Jean-Luc Mélenchon va-t-il réussir son pari ? À une semaine du premier tour des élections législatives, un sondage Elabe, rendu public le 1er juin, place la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) en tête des intentions de vote. Formée autour de La France insoumise (LFI), la coalition de gauche regroupe Europe Écologie Les Verts (EELV), le Parti communiste (PC) et le Parti socialiste (PS). Après la défaite du leader de La France insoumise à l’élection présidentielle, une revanche de la Nupes à l’Assemblée nationale réjouirait le peuple de gauche. Mais, étonnamment, l’idée n’enthousiasme guère le club de réflexion Terra Nova, pourtant réputé proche du Parti socialiste. "Si la Nupes venait à gagner et à exécuter ses engagements, il s’en suivrait à terme rapide un désastre économique (...)", étrille dans une note publiée en mai, Guillaume Hannezo, ancien conseiller économique du président Mitterrand.

Rétablissement de la retraite à 60 ans, instauration d’un impôt sur la fortune climatique, augmentation du Smic à 1.500 euros net… D’après un chiffrage réalisé par l’Institut Montaigne, cité par Terra Nova, le programme de la Nupes - quasi décalque de celui de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle 2022 - induirait 332 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an (250 milliards d’euros, selon Jean-Luc Mélenchon). Une enveloppe qui représente 13% du produit intérieur brut (PIB) de l’Hexagone. Pour le think tank, le problème réside tant dans le montant excessif que dans la nature même de ces augmentations budgétaires. "Ce sont essentiellement des dépenses reconductibles (...), la retraite à 60 ans après 40 ans de cotisations (86 milliards d’euros), les autres de dépenses de transferts sociaux ou de coûts de personnel des administrations publiques (...)", égrène la note.

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Pour financer son programme, la Nupes a d’ores et déjà proposé une solution : la hausse des prélèvements obligatoires. Ainsi, les ménages les plus aisés verraient l’impôt sur le revenu (IR) et les droits de succession alourdis. L’impôt sur la fortune (ISF) serait rétabli alors que le prélèvement forfaitaire unique (PFU) - l’une des mesures fiscales majeures du premier quinquennat d’Emmanuel Macron - disparaîtrait. Les entreprises, elles aussi, seraient mises à contribution par la coalition de gauche. Et ce, notamment, par la suppression des allègements de charges sociales. Malgré tout, Terra Nova estime que de telles mesures ne permettraient de financer qu’à peine un tiers - 100 milliards d’euros - du budget prévu.

Le renforcement de la fiscalité sur les entreprises aurait aussi pour conséquence de fragiliser le tissu productif en renchérissant le coût du travail. Ce qui, in fine, pénaliserait les salariés. "Face à la hausse des cotisations sociales employeurs, elles (les entreprises, ndlr) chercheront, autant que faire se peut, à réduire les salaires, ou du moins à les sous-ajuster par rapport à l’inflation, pour maintenir dans des limites supportables la hausse du coût du travail", alerte la note.

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Dérapage budgétaire

En 1980, la dette de la France était de 21% du PIB. À la fin de l’année 2021, elle atteignait 113% du PIB. Il y a 42 ans, le déficit de l’Hexagone était très faible, de l’ordre de 0,4%. Fin 2021, il s’élevait à 6,5%. En dépit d’une situation financière détériorée, "la relance proposée par Jean-Luc Mélenchon est 7 fois supérieure à celle de 1981, avec des comptes publics de départ infiniment plus dégradés", précise l’auteur. Selon Terra Nova, le programme de la Nupes conduirait à "finir entre 10 et 15% de déficit structurel". Pour rappel, la relance de 1981-1982 avait porté le déficit public à 2,8% du PIB et affaibli la compétitivité de la France. Une situation qui avait finalement conduit au tournant de la rigueur en mars 1983.

À n’en pas douter, la dégradation brutale des comptes publics provoquerait une vive réaction des marchés financiers. Le coût de l’argent emprunté par la France (le prix du risque) augmenterait fortement. "Payer 2% de taux d'intérêt en plus sur une dette de 113% du PIB, cela représenterait à terme 2,2% du PIB de dépenses supplémentaires inutiles à payer chaque année aux investisseurs, soit une cinquantaine de milliards d’euros. Une dépense en pure perte de la taille du budget de la Défense ou de celui de l'Education nationale", s’inquiète Guillaume Hannezo. Un problème qui fait craindre à l’ancien conseiller une crise de solvabilité de l’État. Une catastrophe, non pour "les riches, ceux qui ont du patrimoine, ceux qui travaillent pour l’économie ouverte (et) savent naviguer dans ce genre d’accident historique", explique le think tank, mais pour les Français pour lesquels l’aide de l’État est indispensable.