Le quotidien israélien Ha’Aretz relate une “étrange histoire”, celle de l’attaque perpétrée il y a quasiment un demi-siècle dans le plus grand aéroport international d’Israël au nom de la résistance palestinienne. Étrange, car “l’histoire du massacre de l’aéroport de Lod [l’actuel aéroport Ben-Gourion] a commencé loin du Moyen-Orient et sans aucun lien avec celui-ci”. Elle démarre en effet à des milliers de kilomètres de là, au Japon.

En 1969, des militants japonais anti-impérialistes et anticapitalistes créent la Faction armée rouge (FAR, Sekigun-ha), qui s’illustrera un an plus tard par le détournement d’un avion le 31 mars 1970 à l’aéroport de Tokyo vers la Corée du Nord, lequel ne fera aucune victime. La FAR finit par tomber un an plus tard après de nombreuses arrestations dans ses rangs. Fusako Shigenobu, l’une des “membres clés”, cofonde alors l’Armée rouge japonaise (ARJ).

En 1972, “sentant la police se rapprocher dangereusement d’elle”, Shigenobu s’envole pour le Liban, “qui était alors La Mecque des organisations terroristes”. D’autres membres de l’ARJ ayant fait le même voyage quelque temps plus tôt ont tissé des liens avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).

Ensemble, ils préparent la première d’une vingtaine d’actions terroristes que le groupuscule japonais commettra dans les années 1970 et 1980 à travers le monde, relate Ha’Aretz.

“Le groupe s’est envolé pour Francfort puis pour Rome, où il a acheté des billets pour un vol Air France vers Tel-Aviv. Ils n’ont éveillé aucun soupçon lors de leur atterrissage à l’aéroport de Lod à 22 heures. […] Lorsque leurs valises sont arrivées, ils les ont ouvertes, ont sorti des mitraillettes et des grenades et ont ouvert le feu. En deux minutes, ils avaient tué 26 personnes et en avaient blessé 80 autres.”

Lorsque les trois assaillants se sont retrouvés à court de munitions, “l’un a été tué, le deuxième s’est suicidé et le troisième, Kozo Okamoto, blessé, a été arrêté à l’extérieur du hall des arrivées alors qu’il tentait de fuir”.

Depuis ce drame, les aéroports du monde entier ont renforcé le contrôle des passagers.

Aujourd’hui libres

Jugé par un tribunal israélien, Kozo Okamoto a été condamné à la prison à vie, puis libéré en Libye, en 1985, à la faveur d’un échange de prisonniers israéliens et palestiniens. Il déménage ensuite en Syrie. En 1997, il est arrêté au Liban pour être entré illégalement sur le territoire. Mais, trois ans plus tard, les autorités libanaises lui accordent l’asile politique. Aujourd’hui âgé de 74 ans, il vit à Beyrouth et mène une “vie tranquille”.

Kozo Okamoto lors d’une cérémonie organisée par des militants palestiniens le 30 mai 2022 à Beyrouth marquant le 50e anniversaire du massacre de l’aéroport Lod.
Kozo Okamoto lors d’une cérémonie organisée par des militants palestiniens le 30 mai 2022 à Beyrouth marquant le 50e anniversaire du massacre de l’aéroport Lod. PHOTO JOSEPH EID/AFP

Recherchée pendant des décennies, Fusako Shigenobu a été arrêté en 2000 au Japon, où elle a réussi à entrer sous un nom d’emprunt après avoir vécu clandestinement au Moyen-Orient. Condamnée à 2006 à vingt ans de détention, elle a été libérée le 28 mai dernier à Tokyo.

La fondatrice de l’Armée rouge japonaise, Fusako Shigenobu, le 28 mai 2022, à sa sortie de prison à Akishima, dans la métropole de Tokyo.
La fondatrice de l’Armée rouge japonaise, Fusako Shigenobu, le 28 mai 2022, à sa sortie de prison à Akishima, dans la métropole de Tokyo. PHOTO CHARLY TRIBALLEAU/AFP