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Ukraine : à Boutcha, une femme transforme les impacts de balles en fleurs

La ville de Boutcha, où l’armée russe aurait commis des crimes de guerre, porte de vives cicatrices de l’occupation, entre les maisons détruites et les impacts de balles dans toutes les rues. Une volontaire canadienne d’origine ukrainienne a décidé de les transformer en œuvres d’art. Elle veut aider les habitants à surmonter l’horreur de ce qu’ils ont vécu et leur redonner le sourire.

Ivanka Siolkowsky, volontaire en Ukraine, a lancé un projet visant à embellir les régions d'Ukraine touchées par la guerre en peignant des fleurs sur les impacts de balles.
Ivanka Siolkowsky, volontaire en Ukraine, a lancé un projet visant à embellir les régions d'Ukraine touchées par la guerre en peignant des fleurs sur les impacts de balles. © Ivanka Siolkowsky
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La ville de Boutcha, dans la banlieue de Kiev, a été occupée par l’armée russe pendant plus d’un mois. Après son départ, les Ukrainiens y ont retrouvé le 2 avril des rues jonchées de cadavres ainsi que des preuves de tuerie de masse, de torture et d’exécutions sommaires. Boutcha est depuis associée aux lourdes accusations de crimes de guerre qui pèsent sur la Russie.

Alors que la vie commence à reprendre son cours, les souvenirs des atrocités qui ont été commises sont encore visibles partout dans les rues. Les bâtiments ont été éventrés et des trous de balles criblent les murs dans toute la ville. Mais désormais, les clôtures et les portes de Boutcha criblées de balles sont aussi couvertes de fleurs, peintes par Ivanka Siolkowsky.

"Pour lui, j’ai voulu effacer ces impacts pour qu’il se rappelle de la joie qui jadis habitait la ville"

 Ivanka Siolkowsky est cheffe d’entreprise au Canada, elle est d’origine ukrainienne. Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, elle a voulu se porter volontaire. 

Dès la première semaine de l'invasion, j'ai pris l'avion pour la Pologne et j'ai apporté mon aide à la frontière. Il y avait beaucoup d'enfants qui traversaient la frontière seuls et avaient besoin d'assistance, alors je les ai aidés pour qu'ils arrivent en sécurité.

Puis il y a eu de moins en moins de personnes qui traversaient la frontière, alors je suis allée côté ukrainien pour participer à l'aide humanitaire. Presque tous les jours, je me trouvais dans une nouvelle ville, où j'offrais mon aide de différentes manières – la plupart du temps, c’était pour les enfants.

La volontaire canadienne a alors eu l'idée de peindre sur les impacts de balles laissés par la guerre en discutant avec un habitant de Boutcha.

J’ai rencontré un homme qui s’appelait Sasha, il avait perdu son fils à cause de la guerre, et sa maison avait été bombardée et réduite en poussière. Il m’a dit qu’il souhait partir car il n’y avait plus aucune once de joie dans la ville. Tout ce qu’il voyait, c’était des impacts de balles qui lui rappelaient ce qu’il avait perdu. Alors, pour lui, j’ai voulu effacer ces impacts pour qu’il se rappelle de la joie qui jadis habitait la ville. J’ai peint des jonquilles car il m’a dit que c’était ses fleurs préférés. Mon objectif c’était de le faire sourire, et j’ai réussi. Jamais je ne pensais que ça deviendrait ce que c’est aujourd’hui.

The first fence that Ivanka Siolkowsky painted in Bucha, featuring daffodils.

J'ai réalisé toutes les clôtures seule, même si j'ai eu un peu d'aide de ma petite assistante de quatre ans, Anya. Elle m'a regardée peindre la première clôture par la fenêtre de sa chambre et elle est venue m'aider. Depuis ce jour, elle est à mes côtés. Cela étant dit, j'espère que les gens à travers l’Ukraine rejoindront ce mouvement et se mettront à peindre, eux aussi, leurs clôtures, pour que le pays soit plein de fleurs ! J'ai déjà assisté à ce spectacle [ici] , et c'est merveilleux.

A four-year-old Bucha resident, Anya, has been helping Ivanka Siolkowsky with her projects.

Ces derniers mois, Ivanka Siolkowsky s'est rendue dans plus de 20 villes d'Ukraine. Mais elle a passé la plupart de son temps à peindre des portes et des clôtures à Boutcha.

J'ai demandé à chaque habitant quelle était sa fleur préférée. Chaque maison a une fleur différente, à l'exception de la dernière clôture que j'ai peinte aujourd'hui [24 mai] – celle-ci a toutes les fleurs.

Photos shared on Instagram show Ivanka Siolkowsky with some of the homeowners of the fences she has painted with flowers.
La dernière clôture a été peinte par Ivanka Siolkowsky, le 24 mai 2022.
La dernière clôture a été peinte par Ivanka Siolkowsky, le 24 mai 2022. © Ivanka Siolkowsky

Pour Ivanka Siolkowsky, aider les Ukrainiens a une signification très personnelle : 

Tous mes grands-parents sont ukrainiens. Trois d'entre eux ont été arrachés de leur village et emmenés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Après cela, ils sont partis au Canada, où la diaspora ukrainienne est très importante, et y ont commencé leur vie. La langue et les traditions se sont perpétuées dans la famille.

J'ai grandi en entendant leurs histoires de guerre. Je n'aurais jamais pensé voir ça de mon vivant, mais nous y voilà.

"Les Russes ne peuvent pas nous enlever l’espoir"

En Ukraine, Ivanka Siolkowsky a peint sept clôtures et 243 fleurs en tout. En chemin, elle a aidé à reconstruire certaines parties du pays, a discuté avec les habitants et a fait tout ce qu'elle pouvait pour aider les Ukrainiens touchés par la guerre.

J'ai entendu les histoires les plus horribles de ma vie. À vrai dire, je pense que j’ai encore du mal à réaliser tout ça. J'ai peur de retourner à la vie "normale" chez moi, car j'ai l'impression que c'est à ce moment-là que je vais m'en rendre compte. 

Ces gens ont vécu tellement de choses. Ils n'ont pas besoin qu'on leur rappelle cela tous les jours quand ils marchent dans la rue. C'est ce que font ces impacts de balles. Mon but était donc de les cacher derrière quelque chose de beau. Les fleurs sont un symbole d'espoir, de croissance, de renaissance. C'est la meilleure façon de faire savoir aux Russes qu'ils ne peuvent pas nous enlever l’espoir.

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