Aquilino Morelle à Hollande : «Tu m'abandonnes, tu es vraiment un salaud»

Aquilino Morelle à Hollande : «Tu m'abandonnes, tu es vraiment un salaud»

    Le parquet national financier a ouvert vendredi une enquête préliminaire visant l'ancien conseiller politique de François Hollande, Aquilino Morelle, pour ses liens passés avec des laboratoires pharmaceutiques. Mais rien n'avait filtré avant mardi. Dans une longue enquête parue jeudi, Mediapart avait affirmé que  le conseiller avait été rémunéré par un laboratoire danois, alors même qu'il travaillait à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas).

    Aquilino Morelle a finalement démissionné vendredi pour «être entièrement libre de répondre» aux «attaques» le visant et «ne pas gêner l'action du président de la République». Il aurait reproché à ce dernier son absence de soutien après les révélations de Mediapart. «Alors qu'il y a des chiens après moi, tu m'abandonnes. Tu es vraiment un salaud !», aurait-il déclaré au chef de l'Etat, d'après plusieurs médias qui citent le «Canard Enchaîné».

    Menées sous la direction du procureur de la République, les enquêtes préliminaires bénéficient de moyens limités, en comparaison avec les informations judiciaires sous la houlette d'un juge d'instruction. «Il va pouvoir se défendre», s'est félicité le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale Bruno Le Roux. «Cette affaire doit nous conduire une bonne fois pour toutes à éviter tout conflit d'intérêt», a-t-il poursuivi sur BFMTV.

    Enarque, Aquilino Morelle avait intégré en 1992 le corps des inspecteurs de l'Igas. Mais, en 2007, il entame en parallèle une collaboration avec Lündbeck, un laboratoire danois qui lui aurait rapporté 12 500 euros hors taxe. Ce qui est rigoureusement interdit par la loi qui stipule que «les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative, de quelque nature que ce soit».

    Pas de trace d'une autorisation de l'Igas

    Seuls «l'expertise, la consultation, les activités littéraires et scientifiques et les enseignements peuvent être autorisés», assure l'Igas, interrogée par Mediapart. Cette dernière a uniquement donné son feu vert pour que le conseiller puisse donner des cours à la Sorbonne. Mais pas de trace d'une autorisation pour travailler avec un laboratoire privé, que le chef de l'Igas de l'époque, André Nutte, «ne se souvient pas avoir signée». Cette activité non déclarée pourrait donc s'apparenter à une prise illégale d'intérêts.

    Dans un «droit de réponse» publié sur sa page Facebook, Aquilino Morelle estime avoir respecté les règles : «En tant que fonctionnaire, un certain nombre d'activités annexes sont autorisées par la loi, dont l'enseignement et le conseil. C'est dans ce cadre que j'ai accepté le contrat ponctuel avec le laboratoire Lündbeck (15 octobre / 31 décembre 2007). (...) Ces activités ont dû être déclarées à l'Igas. Je n'ai pas retrouvé la trace de cette démarche en dépit de mes recherches.» «A aucun moment je n'ai donc été en situation de conflit d'intérêts», affirme-t-il.

    La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait de son côté indiqué qu'elle entamait «une étude plus approfondie des déclarations d'intérêts et de patrimoine» du conseiller élyséen.

    Un nouveau conseiller nommé cette semaine

    La prise illégale d'intérêt est notamment définie par le code pénal comme le fait, pour un fonctionnaire chargé de contrôler une entreprise privée, de prendre ou de recevoir une participation par travail ou conseil dans une de ces entreprises dans un délai de trois ans après la cessation de ces fonctions. Ce délit est passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

    Avec la démission d'Aquilino Morelle, François Hollande a perdu un très proche conseiller. Il sera remplacé «dans la semaine» par un conseiller qui ne devrait pas être un politique mais quelqu'un qui soit capable de «faire le récit de la présidence», selon l'entourage présidentiel.