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Mort de Shireen Abu Akleh : une enquête de CNN pointe la responsabilité de l’armée israélienne

S’appuyant notamment sur l’analyse de plusieurs vidéos, la chaîne américaine affirme que, contrairement aux déclarations d’Israël, aucun affrontement ne se déroulait près de la journaliste, qui a été tuée, selon CNN, dans une attaque ciblée de l’armée israélienne.

Le Monde

Publié le 25 mai 2022 à 18h09, modifié le 25 mai 2022 à 19h44

Temps de Lecture 4 min.

Des étudiants portent un faux cercueil lors d’un enterrement symbolique de la journaliste d’Al-Jazira Shireen Abu Akleh, organisé à l’université al-Azhar, à Mughraqa, dans la bande de Gaza, le 16 mai 2022.

Au lendemain des premières conclusions de l’enquête préliminaire menée par l’armée israélienne sur la mort, à la mi-mai, de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh en Cisjordanie occupée, la chaîne de télévision américaine CNN a annoncé, mardi 24 mai, avoir réuni de nouvelles preuves accablant la défense israélienne.

La reporter pour la chaîne d’information Al-Jazira, Palestino-Américaine, chrétienne et âgée de 51 ans, était particulièrement connue pour sa couverture du conflit entre Israël et la Palestine. Elle s’était rendue à Jénine, en Cisjordanie occupée, au matin du 11 mai, pour suivre des affrontements armés qui avaient éclaté au cours d’un nouveau raid de l’armée israélienne dans un camp de réfugiés de la ville.

Ces interventions militaires se sont multipliées depuis le début d’avril, après que plusieurs attaques, dans lesquelles des Israéliens et des étrangers ont été tués, ont été perpétrées par des Palestiniens. Ce mercredi 11 mai, Shireen Abu Akleh a été tuée d’une balle qui l’a touchée à la tête. Des témoins, des responsables palestiniens et son employeur ont accusé l’armée israélienne d’être à l’origine des tirs.

La défense israélienne presque entièrement déconstruite

Cette dernière, ainsi que le gouvernement israélien, s’en est vivement défendue. Le premier ministre, Naftali Bennett, a même affirmé que la responsabilité de « Palestiniens armés » dans la « mort malheureuse de la journaliste » était « probable ». L’enquête préliminaire a, pour sa part, établi que si l’un de ces soldats avait tiré la balle qui a tué Mme Abu Akleh, il ne semblait pas coupable d’un crime, notamment parce que la journaliste se trouvait, au moment de sa mort, « au milieu d’une zone de combats intenses ».

Une défense qu’une enquête menée par CNN – notamment à partir de deux vidéos de la scène, d’une analyse audio et de l’expertise d’un professionnel des armes explosives – déconstruit presque entièrement. Plus : la chaîne américaine affirme même que la journaliste a été tuée dans une attaque ciblée menée par l’armée israélienne.

Plusieurs vidéos, consultées par CNN, montrent quatre journalistes – Shireen Abu Akleh, Shatha Hanaysha, Mujahid al-Saadi, et le producteur d’Al-Jazira, Ali al-Samoudi – discutant avec des habitants, attirés par leur présence près du rond-point Awdeh, à l’entrée du camp de réfugiés de Jénine. Tous portaient un gilet pare-balles estampillé « presse ». C’était « un matin normal à Jénine », ont témoigné des habitants à la chaîne.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Israël est régulièrement accusé de cibler les journalistes

Sur les vidéos, l’ambiance est calme, et aucun coup de feu ne se fait entendre avant ceux qui ont touché la journaliste. Salim Awad, un résident du camp de réfugiés qui était près des reporters ce matin-là, est l’auteur d’une vidéo de seize minutes montrant que les rues étaient tranquilles. Il a également affirmé qu’il n’y avait pas de Palestiniens armés ni d’affrontements en cours près des journalistes.

Des véhicules militaires positionnés à 200 mètres

« Nous avons fait face aux véhicules de l’armée israélienne pendant cinq à dix minutes avant d’avancer, pour s’assurer qu’ils nous avaient vus », explique une des journalistes présente, Shatha Hanaysha, ajoutant qu’il s’agissait d’une technique commune à beaucoup de reporters dans la région pour signifier qui ils sont aux militaires. Dans la vidéo filmée par M. Awad, on aperçoit au loin des véhicules militaires, avec une vue dégagée sur la position du groupe de journalistes. « Nous avons vu quatre ou cinq véhicules militaires dans cette rue, avec des fusils qui en sortaient, et l’un d’entre eux a tiré sur Shireen », affirme le jeune habitant.

D’autres vidéos, étudiées par CNN, montrent ces mêmes véhicules sous différents angles. Ces preuves visuelles incluent les images d’une caméra embarquée sur le torse d’un militaire israélien. On y voit distinctement cinq véhicules militaires garés les uns derrière les autres dans la même rue que celle où la journaliste s’est fait tuer, juste au sud de sa position.

CNN a demandé à Robert Maher, professeur et expert judiciaire en analyse audio, d’estimer, à partir des images enregistrées par le caméraman d’Al-Jazira – qui a filmé toute la scène à l’exception du moment où la balle touche la journaliste –, la distance entre lui et le tireur. Dans la vidéo, le premier son, provenant de l’onde de choc au départ de la balle, est suivi, 309 millisecondes plus tard, par un « bang », quand la balle atteint sa cible.

« Cela correspond à une distance qui peut varier entre 177 et 197 mètres », selon M. Maher, soit presque exactement l’éloignement entre le groupe et les véhicules de l’armée. L’équipe de CNN a géolocalisé la position des forces israéliennes, laquelle a été confirmée par le rapport de l’enquête préliminaire israélienne.

Une attaque ciblée, pas des coups de feu au hasard

Des Palestiniens portent le corps de la journaliste Shireen Abu Akleh, le 11 mai 2022, à Ramallah, en Cisjordanie occupée.

Une dernière information révélée par CNN tient de l’étude des impacts que les balles tirées vers le groupe de reporters ont laissés sur le tronc d’un arbre, au pied duquel la journaliste se tenait. Chris Cobb-Smith, consultant sécurité, vétéran de l’armée britannique et expert en armes explosives, assure que Shireen Abu Akleh a été tuée lors d’une série de tirs distincts, pas par une rafale automatique.

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« Le nombre d’impacts de balle sur le tronc de l’arbre […] prouve que ce n’était pas un tir au hasard, elle était visée », affirme M. Cobb-Smith à CNN. A une distance d’environ 200 mètres, il n’y avait « aucune chance », selon lui, pour qu’une rafale au hasard se traduise par trois ou quatre tirs atteignant une même cible étroite, comme le tronc d’un arbre.

Cette analyse réfute aussi l’argument israélien selon lequel la journaliste aurait été atteinte par des tirs palestiniens.

Des vidéos, datant du même jour, documentent bien des actions violentes, montrant des hommes palestiniens mitraillant des rues au hasard à différents endroits de Jénine.

Ces images ont été partagées par le ministère des affaires étrangères israélien et le bureau du premier ministre, ce dernier affirmant que la vidéo suggérait que « ce sont des terroristes palestiniens qui ont tué la journaliste ». Toutefois, CNN a localisé ces images au sud du camp de Jénine, à plus de 300 mètres de la position de Mme Abu Akleh. Une information qui permet à la chaîne d’affirmer que ces tirs palestiniens, dont le gouvernement israélien se sert pour sa défense, ne peuvent être ceux qui ont atteint la journaliste et son groupe.

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