir, un groupe d’amies de Bastia
Mattéa, Elisabeth, Abir, un groupe d’amies de Bastia
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Mais Théa et Daphné, elles, refusent d’attendre pour s’aimer. "Non ne se cache pas", affirme Daphné, "et puis même s’il y a des petits problèmes, on s’en fiche complètement" ajoute Théa, enlacée dans les bras de sa petite amie. Les deux adolescentes se quittent en s’embrassant devant les grilles du lycée, un long et tendre baiser au milieu de la foule.

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