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Hollande se rend à Carmaux, ville de Jean Jaurès et de socialistes désenchantés

A Carmaux, les militants PS s’apprêtent à recevoir François Hollande. Sans grand enthousiasme.

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Publié le 22 avril 2014 à 15h30, modifié le 23 avril 2014 à 14h03

Temps de Lecture 5 min.

François Hollande, à Carmaux (Tarn), le 16 avril 2012.

Il avait à peine plus de 30 ans le 16 avril 2012 quand il a porté, avec le candidat socialiste à la présidentielle, une gerbe de fleurs devant la statue de Jean Jaurès à Carmaux, dans le Tarn. Il était fier, il rêvait, il avait de l'espoir. Il croyait en François Hollande. Et moins d'un mois après, il fut ému quand il vit le portrait de son leader s'afficher sur son écran de télévision. Tout était parfait. François Bouyssié, militant socialiste comme son père et son grand-père, avait vécu sa première victoire.

Mais mercredi, ce sera différent. Deux années après la présidentielle, il ne va pas réserver un accueil aussi enthousiaste à M. Hollande, qui revient dans cette ville hautement symbolique qui a vu éclore le socialisme avec le combat de Jean Jaurès aux côtés des mineurs en 1892. « Le parti va dans une autre direction » et les affaires, comme celle qui touche le conseiller de François Hollande, Aquilino Morelle, n'arrangent rien, déplore François Bouyssié. Plutôt pondéré, ce jeune militant né peu de temps après la victoire d'un autre François, en 1981, et qui ne doit pas son prénom au fruit du hasard, veut garder espoir.

Il aimerait tout simplement que le président fasse ce qu'il a dit pendant la campagne. République exemplaire, « discours du Bourget offensif » à l'égard de la finance… « On en est loin, dit-il. Des projets sont devenus désillusions. »

Suivez la visite de F.Hollande à Carmaux avec notre envoyé spécial :

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VITRINES CLOSES

Sylvie Bidal, la « mère politique » de François Bouyssié, pour qui l'engagement socialiste doit aller de pair avec l'engagement syndical et la défense des ouvriers, est plus radicale. Elle est « heureuse de revoir François Hollande », mais les décisions prises depuis le début du mandat présidentiel gâchent la fête. La chef de la section PS de la ville ne sait pas encore dans quel camp elle sera mercredi : avec M. Hollande ou avec les « cégétistes » ? Sa raison lui dit de bien accueillir le président et de lui apporter son soutien. Mais son coeur lui dit d'aller exprimer sa colère avec les militants CGT.

Depuis cette ville du Tarn où les traces des luttes sociales ont été effacées et remplacées par des vitrines closes, elle ne comprend plus les « nationaux ». Pour elle, la nomination de M. Valls au poste de premier ministre, « qui a toujours été à l'aile droite du parti » – et qui a voulu en changer le nom pour supprimer la référence au socialisme –, symbolise le fossé qui s'est creusé entre socialistes. « Ils réduisent les charges patronales et tirent sur les prestations sociales destinées aux moins favorisés. Ils sont sur la lune, ils sont déconnectés des réalités que vivent les Français », déplore-t-elle.

La donne a changé. Sylvie Bidal souhaiterait presque que survienne un mouvement social comme celui qui a chahuté Alain Juppé en 1995. « Ce serait plus virulent qu'en 95 », pense François Bouyssié. Ces deux militants ne sont pas contre les économies, mais surtout « pas comme ça ».

« TRÈS MAUVAIS SIGNAL »

Assis côte à côte dans le local de la section socialiste de Carmaux, dénommée « Jean-Jaurès », comme beaucoup d'endroits dans cette ville, ils sont intarissables. François Bouyssié et Sylvie Bidal parlent de ceux qui sont affichés sur les murs de cette pièce où sont encore éparpillés les tracts de la campagne municipale. François Hollande, Mitterrand, Jaurès… Ils sont persuadés que le parti doit retrouver ses valeurs. Que son futur est plus à gauche, plus proche de Jaurès. Ils espèrent que ce voyage va « ressourcer » le président.

Ils ont le socialisme en eux. Ils portent son histoire et veulent en défendre les fondements. Ils en sont fiers mais n'hésitent pas à critiquer ses travers actuels. Comme la succession « calamiteuse » de Harlem Désir à la tête du parti. C'est un « très mauvais signal qui donne une image catastrophique du parti. On n'est pas un parti de successeurs mais un parti de militants », s'agace Sylvie Bidal.

« Les gens s'élèvent contre la vision carriériste du pouvoir. Des élus se croient supérieurs. Ils se croient trop forts », ajoute François Bouyssié. Et ils reprennent une célèbre phrase de Jaurès : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. » « On est fidèles aux idéaux socialistes en critiquant le parti », justifie Sylvie Bidal.

Voir sur le blog « Bains de foules » les photos du meeting de François Hollande en meeting à Carmaux, le 16 avril 2012

Après avoir présenté son « fils politique », Mme Bidal est fière de présenter son « père politique », celui qui lui a tout appris, celui aux côtés duquel elle a vécu les débuts de sa vie militante. Jacques Goulesque a 90 ans. Il vit dans un pavillon de la rue Edmond-Rostand. Le nom de la rue, il l'a choisi quand il y a emménagé, en hommage à celui qui a créé le personnage de Cyrano de Bergerac, cet homme qui a su « mourir avec panache et garder la tête haute face à l'adversité ».

Vif mais usé par ses vingt années passées à la tête de la mairie (de 1977 à 1997) et du conseil général durant les années où la mine a définitivement fermé ses portes, M. Goulesque retient des larmes. Cet ancien « hussard de la République », comme il aime à se définir en souriant, disserte comme s'il clamait un discours devant ses élèves ou devant une cour de militants. Il parle lui aussi avec passion de socialisme, assis, droit devant ses piles de livres dont le dernier retrace la carrière véreuse d'un élu du peuple.

Sans trop le dire, il en veut à M. Hollande d'avoir fait « trop de promesses ». Mais il en veut surtout à ceux qui critiquent le président de la République au lieu de le soutenir. Il pense aux « députés frondeurs ». « Il n'a pas une tâche facile. Il faut le comprendre. Et il faut y croire. Les socialistes, qu'ils soient idéalistes ou réalistes, doivent le soutenir. S'ils veulent le critiquer, ils doivent le faire entre eux, à Solférino. Ils doivent montrer une cohérence et une unité. » Le mot que voudrait dire ce vieil homme, descendant lui aussi de mineurs, à François Hollande mercredi est sincère : « Tu es en situation difficile. Sois juste, analyse bien les moyens, ne promets rien que tu ne puisses tenir. Mais ne renonce jamais. »

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