Le 8 février dernier, Albert Sakhibgareev, un soldat russe de 24 ans, a été envoyé dans l’oblast de Belgorod, frontalier de l’Ukraine. Le 24 février, il a appris le début de l’invasion du pays voisin sur une chaîne Telegram, raconte The Wall Street Journal. Il a pris peur et s’est enfui, comme de nombreux camarades qui ont défié les ordres parce qu’ils “ne voulaient pas se battre”, rapporte l’avocat Mikhaïl Benyash, qui représente une douzaine de Gardes nationaux aussi accusés de désertion.

Depuis que l’avocat a médiatisé les dossiers de ses clients rattrapés par la justice, plus de mille employés du ministère de l’Intérieur l’auraient contacté pour une assistance légale. Les procès ont pour le moment surtout abouti à des licenciements, avec des condamnations pour insubordination et non pour trahison, “parce que la Russie n’a pas déclaré la guerre à l’Ukraine”, justifient les avocats.

Ces cas se seraient multipliés depuis le début de la guerre, observe le quotidien américain, après avoir consulté plusieurs documents qui en témoignent, dont des décrets militaires ordonnant “le limogeage de plusieurs centaines de militaires”. Les carences que cette résistance provoque, aggravées par les pertes sur le champ de bataille, poussent les autorités russes à envisager une suppression du plafond concernant l’âge d’enrôlement, note le Wall Street Journal dans un autre article.

La législation russe punit de dix ans de prison l’abandon de devoirs assermentés, mais les déserteurs peuvent échapper aux poursuites criminelles s’ils prouvent qu’ils ont agi “sous une forte pression ou si des problèmes personnels les poussent à fuir”. Ils ont aussi “le droit de refuser des ordres qu’ils pensent illégaux”, explique le journal.

Les avocats “en danger”

Les avocats qui défendent ces déserteurs russes “sont en danger”, souligne le Wall Street Journal. Le 13 avril, Mikhaïl Benyash a été poursuivi pour avoir “discrédité les forces armées de Russie” dans une vidéo publiée sur YouTube, où il défendait le droit de ses clients à refuser le combat.

Le même jour, le journaliste Mikhaïl Afanasyev a été arrêté. Il avait évoqué le cas de onze Gardes nationaux contestataires dans la région sibérienne de Khakassie. Il est désormais poursuivi pour avoir propagé de “fausses informations”, une accusation passible de quinze ans de prison depuis la promulgation d’une nouvelle loi, votée début mars.

Les soldats continuent toutefois d’être soutenus par des groupes russes comme l’organisation de défense des droits de l’homme Agora. Le 17 mars, celle-ci a lancé une chaîne Telegram pour les accompagner et, dans les dix jours suivants, 721 membres de l’armée et des forces de sécurité lui en ont fait la demande.