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Aux États-Unis, les débats qui ont conduit à retirer des bibliothèques et des écoles plusieurs livres aux sujets « controversés » ont atteint… les livres de mathématiques.

Des dizaines de manuels ont en effet été récemment retirés des écoles en Floride au nom de principes flous. Au point où les autorités, devant les réactions du public, ont décidé de rendre publiques 6000 pages de documents: les comptes rendus des discussions des comités et, surtout, les commentaires des « réviseurs », souvent de simples citoyens. On y apprend par exemple que tel réviseur en avait contre les mentions d’inégalités raciales dans un exercice. Que tel autre semblait voir un peu partout la notion d’apprentissage socio-émotionnel —un processus d’apprentissage visant en théorie à aider les élèves à gérer leurs émotions. Ou que tel autre encore n’aimait pas un exercice de maths qui prenait pour point de départ une comparaison des salaires hommes-femmes des ligues professionnelles de soccer.

Le tout s’inscrit dans un processus officiel —et qui revient à intervalles réguliers— de révision des contenus, pour lequel le ministère de l’éducation de la Floride invite des profs et des parents à commenter toutes sortes de manuels, de ceux qui abordent les additions à la maternelle jusqu’à ceux qui traitent de graphiques et d’interprétation des statistiques.

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Mais cette année, le tout s’inscrit aussi dans un contexte politiquement plus polarisé, où le gouverneur républicain, Ron DeSantis, est entré en guerre contre ce qu’il a appelé de « l’endoctrinement woke » dans les écoles. Au point d’écrire une série de règlementations sur la façon dont des sujets comme « la race, le genre et les sujets socio-émotionnels » devraient être enseignés.

Ainsi, une des réviseures a écrit un commentaire détaillé dans lequel elle s’objecte à un problème de maths parce qu’il suggère, selon elle, une corrélation entre préjugés raciaux, âge et éducation et qu’il attire aussi l’attention sur l’écart salarial entre hommes et femmes. Les mentions de divorce et d’alcool lui ont également semblé « inappropriées pour l’âge » des élèves. En entrevue au New York Times, la personne, qui milite dans un groupe conservateur appelé Moms for Liberty, s’est décrite comme « une nouvelle venue en politique »: elle s’y est impliquée pour la première fois pendant la pandémie, à travers son opposition aux masques.

En même temps, à en juger par les 6000 pages, plusieurs des réviseurs ont semblé avoir du mal à s’entendre sur ce qu’est la « théorie critique de la race », un concept qui, jusqu’à récemment, n’était traité que dans les colloques universitaires —l’influence du racisme dans la société— mais que plusieurs ont accusé, à tort, de se retrouver dans les programmes scolaires.

Le Times note que plusieurs des livres rejetés l’ont été en dépit des commentaires favorables des profs de maths, qui vantaient leur minutie, leur présentation « engageante » de la matière et la qualité de leurs ressources numériques.

La multiplication des incidents de ce genre dans la dernière année, qui semble particulièrement cibler les ouvrages qui parlent de racisme et de sexualité, a conduit des groupes comme l’Association américaine des bibliothèques à s’unir pour créer la coalition « Unite Against Book Bans ». L’organisme PEN America estime qu’entre le 1er juillet 2021 et le 31 mars 2022, plus de 1600 livres ont été « bannis » dans différents coins des États-Unis.

La semaine dernière, une bibliothèque du Tennessee proposait à ses membres une carte « J’ai lu des livres interdits ». C’est au Tennessee qu’en janvier dernier, les autorités scolaires avaient interdit la bande dessinée Maus, un best-seller international dans lequel l’auteur, Art Spiegelman, raconte la vie de son père, un survivant de l’Holocauste. Le comité invoquait les « mots vulgaires » et la nudité.

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