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"On ne peut plus mettre un pied dehors": une ville de Maine-et-Loire victime d'une invasion de fourmis

Des fourmis Tapinoma sur un morceau de bois (Photo d'illustration).

Des fourmis Tapinoma sur un morceau de bois (Photo d'illustration). - Flickr - CC Commons - Christophe Quintin

Depuis environ cinq ans, un quartier de Saumur (Maine-et-Loire) est envahi par une espèce de fourmis particulièrement vigoureuses, dont il est impossible de se débarrasser. Les habitants, épuisés, racontent à BFMTV.com avoir tout essayé pour tenter de mettre un terme à ce fléau.

"Dans le jardin, dans la cuisine, derrière le canapé, sous la douche... elles sont absolument partout". Cela fait environ cinq ans que la maison de Sylvie Leroy, 64 ans, a commencé à être envahie par des milliards de fourmis. Mais pas n'importe lesquelles: des fourmis Tapinoma magnum, une espèce méditerrannéenne particulièrement redoutable, qui n'a selon les spécialistes pas de prédateur naturel.

Depuis, la retraitée a développé une phobie de ces petits insectes qui lui gâchent la vie et celle des quelque 200 habitants du quartier des Violettes, à Saumur (Maine-et-Loire). "Dans le quartier, tout le monde en a, c'est cauchemardesque. On en a ras-le-bol!", confie à BFMTV.com la sexagénaire.

"J'ai essayé tous les produits, elles reviennent toujours"

"On ne peut plus mettre un pied dehors sans se faire mordre, c’est invivable", confirme à BFMTV.com leur voisin Jean-Yves Pineau, lui aussi infesté depuis 3 ans. "Notre jardin en est plein: si on reste à l'arrêt sur notre pelouse, elles nous montent dessus. Mais pas seulement: elles rentrent dans nos maisons par les moindres petits trous. Les prises électriques, les bouches d'aération, les joints, les fenêtres... Quand on se lève le matin, on les découvre dans la cuisine. C'est très envahissant."

"Mon petit-fils de 6 ans ne veut plus venir chez moi parce qu'il a peur! Il faut dire qu'il ne peut pas jouer sur la pelouse, on ne peut pas s'allonger", poursuit Sylvie Leroy, qui dit avoir tout essayé pour s'en débarasser. "Il n'y a rien à faire, j'ai testé tous les produits possibles et imaginables, même les plus cancérigènes... Mais elles reviennent toujours. Et puis elles ne piquent pas, elles mordent carrément!"

"Ça fait un sacré budget", reconnaît aussi Jean-Yves Pineau, 69 ans. Ce retraité confie utiliser 3 à 4 bombes aérosols par semaine chez lui pour tenter de maîtriser la situation. "Ça permet d'être tranquille 2-3 heures, puis elles reviennent. Mais ça représente une petite somme, oui. "

Environ 28 hectares infestés

À Saumur, les habitants ont été prévenus. Loïc Bidault, conseiller municipal chargé de l'écologie contacté par BFMTV.com, prévient qu'il n'est pas question d'éradiquer l'insecte mais plutôt de contenir sa propagation. "Les chercheurs spécialisés qui sont venus sur place nous ont dit que tout ce qu'on pouvait faire, c'était faire en sorte d'éviter sa prolifération, afin qu'elle n'envahisse pas toute la commune et au-delà". À ce jour, les fourmis ont déjà envahi 18 hectares de cette commune de 28.000 habitants.

Des employés municipaux de Saumur en train de traiter un parterre de plantes infecté par les fourmis.
Des employés municipaux de Saumur en train de traiter un parterre de plantes infecté par les fourmis. © BFMTV

Le chercheur et maître de conférence à l'IRBI (Institut de recherche sur la biologie de l’insecte à Tours) Jean-Luc Mercier, qui s'est rendu sur place en juillet 2021 après avoir été sollicité par la mairie, raconte à BFMTV.com avoir été "assez impressionné par la quantité et l'étendue des fourmis" à Saumur. "C'est de loin la plus grosse colonie connue de cette espèce en France". Toutefois, "contrairement à ce qu'on a pu dire, ce ne sont pas des fourmis géantes", nuance le spécialiste. "Elles ne mesurent pas plus de 2 ou 3 mm. Et elles ne représentent pas de danger sanitaire pour l'Homme".

"Une capacité à occuper l'espace très rapidement"

En revanche, "il est vrai que c'est une espèce qui a une capacité à occuper l'espace très rapidement", reconnaît Jean-Luc Mercier. "Elle peut provoquer des situations insupportables, voire intolérables pour les particuliers qui en sont infestés car elle est poligyne, c'est-à-dire qu'elle a plusieurs reines et qu'elle va donc former beaucoup beaucoup d'ouvrières et créer une société très importante".

"C'est une fourmi méditerranéenne qui est présente dans le Sud de la France, et qui pourrait avoir été ramenée par transport humain. On peut tout à fait imaginer, par exemple, que quelqu'un ait un jour ramené une plante méditerrannéenne de cette région dont la terre était infestée de fourmis, puis l'ait simplement replantée."

Selon lui, la fourmi Tapinoma magnum "s'acclimate très bien à cet environnement". Ainsi, pour le chercheur, le phénomène pourrait s'aggraver. "Elles pourraient très bien continuer de se développer et continuer à s'étendre dans cette zone. À part si elles étaient soudain confrontées à un prédateur efficace, il n'y a aucune raison pour qu'elles ne continuent pas de proliférer. De plus en plus, le réchauffement climatique fait remonter progressivement les espèces méditerrannéennes dans le nord de l'Europe. Et ça ne va pas aller en s'améliorant", explique-t-il encore.

Les habitants concernés regrettent que l'équipe municipale en charge au début de l'invasion n'ait pas pris conscience de l'ampleur du problème lorsqu'elle a été alertée. "Il ne faut surtout pas laisser traîner", reconnaît Loïc Bidault, qui assure que les espaces publics de la ville sont désormais régulièrement traités" à l'aide de puissants insecticides.

Une réunion d'information a été organisée début avril, et une aide financière a été mise en place afin que les particuliers puissent faire appel à des sociétés spécialisées.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV