Contre toute attente, le Royaume-Uni a instauré une taxe exceptionnelle de 25 % sur les bénéfices des producteurs de gaz et de pétrole. Le dispositif devrait rapporter 5 milliards de livres à l’État et financera des aides aux ménages modestes touchés de plein fouet par une inflation galopante. Si l'Italie et la Hongrie ont pris des mesures comparables, la France rechigne à franchir ce pas. Certains économistes plaident pourtant en sa faveur tandis que d’autres évoquent une mesure inapplicable.
En Grande-Bretagne, le gouvernement conservateur a fait volte-face. Dans un contexte de flambée de l’inflation et de pression de la population pour y remédier, le Royaume-Uni s’est finalement résolu à taxer les profits des géants de l’énergie. Le ministre britannique des Finances, Rishi Sunak, a dévoilé un plan d’aides aux ménages les plus modestes, partiellement financé par une nouvelle fiscalité sur les bénéfices des groupes pétroliers et gaziers.


Concrètement, les profits des producteurs de gaz et de pétrole seront taxés à hauteur de 25 %. Au total, cette taxe temporaire devrait rapporter 5 milliards de livres et contribuera ainsi à soulager la facture énergétique des ménages. Le pays connaît en effet une inflation galopante qui culmine à près de 10 % et grève les budgets des plus modestes. 


Initialement opposé à une taxation des géants du pétrole et du gaz, le revirement spectaculaire du gouvernement britannique suit celui de Ben van Beurden, PDG de Shell. En effet, alors que les appels en faveur d’une taxation spéciale des bénéfices records des pétroliers se faisaient de plus en plus nombreux, le patron de la major britannique, initialement déclaré "peu convaincu" par une telle taxe, s’était finalement engagé à investir massivement d’ici à 2030 pour la transition énergétique du Royaume-Uni. Une contrepartie en forme d’appel du pied au gouvernement.

Risque sur la transition


Un appel qui a été entendu. En échange de la taxe exceptionnelle, un dispositif viendra encourager les investissements des énergéticiens, sous forme de crédit d’impôt, mais sans condition sur la nature des projets, ce qui fait peser un risque réel sur la transition énergétique du pays.


Avant le Royaume-Uni, l’Italie avait déjà franchi le pas via l’instauration d’une surtaxe de 10 % sur les bénéfices réalisés entre octobre 2021 et mars 2022 par les grandes sociétés du secteur de l’énergie. La Hongrie envisage un dispositif similaire. La Commission européenne avait elle-même incité à la mise en place de ces surtaxes, tout comme l’agence internationale de l’énergie (AIE). "Les conditions actuelles du marché pourraient conduire à des bénéfices excédentaires allant jusqu’à 200 milliards d’euros dans l’UE pour le gaz, le charbon, le nucléaire et l’hydroélectricité et autres renouvelables en 2022", a déclaré l’AIE.


Ces décisions ravivent le débat en France. Pour l’heure, Bruno Le Maire continue de vanter son "bouclier énergétique qui permet à la France de connaître le niveau d’inflation le plus faible en Europe". Ce lundi, le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, affirme que le "gel des prix du gaz et le plafonnement à 4% pour l’électricité contient l’inflation". Il reconnaît un "besoin de financement supplémentaire de l’ordre de 2 milliards d’euros" qui sera couvert "par les meilleurs dispositifs inclus dans le projet de loi de finance à la rentrée". 

Un dispositif dédié


Mais certains économistes défendent l’application d’une telle mesure en France. Ainsi, Maxime Combes, économiste, rappelle qu’en "économie, à chaque objectif, il faut un dispositif dédié". En l’occurrence, "les groupes énergéticiens font des profits extravagants, directement liés à l’envolée des prix de l’énergie, et aux dépens des ménages. L’État peut bloquer les prix ou laisser les acteurs évoluer comme ils l’entendent puis ponctionner les super profits réalisés pour les redistribuer", ajoute le créateur de l’Observatoire des multinationales. "Ces deux approches ne sont pas antinomiques et peuvent se compléter", estime-t-il. Même si les finances publiques françaises sont régies par le principe de non-allocation des ressources, "il faut imaginer des mesures d’aides d’un côté et un financement issue de la taxe de l’autre", défend Maxime Combes.


Cette position ne fait toutefois pas l’unanimité. Interrogé sur France Info ce lundi, Nicolas Bouzou, économiste et fondateur du cabinet Asteres, estime qu’un tel dispositif serait complexe à mettre en place en France. Mais, à l’image de ce qui s’est produit en Grande-Bretagne, le gouvernement pourrait créer la surprise, notamment à l’occasion de la prochaine loi de soutien au pouvoir d’achat actuellement en préparation. 
Mathilde Golla @Mathgolla
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