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Zemmour accuse le RN de vouloir le «tuer», Bardella lui demande d’«arrêter de chouiner»

Élections législatives 2022dossier
La guerre fratricide à l’extrême droite continue. L’ex-candidat à la présidentielle accuse les dirigeants RN de cibler sa candidature dans le Var et celle de son fidèle dans le Vaucluse. Le Pen et ses proches ne voient pas pourquoi Reconquête profiterait des graines semées par le Front national dans ces départements-là.
par Lilian Alemagna
publié le 29 mai 2022 à 20h20

On avait déjà compris que l’objectif de Marine Le Pen dans ces élections législatives n’était pas de viser Matignon. «Ce serait prendre les électeurs pour des imbéciles», défend son bras droit, Jordan Bardella, à qui elle a confié les clés de la présidence du Rassemblement – au moins – jusqu’en septembre. Le parti d’extrême droite vise avant tout plus de quinze députés pour pouvoir constituer un groupe parlementaire, ce qui serait une première pour cette famille politique depuis 1986 et les 35 sièges obtenus après des législatives organisées à la proportionnelle. Mais un autre objectif semble se dessiner pour la direction du RN dans ces élections : achever Eric Zemmour et son mouvement après la désillusion présidentielle (7,1 %). Vendredi, Bardella s’est ainsi baladé dans le Var, sur le marché de Sainte-Maxime, pour soutenir le candidat RN Philippe Lottiaux, opposé là-bas à… Eric Zemmour.

«En tant que président par intérim du Rassemblement national, [il] ne trouve qu’une seule chose à faire, c’est de venir me combattre, moi, dans la circonscription que j’ai choisie alors qu’il pourrait affronter les sortants de la majorité d’Emmanuel Macron», a fustigé le polémiste d’extrême droite sur Europe 1 le même jour, reprochant à Le Pen et Bardella de vouloir «tuer tous les partis à côté de lui» plutôt que de créer un «grand rassemblement, comme sur le modèle de la gauche et le modèle de Jean-Luc Mélenchon». Le lendemain, dans le Vaucluse, Zemmour a dénoncé une attitude «absolument lamentable de [la] part» de Bardella : «Il pourrait aller se battre contre des candidats de Mélenchon ou des candidats d’Emmanuel Macron, mais non, il vient cibler les meilleurs, les candidats les plus connus de Reconquête, j’y vois une stratégie délibérée du RN.» D’autant que le seul meeting que le numéro 1 bis du RN a prévu de tenir d’ici au 12 juin est prévu samedi prochain, à Cavaillon (Vaucluse), dans cette circonscription ciblée par Stanislas Rigault, jeune protégé du même Zemmour.

«Eric Zemmour, c’est pas Dieu»

«Il faut arrêter de chouiner, de pleurer, a riposté Bardella, invité de Dimanche en politique sur France 3. Je ne veux tuer personne, je veux sauver la France.» Et l’eurodéputé, qui avait pourtant tendu la main à Rigault début mai, de cogner sur ses concurrents à l’extrême droite : «Eric Zemmour, c’est pas Dieu, a-t-il critiqué. Il n’arrive pas dans une circonscription (où) tout le monde se retire, l’océan s’ouvre, tout le monde doit le laisser passer et il passe au milieu. Ça ne marche pas comme cela, la politique […] Ils viennent depuis le XVIe arrondissement de Paris dans des terres où Marine Le Pen a fait 50, 55, 57 % des voix au second tour de la présidentielle.»

En déplacement la semaine dernière en Seine-Maritime sur la circonscription où son ex-numéro 2 parti chez Reconquête, Nicolas Bay, s’était présenté en 2017, la candidate RN à la présidentielle avait déjà annoncé la couleur : faire passer Zemmour pour le diviseur du «camp national» : «Pour une question d’ego, en raison d’une erreur d’analyse majeure, il a pensé qu’il pouvait rencontrer la confiance des Français plus que le Rassemblement national. Il s’est trompé lourdement, mais du coup il a affaibli le camp national, a-t-elle estimé. Si dans un certain nombre de circonscriptions, nous n’arrivons pas en tête, ce sera également le fait (des) candidats (Reconquête), alors qu’ils savent pertinemment qu’ils n’auront pas d’élus.» Si Zemmour finit tout de même par obtenir un mandat dans la quatrième circonscription du Var, pourrait-il intégrer un éventuel groupe RN malgré des «divergences» par exemple sur les retraites ? «Bien sûr qu’ils le pourront […] on travaillera avec tous les patriotes, les élus du camp national», a convenu Bardella dimanche avant d’appeler tout de même Zemmour à «assumer» son choix de «la division» : «Si Eric Zemmour n’avait pas été candidat à la présidentielle, Marine Le Pen serait arrivée en tête au premier tour.» Sans rancune mais avec, à coup sûr, quelques rancœurs.

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