Pourquoi les seins des femmes dérangent-ils toujours autant? | 24 heures
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Pourquoi les seins des femmes dérangent-ils toujours autant?

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Photomontage Marilyne Houde

Ça arrive chaque été: l’histoire d’une femme aux seins nus fait le tour des médias sociaux et le sujet soulève les passions. Cette année, c’est Éloÿse Paquet Poisson qui s’est fait interpeller par des policiers dans un parc alors qu’elle prenait un bain de soleil les seins nus, en toute légalité. Mais pourquoi donc les seins des femmes polarisent-ils tant? 

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Biologiquement parlant, il n’y a pourtant rien de sexuel dans les seins des femmes: ce sont des glandes qui servent, avant tout, à alimenter les bébés. Ce sont plutôt des rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, façonnés à travers le temps, qui soumettent le corps féminin au regard masculin dans une perspective sexuelle, soutient Stéphanie Pache, professeure de sociologie à l’UQAM.

«Historiquement, les corps des femmes étaient considérés comme étant la propriété des hommes, ce qui incluait le droit d’usage et, aussi, celui de le voir. Légalement, les femmes n’avaient pas tous les droits d’usage de leur corps, que ce soit en matière d’avortement, par exemple, ou encore lorsqu’elles passaient de la tutelle de leur père à la tutelle de leur mari», fait-elle valoir.

Il y a quelques jours, Éloÿse Paquet Poisson s’est fait interpeller par des policiers dans un parc alors qu’elle prenait un bain de soleil les seins nus.

TOMA ICZKOVITS 

Il y a quelques jours, Éloÿse Paquet Poisson s’est fait interpeller par des policiers dans un parc alors qu’elle prenait un bain de soleil les seins nus.

Héritage du patriarcat  

Aujourd’hui, ce contrôle est beaucoup moins présent. Mais à cause de cet héritage, on porte encore généralement un regard différent sur la nudité féminine par rapport à celle des hommes, explique Stéphanie Pache.

«Les corps féminins et masculins sont gérés différemment dans l’espace public. On a toujours une construction de la nudité féminine comme étant sexuelle, alors que les corps nus masculins n’y sont pas forcément soumis. On n’a pas encore atteint une dissociation entre corps féminin nu et perspective sexuelle», dit-elle. 

Et c’est là que se révèle toute la force du patriarcat, insiste la sociologue: même si nous ne sommes pas tous des hommes désirant des seins, nous avons appris que lorsqu’on les voit, c’est un symbole sexuel. C’est ce qui peut choquer, même des personnes autres que des hommes.

En voie d’égalité?  

Stéphanie Pache espère qu’on en viendra à percevoir la nudité féminine de la même manière que la nudité masculine. Selon elle, nos a priori ont déjà commencé à changer. 

«On a quand même ici une évolution avec une plus grande diversité corporelle, des genres qui nous éloignent un peu de cette dichotomie entre les corps typiques féminins sexualisés et les hommes», fait remarquer la sociologue.

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Une pratique à normaliser  

C’est d’ailleurs dans cette volonté de vouloir normaliser le fait que les femmes puissent «exister les seins nus» qu’Alice Lacroix a organisé la «manifestation subtile Libérez les seins», le 19 juin prochain, au parc du Mont-Royal. 

«Le but, c’est juste d’exister quand il fait chaud, rien de plus que ça. De la même façon qu’un gars enlève son chandail quand il fait chaud, on veut avoir le droit de le faire aussi sans sentir le regard [des autres sur nous]», précise celle qui a décidé d’organiser l’évènement à la suite de la publication d’Éloÿse Paquet Poisson. 

Alice Lacroix

Photo courtoisie 

Alice Lacroix

Une mauvaise expérience vécue par le passé et la peur de se faire accoster par des policiers l’ont, jusqu’ici, découragée de se dénuder la poitrine en public. Mais elle espère que la manifestation lui donnera le courage nécessaire pour le faire à l’avenir. 

«C’est un peu pour ça que je voulais le faire en gang, parce que je suis trop chicken de le faire toute seule. Mais c’est sûr qu’après ça, une fois que la glace va être cassée, peut-être que je ne me gênerai pas. Je n’ai juste pas envie de dealer avec les altercations que je pourrais avoir avec les gens», affirme Alice Lacroix.

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Selon elle, la force du nombre permettra aux personnes qui participeront à la manifestation de mieux se protéger face aux commentaires désobligeants et aux potentielles interventions policières. 

«On se prépare mentalement, parce qu’on s’attend à ce que des hommes nous objectifient ou que des femmes nous disent: "Pensez aux enfants!". On s’est construit de scénarios et des façons de répondre pour bien faire passer notre message de manière pacifique. Le but, ce n’est pas de crier dans la face de tout le monde qu’on a le droit de faire ce que l’on fait», résume-t-elle.

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