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Comment les déchets plastiques européens ont envahi la Turquie

Qu’elle soit consommée à Paris, à Londres ou à Rome, une bouteille en plastique a de fortes chances de finir sa vie en Turquie. Si des pays d’Asie, comme la Chine, refusent désormais d'être les poubelles des pays occidentaux, la Turquie, elle, en importe massivement. Sur place, les défenseurs de l’environnement dénoncent la multiplication des décharges sauvages, mais aussi celle des incendies dans les usines de recyclage.

Un homme dans une usine de recyclage de déchets plastiques à Kartepe dans la province Kocaeli. Le 11 mai 2022.
Un homme dans une usine de recyclage de déchets plastiques à Kartepe dans la province Kocaeli. Le 11 mai 2022. AFP - OZAN KOSE
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De notre correspondante à Istanbul,

La Turquie importe ces déchets pour les recycler, et donc créer des matières premières utiles à son économie. C’est un commerce lucratif. Selon l'association des recycleurs turcs (Gekader), en 2020, la Turquie aurait importé pour 128 millions de dollars de déchets plastiques et exporté l’équivalent d’1,2 milliard de dollars de produits en plastique recyclé. Ce qui a changé, depuis début 2018, c’est que les gros importateurs asiatiques, à commencer par la Chine, ont cessé d’acheter la plupart des déchets recyclables.

43 000 tonnes de déchets importés par mois

Les pays européens se sont ainsi tournés vers la Turquie, qui a augmenté le volume de ses importations. Et les chiffres sont impressionnants. L'an dernier, la Turquie importait environ 43 000 tonnes de déchets par mois, contre seulement 4 000 tonnes avant 2018. Le pays est devenu le premier importateur de déchets plastiques européens. Ces déchets s’ajoutent aux 4 à 6 millions de tonnes générées chaque année par 84 millions de Turcs.

Mais tout n’est pas recyclé. Cela se traduit par des emballages d’un géant français du surgelé ou des sachets d’une chaîne de supermarchés britannique gisant dans des décharges sauvages, régulièrement découvertes par des ONG de défense de l’environnement.

Le nombre d'incendies dans les usines de recyclage explose

L’ONG Greenpeace dénonce ainsi des contrôles sommaires aux frontières et à l’intérieur du pays. Il arrive ainsi fréquemment que les plastiques importés ne soient finalement pas recyclables, ou que les sociétés de recyclage, qui travaillent sous licence des autorités, n’aient finalement pas les moyens de recycler tout ce qu’elles importent. Il y a aussi des entreprises qui opèrent illégalement, dont certaines ont été fermées ces dernières années.

Mais, il n’y a pas que les décharges sauvages, car le nombre d'incendies dans les usines de recyclage plastique explose. L'an dernier, des incendies dans des centres de retraitement de déchets plastiques ont eu lieu tous les trois jours : de 33 en 2019, ils sont passés à 65 en 2020 et 121 en 2021, selon le décompte de Sedat Gündogdu, spécialiste de la pollution plastique à l'université Çukurova d’Adana, qui observe que la plupart des incendies se déclarent la nuit. Selon des experts et des militants écologistes, certaines entreprises pourraient avoir trouvé un moyen peu coûteux de se débarrasser de déchets non recyclables, qui devraient normalement être envoyés dans des usines d’incinération.

Manque de volonté politique

Face à ce phénomène, les autorités ont décidé de réagir. Depuis octobre 2021, un règlement prévoit de retirer son autorisation d’exploitation à toute entreprise du secteur reconnue coupable d’incendie volontaire. Mais les autorités manquent de moyens pour effectuer des contrôles et surtout, de volonté politique pour freiner ces importations massives de déchets européens. Face au tollé provoqué par la publication d’images de décharges sauvages, la Turquie avait décrété en mai 2021 l'interdiction d'importer des déchets plastiques.  Avant de lever l’interdiction une semaine après son entrée en vigueur deux mois plus tard.

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