Ihsane El Kadi le disait récemment sur l’antenne de Radio M qu’il a créée : « On a eu tort de sous-estimer la dérive autoritaire » du régime algérien. Le journaliste croyait pourtant pouvoir échapper aux griffes de ce pouvoir décidé à bâillonner tout esprit indépendant. Las, mardi 7 juin, le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger l’a condamné à six mois de prison ferme et 50 000 dinars (320 €) d’amende. Sans mandat de dépôt. Le journaliste et ses avocats ignorent encore, ce mardi à la mi-journée, si la condamnation comporte une suspension de ses activités professionnelles, le réquisitoire réclamait une interdiction d’exercer une haute fonction, sans que cela ne soit explicité.

Condamné « pour un article d’analyse sur plainte du ministre de la communication Amar Belhimer sur des chefs d’accusation pour lesquels il n’a pas qualité de plaignant. Sentiment de colère et de tristesse », a réagi Ihsane El Kadi sur Twitter. Le journaliste se dit « contraint de faire appel » de la décision.

272 détenus d’opinion

Vu le contexte répressif algérien, avec 272 détenus d’opinion derrière les barreaux, et la pression du réquisitoire qui réclamait trois ans de prison ferme, certains se disent presque soulagés d’une condamnation à six mois de prison, sans incarcération. C’est dire à quel point le régime ne cesse de se durcir.

« Cette condamnation ne devrait pas exister ! », s’insurge le journaliste Khaled Drareni, correspondant de Reporters sans frontières pour l’Afrique du Nord, qui a lui-même été incarcéré pendant un an de mars 2020 à février 2021. « Jusqu’à présent les journalistes ont été condamnés pour avoir couvert des manifestations, mais jamais pour un article de presse, ce qui est en totale contradiction avec le droit algérien », dénonce-t-il. Selon lui, les autorités ont beau jeu de ne pas considérer Radio M comme un média au sens classique du terme et peuvent donc prétendre ne pas condamner un journaliste pour un article. La radio en ligne, tolérée jusqu’ici dans le paysage médiatique, n’a pas les autorisations officielles pour fonctionner.