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Guerre en Ukraine : une enquête ouverte en Italie sur la place des discours prorusses dans les médias

Un plateau de talk-show italien.
Un plateau de talk-show italien. ANDREAS SOLARO / AFP

Pour faire de l'audience, les plateaux italiens n'hésitent pas à faire appel à des intervenants très proches de la propagande du Kremlin.

Le 1er mai dernier, les téléspectateurs italiens du talk-show Zona Bianca se sont retrouvés face à un visage rare sur les ondes occidentales : celui de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

Traduit en simultané, Lavrov a eu l'occasion de rappeler les idées fondamentales de la rhétorique russe sur la guerre en Ukraine, affirmant que ses forces armées attaquaient exclusivement les infrastructures militaires, que les horreurs commises dans la ville de Boutcha étaient mises en scène et que l'Ukraine était gouvernée par des personnalités proches du nazisme. Interrogé sur le fait que le président ukrainien Volodymyr Zelensky était pourtant juif, Lavrov a rétorqué : «je peux me tromper, mais Hitler aussi avait des origines juives». Une affirmation si choquante que Poutine a lui-même présenté des excuses à Israël.

L'interview de quarante minutes a provoqué un vif débat, en raison de sa nature mais aussi de son contexte: elle a été réalisée sur l'une des chaînes du groupe Mediaset, appartenant à l'ancien premier ministre Silvio Berlusconi et connu comme étant proche de Vladimir Poutine. L'entretien a rapidement été critiqué par le premier ministre actuel, Mario Draghi. Car en Italie, elle s'inscrit dans un climat médiatique jugé complaisant avec l'argumentaire russe. Le Comité parlementaire pour la sécurité de la République (Copasir) a ainsi, comme le rappelle Le Monde , ouvert une enquête sur des soupçons d'infiltration russe dans l'audiovisuel italien.

Europe «moralement responsable»

Car il n'est pas rare, sur les plateaux italiens, de retrouver des personnalités proches des positions du Kremlin et décidés à les défendre. Parmi eux, le chercheur Alessandro Osini, spécialiste de la sociologie du terrorisme et enseignant à la prestigieuse université LUISS de Rome. Invité à plusieurs reprises sur le plateau de l'émission Cartabianca, de la chaîne Rai Tre, celui-ci a ainsi affirmé à l'antenne que «si Poutine se trouvait dans une situation désespérée où il risquait de perdre la guerre et devait utiliser la bombe atomique, l'Europe serait moralement responsable».

Sous la pression de la polémique qui a suivi, Rai Tre a dû résilier un contrat signé avec le chercheur, à qui elle avait assuré 2000 euros pour six apparitions dans les émissions, rapporte le Corriere Della Sera . Derrière ces invitations récurrentes de personnalités, et notamment de journalistes prorusses, une quête du buzz récurrente sur les plateaux italiens, qui n'hésitent pas à mettre en scène des confrontations d'opinions radicalement opposées. La direction de la Rai envisage cependant de revoir l'organisation de ses talk-shows afin de poser des limites à cet «infotainment».

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46 commentaires
  • anonyme 38572

    le

    On ne peut pas empêcher un italien de parler et de s' exprimer. Même Mussolini n' y est pas arrivé .

  • philmar

    le

    L’UE déteste la liberté d’expression. Elle a une réponse pour l’empêcher: la censure et l’effacement social de ceux qui pensent mal. Au nom de la vérité, le monde d’Orwell …

  • Akhenaton

    le

    Il existe en tout cas une enquête qui n’a aucune chance d’être ouverte en France : celle sur la place des discours pro-ukrainiens dans les médias nationaux. L’information y est en effet assez systématiquement biaisée en faveur du point de vue de Kiev. Des représentants des think tanks atlantistes, proches des « faucons » américains, sont omniprésents sur les plateaux des grandes chaînes d’information et déversent sans retenue un discours jusqu’au-boutiste sur l ’ » impératif moral » que constituerait une intervention directe des occidentaux en Ukraine. Alors même que le point de vue de Moscou est pratiquement ignoré. Des statistiques sur les pertes russes émanant des autorités ukrainiennes sont régulièrement présentées, alors que celles sur les pertes de l’armée de Kiev sont le plus souvent absentes. Ce biais systématique incite à s’interroger sur ce que devrait être la mission des médias : relayer les points de vue officiels ou présenter une vision équilibrée des événements, laissant aux audiences le soin de se faire leur propre opinion. Il est notable que, malgré cette attitude partisane, une part significative des français exprime des points de vue différents, en particulier dans la presse modérée, dite « de qualité », au travers des réactions des lecteurs notamment. Des lecteurs qui ne sont pas nécessairement pro-russes mais qui refusent les approches manichéennes et pensent que la vérité ne se trouve pas d’un seul côté.

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