En saturant de sucre les protéines Spike, des chercheurs contrecarrent la virulence du Sars-CoV-2

16 mai 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Une découverte réalisée à l’UCLouvain par l’équipe du Pr David Alsteens, pourrait bien apporter une nouvelle arme dans l’arsenal de lutte contre le Covid-19. En tentant de mieux cerner les mécanismes moléculaires à l’œuvre lors des interactions entre le coronavirus et les cellules qu’il infecte, le chercheur qualifié FNRS à l’Institut des sciences et technologies biomoléculaires a découvert un moyen d’enrayer la spirale infectieuse. Il s’agit d’agir sur les résidus de sucres présents à la surface de nos cellules pour « gaver » le virus, et ainsi de l’empêcher de s’accrocher aux cellules.

« La surface de nos cellules ne se compose pas seulement d’une membrane et de récepteurs moléculaires », explique le Pr Alsteens. « Pour interagir avec leur environnement, les récepteurs et les lipides qui forment la membrane sont en contact avec de multiples molécules, dont des résidus de nombreux sucres. Ces derniers assurent des fonctions importantes pour la cellule, dont sa propre reconnaissance ou les interactions avec les autres cellules. Mais aussi avec les virus. Ces sucres sont, en quelque sorte, les premiers crochets à la surface de la cellule ».

Grâce à des techniques de microscopie à force atomique, le chercheur et son équipe avaient déjà mis en lumière une stratégie du virus pour s’accrocher à nos cellules. Cela passait par la multiplication de point d’accroche entre le virus et une cellule, un peu à la manière d’une attache velcro.

Un acide sialique à la saveur irrésistible

En utilisant le même type d’outils, les scientifiques ont pu identifier les différentes saveurs de ces attaches velcro et identifier les goûts du virus pour certaines d’entre elles. La protéine Spike du virus affectionne notamment un variant des sucres de surface appelé acide sialique.

Les protéines Spike sont des sortes de crochets qui permettent au virus de s’accrocher à la cellule et in fine d’y entrer. Plus le virus trouve de points d’attache avec une cellule, meilleure sera l’interaction avec celle-ci et plus grand est le risque de voir l’infection se produire. « D’où l’importance de trouver comment le virus parvient à démultiplier les clés d’entrée », dit-on à l’UCLouvain.

Toujours grâce à la microscopie à force atomique, les chercheurs ont pu montrer qu’un sucre spécifique (de type 9-0-acétylé), interagissait de manière prépondérante avec la protéine Spike du virus.

Les chercheurs ont alors tenté de saturer la protéine Spike de ce sucre et ainsi de l’empêcher de s’accrocher aux cellules. Et cela fonctionne. En empêchant le virus de se lier aux cellules, on l’empêche aussi de l’infecter. Il ne s’attache ni assez fort ni suffisamment longtemps à sa cible pour trouver une porte d’entrée et infecter la cellule.

Un nouvel antiviral en perspective

Dans un second temps, l’équipe a tenté de berner le virus pour l’empêcher de s’accrocher à sa cellule hôte. En bloquant les points d’accroche de la protéine Spike et donc en supprimant toute interaction avec la surface cellulaire, ils espéraient limiter l’infection. Une hypothèse qui a également pu être validée.

Les scientifiques ont démontré que des structures multivalentes (ou glycoclusters) présentant de multiples acides sialiques 9-O-acétylés à leur surface étaient capables de bloquer aussi bien la liaison que l’infection par le SARS-CoV-2.

« Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, les différents vaccins se sont attaqués principalement aux mutations du SARS-CoV-2, mais pas au virus dans son ensemble. Cette découverte a l’avantage d’agir sur le virus, indépendamment des mutations », pointe-t-on encore à l’UCLouvain.

Cette nouvelle arme contre l’infection par le Sars-CoV-2 doit à présent être testée sur des souris. Si les résultats s’avèrent concluants, des tests cliniques sur des êtres humains pourraient ensuite être lancés. Avec, au final, l’élaboration d’un nouvel antiviral administrable sous forme d’aérosol.

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